Mar 9, 2014 | Routes croisées |
De la même manière qu’on peut tenir un journal de voyage, rien n’empêche de tenir un journal du retour, afin de marquer l’importance qu’a, dans un voyage, le retour, car sans lui, le voyage n’est qu’une ritournelle sans fin, une habitude prise auprès d’un organisme, et la nouveauté n’est plus reçue comme une originalité un peu saugrenue, mais rien de bien méchant, somme toute. Il suffit de savoir atterrir. (more…)
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Mar 8, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Difficile, vu de loin, de prôner la démocratie à tout prix. Difficile aussi de vouloir un retour en arrière, quoi qu’il en coûte. Mais la modernité est passée en Inde et a fait ses ravages. Court extrait du livre de William Dalrymple, L’âge de Kali, où il ne peut faire que constater que les temps changent et que les processus de modernisation ne sont pas forcément aussi profitables aux plus petits et que les dégâts, une fois ceux-ci opérés, sont impossibles à effacer…
— Avant, on se sentait bien protégé. Aujourd’hui, il y a trop de concurrence.
— Si l’on n’écrase pas quelqu’un, on ne peut pas monter.
Les deux vieillards se regardèrent avec tristesse.
— Vous ne pouvez pas imaginer la splendeur et la richesse de cette époque-là, dit Vanmala en rompant ce moment de silence. Si je vous en parlais, vous croiriez que je vous raconte des histoires.
— A l’époque, tout serdar avait quinze chevaux et un éléphant, précisa le commandant. Mais maintenant, on ne peut même pas s’offrir un âne.
— Les serdars ne sont pas les seuls à être nostalgiques, fit remarquer Vanmala. Toute la population regrette l’ancien temps. C’est pourquoi la rajmata — et tous les Scindia — sont encore tellement aimés du peuple. Si l’un des membres de la famille se présente aux élections, tout le monde vote pour lui.
— Mais pourquoi ? demandai-je. Les gens ne préfèrent donc pas la démocratie ?
— Non, répondirent les Pawar à l’unisson.
— Absolument pas, renchérit le commandant.
— Vous comprenez, en ce temps-là, il n’y avait pas de corruption, expliqua le général. Les maharajahs se consacraient vraiment à l’administration de leur domaine. Tout était bien géré.
— La cité était parfaitement tenue, dit le commandant. Le maharajah faisait lui-même le tour de la ville, la nuit, incognito, pour voir comment les choses se passaient. Il considérait vraiment ses sujets comme ses enfants. Maintenant, où que vous alliez, il n’y a que corruption et extorsion.
— Aujourd’hui, dit Vanmala, tout babu de la fonction publique se prend pour un maharajah et essaie de compliquer la vie de l’homme ordinaire. Mais à l’époque, il n’y avait qu’un seul roi. Les gens de Gwalior étaient certains que s’ils lui racontaient leur histoire, il les écouterait et essaierait de les remettre en selle.
— Le maharajah et la rajmata étaient comme un père et une mère pour eux, dit le commandant.
— Tout cela a disparu, ajouta le général Pawar.
— Ce monde est mort, conclut le commandant.
— Il ne nous reste plus que nos souvenirs, dit le général. C’est tout. C’est tout ce que nous avons.
William Dalrymple, L’âge de Kali
A la rencontre du sous-continent indien
Libretto, 1998
Photo d’en-tête © Ananda Vrindavan
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Mar 7, 2014 | Sur les portulans |
Il existe un endroit en Inde, dans la ville de Vrindavan, dans la région de l’Uttar Pradesh, dont nous parle l’auteur de L’âge de Kali, William Dalrymple, qui est un des hauts lieux saints de l’Inde, petit paradis pour le dévot, enfer pour d’autres. A la découverte de ce lieu hors du commun.
La foi permet souvent de voir beaucoup de choses qui demeurent cachées au non-croyant. Aux yeux de la plupart des visiteurs profanes, Vindavan semble n’être rien de plus qu’une ville marchande du nord de l’Inde, en piteux état, aux rues poussiéreuses encombrées de vaches, de mendiants, de bicyclettes et de rickshaws. Mais pour le pèlerin pieux, c’est la résidence de Krishna, et donc — en ce sens du moins — un paradis terrestre qu’embaume le parfum des tamariniers et des arjuns.
