Éton­nam­ment la chose a fait du bruit dans Lan­der­neau et il suf­fit de jeter un coup d’œil dans la presse en ligne pour voir qu’on en parle pas mal. Les E2C de France (écoles de la deuxième chance) se sont ras­sem­blées mar­di der­nier dans une des immenses salles du Car­rou­sel du Louvre et ont drai­né énor­mé­ment de monde. Ce ne sont pas moins de trois ministres qui se sont dépla­cés (Fade­la Ama­ra, Marc-Phi­lippe Dau­bresse et Laurent Wau­quiez), un par­terre de DRH et de patrons d’en­tre­prises, de for­ma­teurs (dont je fais par­tie), de jeunes entre­pre­neurs, et de jeunes sta­giaires de l’E2C, tous réunis autour d’A­lexandre Sha­jer, Oli­vier Jos­pin et Edith Cres­son, notre présidente.
J’ai rare­ment eu dans ma vie pro­fes­sion­nelle l’oc­ca­sion d’être réel­le­ment cor­po­rate et orgueilleux vis à vis de mes acti­vi­tés, mais je dois avouer que cette gigan­tesque messe dédiée à la mise en valeur de cette véné­rable (et toute jeune) école avait quelque chose de flam­boyant et nous a ren­voyé à la figure une image dont cha­cun de nous avons toutes les rai­sons d’être fier. Bien évi­dem­ment, le fait que les écoles de la deuxième chance existent pointe du doigt un sys­tème éli­tiste et une école qui ne laisse pas sa place à l’é­chec ; la pre­mière chance est mal­heu­reu­se­ment sou­vent la dernière.
J’é­tais assis entre la res­pon­sable du site d’Ar­gen­teuil et mon col­lègue Samy à côté de qui, à peu près à mi-col­loque, un vieux mon­sieur est venu s’as­seoir. Son visage me disait quelque chose, sans vrai­ment réus­sir à m’in­ter­pel­ler. Il a pas­sé tout son temps à lire la bro­chure du col­loque puis à feuille­ter un livre qu’il déte­nait mani­fes­te­ment en plu­sieurs exem­plaires dans son sac. Il avait cette pres­tance et cette façon si par­ti­cu­lière de s’ha­biller qu’ont les uni­ver­si­taires français.
J’ai fina­le­ment réus­si à lire sur la cou­ver­ture le nom qui était le sien. Pen­dant tout ce temps, j’é­tais assis non loin du plus grand des socio­logues français.

A la fin du col­loque, je me suis tour­né vers lui et lui ai deman­dé s’il était bien Robert Cas­tel, il m’a sou­ri et m’a dit oui avec un air presque embar­ras­sé (je me suis dit qu’on ne devait pas for­cé­ment le recon­naître tous les jours), alors je me suis pré­sen­té et lui ai dit que j’é­tais for­ma­teur, il m’a ser­ré la main, et nous avons un peu papo­té de son livre. Puis il m’en a ten­du un exem­plaire et m’a dit « Tenez, je vous le donne, de toute façon on m’en a don­né plein et je ne compte pas les rame­ner chez moi », il a nou­veau sou­ri, content de son mot. Il m’a sou­hai­té bon cou­rage et bonne conti­nua­tion dans cette voca­tion, puis s’en est allé ren­con­trer le vice-res­pon­sable du réseau.
Robert Cas­tel a notam­ment tra­vaillé avec Pierre Bour­dieu sur un livre trai­tant des usages sociaux de la pho­to­gra­phie, il a éga­le­ment tra­vaillé avec Michel Fou­cault et est aujourd’­hui direc­teur d’é­tudes à l’École des hautes études en sciences sociales.
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