Les hindous dévots croient que Krishna est encore présent dans cette ville aux palais en ruine et aux ashrams fourmillant de pèlerins, aux égouts du ciel ouvert et aux étals exposant des lithographies de l’Enfant Dieu, aux couleurs vives. Un vieux sadhu, rencontré au bord de la rivière, m’a dit qu’en prêtant l’oreille avec attention, on peut encore capter les accents lointains de la flûte de Krishna. Le matin, ajouta-t-il, on peut parfois entrevoir le dieu se baignant en bas des ghats ; le soir, on le voit souvent se promener avec Radha sur les berges de la Yamuna.
Chaque année, des centaines de milliers de dévots hindous viennent à Vrindavan et suivent, pieds nus, le parikrama qui, passant devant la plupart des temples et des lieux saints, mène à la Yamuna. La plupart se rendent ensuite à un autre lieu de pèlerinage voisin : Govardhan, une montagne que, selon la légende, Krishna utilisait comme ombrelle en la soulevant avec son petit doigt. Ce n’est qu’une petite colline, mais cela ne trouble pas les pèlerins ; ils savent que plus le mal prolifère dans le monde, plus la montagne diminue.
Certains de ceux qui viennent à Vrindavan n’en repartent plus. Car beaucoup d’hindous croient qu’il n’y a pas, dans toute l’Inde, de lieu plus saint et que c’est là qu’il convient donc de passer ses derniers jours.
William Dalrymple, L’âge de Kali
A la rencontre du sous-continent indien
Libretto, 1998
Pourtant, dans l’Inde d’aujourd’hui, cette ville porte une histoire triste et est devenue le théâtre d’un véritable drame humain qui touche directement la population féminine d’un pays qui, s’étant débarrassé de quelques unes de ses lois les plus iniques (les castes), a plongé toute une population dans une situation horrible. En effet, les veuves, autrefois, avait comme obligation à la mort de leur époux de pratiquer la coutume séculaire de la sati, qui consistait à ce que la femme soit immolée par le feu en même temps que son époux sur le bûcher lors de la mort de celui-ci. Dans la tradition hindoue, la femme perd son statut à la mort de son mari. Ce pratique de la sati (littéralement femme bien, ce qui implique que si elle n’est plus sati, c’est une mauvaise femme…) désormais interdite a créé les conditions d’une situation impossible pour ces veuves puisqu’elles sont désormais rejetées par leurs enfants, envoyées à la rue comme des mendiantes, quelle que soit leur condition et c’est dans cette ville qu’elle se retrouvent, vêtues de blanc sale, le crâne rasé. Pour les plus jeunes d’entre elles, et peut-être aussi les plus belles, elles sont mises à la disposition des gangsters ou même de certains sadhus indélicats qui alimentent ces trafics dans les ashrams de Vindavran. Une fois abîmées, elles sont alors revendues dans les bordels de Dehli. Une situation atroce pour ces milliers de femmes à qui on confisque tout une fois leur mari décédé, et qui vient presque à se poser la question de savoir si la sati n’était pas une tradition qui avait au moins le mérite de ne pas permettre une telle humiliation.
La petite ville provinciale de Vindavran devient alors le révélateur d’une dégradation sociale pas forcément visible, mais qui se concentre ici et devrait faire réagir les forces publiques, désormais tenues par des escrocs et des bandits.
Lire cet article sur le site de l’Express, ainsi que sur le site Mes carnets d’Asie.
Photo d’en-tête © Somebody
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Mar 3, 2014 | Carnets de route (Osmanlı lale), Routes croisées |
Dernier jour en Indonésie. Comme souvent, je suis content que ça s’arrête ; il y a un temps pour tout. Le voyage doit se terminer pour pouvoir faire à nouveau des projets et repartir, sans quoi ce ne serait plus du voyage mais de l’expatriation.
Je fais ma valise avant d’aller déjeuner et je profite un peu de la piscine avant de partir de l’hôtel. Je sais que je n’aurais pas forcément le temps plus tard, alors c’est maintenant que je barbote.
Dodo, chauffeur de taxi — Jalan Menukan — Yogyakarta — Indonésie — mars 2014
Je prends un taxi avec un type très sympa qui s’appelle Dodo et qui parle très bien anglais. Il a envie de m’apprendre quelques mots en bahasa, alors je me plie à l’exercice avec lui. Nous nous marrons bien tous les deux. Je lui demande si je peux le prendre en photo et comme j’ai pris ma petite imprimante Polaroid, je lui propose un deal. Je prends la photo avec mon téléphone et je la garde, je lui donne l’impression. Il est très heureux de cet échange et il me dit qu’il ne faut pas que j’hésite à lui faire de la publicité une fois arrivé en France.
Je lui demande de me déposer à Beringharjo que j’ai envie de voir. Le marché est une grande galerie sur plusieurs étages, dont le premier est uniquement envahi de vendeurs de vêtements, de coupons et de tissus au mètre. Je trouve un stand tenu par quatre dames, dont une est âgée. Les trois autres sont voilées, mais pas elle. Elle a un beau regard tendre et se cache pour ne pas que je la voie. Je négocie quelques bouts de tissus sur l’étal et je leur propose ensuite un cadeau (hadiah). La plus proche de moi est étonnée mais elle joue le jeu, alors je sors mon téléphone, la prends en photo et je sens qu’elle a l’impression que je me suis foutu d’elle, mais aussitôt, je sors mon imprimante et j’imprime la photo ; les femmes ont compris, alors elles commencent à rire et je mets littéralement le feu à l’allée où les commerçantes m’entourent pour regarder ce que je fais. Lorsque la photo apparaît, c’est l’explosion de joie ! La petite dame en rouge à côté de moi demande à ce que je prenne ses deux sœurs, ce que je fais avec plaisir, puis la grand-mère et là l’imprimante se bloque. Je mets dix bonnes minutes à décoincer le papier et elles me disent toutes que ce n’est pas grave. Pour moi, ça l’est, ce n’est pas juste. Je ne peux pas repartir comme ça sans avoir donné la photo à cette gentille dame. La dame en rouge m’évente parce qu’elle voit que je commence à transpirer et finalement la photo sort. La petite dame me remercie chaleureusement. De mon côté, je suis heureux d’avoir pu partager ce bon moment avec elles, ne pas avoir été simplement dans une relation marchande. Ironie de l’histoire, la seule photo qui me reste est à la photo de cette petite dame, les deux autres ont disparu… Ce n’est pas grave, ce n’était pas pour moi, mais bien pour elles.
J’ai regardé cette ville comme un animal effrayant et aujourd’hui je n’ai plus envie d’en partir. Tout ici me semble familier, tout me semble digne d’être regardé, apprécié, palpé… Je suis heureux d’être venu ici.
Il y a beaucoup de monde sur Malioboro et le taxi met pas mal de temps à me ramener à l’hôtel. Je regarde les passants, il y a des visages superbes dans cette ville. Je récupère ma valise à l’hôtel et le taxi n’arrive pas, je commence à stresser. Garuda Indonesia ferme les enregistrements de bagages une heure avant le départ, ce qui fait peu pour un vol intérieur, mais le chauffeur écrase le champignon, alerté par le type de la réception, alors je lui laisse un gros pourboire.
Arrivée à l’aéroport Adisucipto de Yogyakarta (JOG). Enregistrement, attente dans le hall d’embarquement, dans la moiteur d’un pays que je m’apprête à quitter, j’ai tout de même un pincement au cœur. Les quatre portes donnent directement sur le tarmac et on marche sur la piste pour aller rejoindre l’avion, un Boeing 737 aux couleurs de la compagnie locale.
Arrivée à l’aéroport de Soekarno-Hatta de Jakarta (CGK) où règne une animation beaucoup plus intense que celle vécue à l’arrivée, lorsqu’il a fallu zoner devant les portes. Dehors, il fait lourd, moite. En passant près des zones fumeurs, on reconnait clairement l’odeur du kretek, ces cigarettes locales, parfumées au clou de girofle et dont le filtre est sucré, une odeur très agréable et pas du tout âcre comme celle des cigarettes traditionnelles. J’ai quatre heures d’attente, qui passent finalement assez vite.
Des voiles blancs partout, des valises identiques à l’enregistrement, c’est un monde à la fois de similitudes et de dissemblances que je quitte, un monde dans lequel j’ai mis le pied et dans lequel à présent, j’ai envie de retourner.
Le voyage se termine lorsque l’Airbus A380 d’Emirates Airlines pose les roues sur le tarmac de Roissy Charles de Gaulle et que je sors de l’aéroport en bermuda et chaussures légères pour rejoindre le taxi, tandis que dehors, il ne fait que 7°C.
Selamat tinggal Indonesia !!!
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Mar 2, 2014 | Carnets de route (Osmanlı lale), Routes croisées |
Dernier jour plein ici avant le départ. Ce matin, faute de Merapi, je visiterai la ville de Yogyakarta, tentant de l’apprivoiser avant de m’enfuir comme un voleur. Toute la question est de savoir si j’arriverai à avoir une autre opinion de la ville que la première impression étrange du premier après-midi. Je demande un taxi pour me rendre au Taman Sari. Littéralement, Taman Sari signifie “beau jardin”. Lorsque j’arrive sur place, je me rends compte que je suis déjà passé devant, sans m’en rendre compte.
Je prends mon ticket à l’entrée, où il faut également s’acquitter d’un droit d’entrée pour… son appareil photo, autour duquel il faut faire passer une étiquette avec un élastique. A peine suis-je entré que je me fais prendre en embuscade par un guide que je n’ai pas le cœur de chasser. Le bâtiment ressemble à un fortin tellement son architecture est rigoriste, mais la fonction des lieux était beaucoup plus poétique. Ce lieu appartenait, et appartient toujours au Sultan de Yogyakarta (l’actuel se nomme Hamengku Buwono X), lequel, jusqu’à XVIIIème siècle s’en servait de jeux d’eau. Si les explications de mon guide sont vraies (je ne sais pas pourquoi, mais je garde un peu de réserve), les deux premiers bassins dans lesquels végète une eau saumâtre sont le bassin des enfants et le bassin des femmes. Du haut d’une tour, le sultan regardait les femmes se baigner et leur jetait des bouquets de fleurs qu’elles devaient attraper. La gagnante avait le droit de barboter avec le sultan dans un troisième bassin, caché celui-ci, puis de finir dans son lit de bambou au-dessous duquel brûlaient des herbes aromatiques. La légende est jolie, pas sûr qu’elle soit vraie.
L’endroit est toutefois plein de charmes, les grandes façades claires donnent une impression assez étrange d’irréalité, d’une sorte de lieu préservé au cœur de la ville bruyante. Les grands visages de Vishnu placés au-dessus des portes laissent penser que le sultan (musulman) a laissé survivre les anciennes croyances dans une sorte de syncrétisme tolérant.
Mais le temps a passé, le lieu est défraîchi et aurait besoin d’un seul petit coup de peinture et d’une eau changée de temps en temps pour avoir une belle prestance. Le lieu est d’autant plus étrange qu’il se trouve dans une enceinte, la fameuse enceinte dont j’ai suivi le tracé le premier jour, à l’intérieur vivent les 9000 personnes qui travaillent encore aujourd’hui pour le sultan. Une vraie petite ville, ou plutôt une cour complètement anachronique dans un pays qui s’ouvre (hum) à la démocratie (qui, en tout cas, vote). J’arrive à me débarrasser de mon guide qui a tenté de m’entraîner plusieurs fois dans des boutiques de batik (sans mauvais jeu de mots) avec un petit billet et après qu’il m’ait indiqué la mosquée souterraine (oui parce lorsque je lui ai demandé la direction de la mosquée, il m’en a indiqué une autre). Je passe par un chemin absolument improbable (je comprends pourquoi le guide touristique disait qu’il valait mieux se faire accompagner), par lequel il faut se baisser sous une tonnelle, passer dans la cour d’une maison basse, emprunter un chemin derrière une grille et tomber sur l’entrée d’un souterrain que j’emprunte. Arcs brisés caractéristiques de l’art arabe ; je suis sur le bon chemin. Le souterrain me fait ressortir de l’autre côté et me voici à nouveau perdu. Un type essaie de m’entraîner dans ce qu’il appelle le Taman Sari (j’en sors, banane !) et je lui demande poliment de m’indiquer la mosquée. Cet idiot me dit d’abord qu’il faut que je ressorte et que je prenne à gauche, avant de se raviser et de me montrer le chemin qui passe par la ruine qu’il squatte. Prends-moi pour une cruche. Je fais demi-tour et je tombe sur l’entrée d’un deuxième souterrain, mais je ne suis pas bien sûr de moi et la perspective de me retrouver clandestinement dans la cave de quelqu’un qui n’a rien demandé ne m’engage pas trop. Je finis par demander à un passant qui me confirme que c’est bien là.
La mosquée s’appelle Masjid Bawah Tanah en bahasa, soit littéralement mosquée souterraine. En fait de mosquée, c’est un lieu étrange qui n’a rien d’une mosquée. L’escalier descend dans un tunnel qui passe sous le niveau du sol, sous les maisons, peut-on penser vu la densité de construction dans les environs. Il débouche dans un atrium circulaire, une simple bâtisse au plan circulaire percée de fenêtres donnant sur l’extérieur pour l’aération. Au centre, un escalier à trois volées surplombe un petit bassin d’eau croupie et une quatrième volée monte vers l’étage supérieur, tout aussi circulaire que le premier, et tout aussi percé d’ouvertures. Pas de trace de mihrab ou de minbar, ou de quoi que ce soit qui rappelle qu’on est ici dans une mosquée. A mon sens, l’endroit devait servir de repaire à histoires secrètes, ou peut-être à la rigueur de cachette, mais je ne vois pas en quoi cet endroit pourrait avoir quelque chose à voir avec un lieu de culte.
Je ressors du lieu pour m’asseoir sous un arbre, lorsqu’un type m’accoste, un Indonésien, s’assoit en face de moi, se met à me parler en anglais, me demande d’où je viens et lorsqu’il est au clair sur le sujet me parle en français. Nous discutons un peu mais comme je suis désormais d’un naturel méfiant, je me demande à quel moment il va me proposer d’aller voir le musée du batik où soi-disant on ne vend rien. Mais non, il veut simplement parler, et je finis par me demander s’il n’a pas picolé un peu… En tout cas, il était plutôt sympa, et je me suis éclipsé lorsqu’il m’a proposé de venir chez lui.
Je m’arrête sous un marché couvert où on me regarde l’air de dire mais qu’est-ce qu’il fout ici celui-ci ? et où j’achète des petits paniers tressés à une vieille dame de 96 ans qui rigole de ses deux dents, presque sans marchander, juste histoire de dire, mais l’objet de la négociation devait tourner autour de 3 ou 4 centimes d’euros. Il faisait bon ici, et je me suis plu à tourner dans ce marché, respirant les odeurs du sucre de palme, des fruits sur les étalages et du poisson que personnellement, je n’aurais pas mangé.
J’achète quelques souvenirs sur jalan Malioboro et je descends vers Beringharjo mais tout est déjà fermé. J’essaie de passer par derrière ; les grilles sont fermées. Je tombe sur des gens à qui je demande à l’aide de mon traducteur :
— Tutup ? (fermé ?)
— Ya tutup (oui fermé) et il me font signe avec les doigts… huit doigts.
Je reste un peu idiot parce que je voudrais leur demander si c’est ouvert le dimanche, donc demain. Je finis par trouver la bonne formule.
— Buka minggu ? (ouvert dimanche ?)
C’est l’explosion de joie, certainement parce que j’ai réussi à me faire comprendre, ils me font signe que oui et que ça ouvre à 8h00… Je me sens fier de moi…
Je retourne à l’hôtel en attrapant le premier taxi, le conducteur est un petit monsieur tout sec, portant un bonnet de ski sur la tête, les yeux pleins de malice et qui rigole tout seul. Je manque d’éclater de rire lorsque je vois qu’il ne porte pas de chaussure. Il est vraiment très sympathique et se laisse prendre en photo.
Chauffeur de Taxi — Yogyakarta — Indonésie — mars 2014
Je rentre à l’hôtel content de ma journée, pendant laquelle finalement, j’ai plutôt bien apprécié la ville et ses habitants une fois que j’ai réussi à faire fi des margoulins qui n’en voulaient qu’à mon portefeuille parce que mon seul tort est d’avoir la peau blanche. Qui pourrait leur en vouloir ? C’est un peu agaçant mais tout ceci se fait sans méchanceté et on finit par les voir arriver gros comme des baraques avec leurs sabots dondaine, ça fait partie du jeu et on arrive vite à s’en accommoder.
Les autres, ce sont eux à la découverte desquels il faut aller.
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