Une soi­rée à la Guillo­tine : lec­tures de poèmes avec le poète chi­nois Yu Jian

Une soi­rée à la Guillo­tine : lec­tures de poèmes avec le poète chi­nois Yu Jian

La Guillo­tine est un lieu unique, située rue Robes­pierre, métro Robes­pierre, à Mon­treuil, une friche indus­trielle recon­ver­tie en lieu de vie pour la poé­sie, un lieu pour qu’elle s’ex­prime libre­ment, avec des vrais gens dedans, qui l’é­crivent, la connaissent, la lisent et la par­tagent. Mon pote Fran­çois m’y a invi­té et comme cela fai­sait quelques années-lumières que nous ne nous étions pas vus, j’ai dit oui. Je connais son goût pour la poé­sie chi­noise, pour la poé­sie tout court, et pour la Chine tout court. Si les pas­sions ne se par­tagent pas, à quoi bon les vivre ? Je suis un être de pas­sion et je suis pas­sion­né par les pas­sions des autres, de voir à quel point leur âme est trans­fi­gu­rée par ce qu’ils y mettent et la manière dont ils font vivre leur res­plen­dis­sante vertu.

Fran­çois m’a donc invi­té à venir écou­ter cette lec­ture de poé­sie de Yu Jian, poète dont il nous dit tout sur l’en­re­gis­tre­ment et qu’il a lui-même tra­duit. Je ne connais­sais pas la poé­sie chi­noise, si ce n’est que quelques bribes qu’il m’a­vait don­né à man­ger au tra­vers de son site (Mâcher mes mots), et je connais­sais encore moins Yu Jian, même s’il m’en avait déjà par­lé. Mais tant qu’on n’est pas confron­tés aux gens, ils ne sont que des ombres. J’ai donc ren­con­tré l’homme, un peu impres­sion­né, lui deman­dant sim­ple­ment s’il pou­vait poser pour une pho­to. La fille assise à côté de moi m’a deman­dé d’un air péné­tré com­ment j’a­vais décou­vert l’au­teur. Elle avait l’air très déçue que je lui réponde « je connais Fran­çois qui connaît Yu Jian ». Elle a ser­ré contre elle son exem­plaire de Un vol publié chez Gal­li­mard. J’ai crû bon d’en rajou­ter une couche. « C’est ce soir que je me fais déflo­rer. Il faut bien com­men­cer un jour. » Elle n’a rien rajou­té. J’ai sou­ri presque exagérément.

Réponses donc, entre le poète, et ses lec­teurs, Phi­lippe, Anne et Fran­çois. Avec l’au­to­ri­sa­tion de Fran­çois qui m’a assu­ré que cela ferait plai­sir à Yu Jian qu’il reste une trace de cette soi­rée sur un enre­gis­tre­ment audio, j’ai donc enre­gis­tré, puis repro­duit ce moment de dou­ceur dans la nuit mon­treuillaise, même si on entend bien le bruit de la cir­cu­la­tion et par­fois pas assez les réci­tants. Voi­ci éga­le­ment, pour ceux qui lisent le chi­nois ou ceux qui veulent avoir le texte inté­gral, le pro­gramme que m’a four­ni François.
Fer­mons les yeux et lais­sons nous por­ter. Mer­ci Yu Jian.

1ère par­tie

[audio:Yu Jian 01.mp3]

Pause musi­cale

[audio:Yu Jian 02.mp3]
Soirée lecture avec Yu Jian - 23 octobre 2014 - 06

Pro­jec­tion de pho­tos de la région de l’auteur

2ème par­tie

[audio:Yu Jian 03.mp3]
Soirée lecture avec Yu Jian - 23 octobre 2014 - 05

Yu Jian

Soirée lecture avec Yu Jian - 23 octobre 2014 - 03

Yu Jian et Anne Segal

Soirée lecture avec Yu Jian - 23 octobre 2014 - 02

Yu Jian et Fran­çois Charton

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En sui­vant la Sûre et l’Our jus­qu’à Vianden

En sui­vant la Sûre et l’Our jus­qu’à Vianden

Arri­ver jus­qu’à Vian­den n’a pas été une mince affaire. En par­tant d’Ech­ter­nach, j’ai vou­lu faire le malin en pas­sant la fron­tière vers l’Al­le­magne. Du coup j’ai réus­si à me perdre en pas­sant un grand pont qui m’a mené dans la petite ville d’Ech­ter­na­cher­brück et dont je n’ai pas vrai­ment réus­si à sor­tir autre­ment qu’en en sor­tant de la même manière que j’y étais arri­vé. Des tra­vaux m’ont pas­sa­ble­ment com­pli­qué le pas­sage. Ce n’est bien plus tard que je me suis aper­çu qu’un petit pont situé à quelques mètres du par­king où j’é­tais garé m’au­rait per­mis de contour­ner les tra­vaux et ain­si mon­ter vers le nord faci­le­ment. J’ai donc emprun­té la route qui longe la Sûre, une route agréable et calme qui per­met de prendre le temps. Arri­vé à Bol­len­dorf, en pas­sant sim­ple­ment le pont, on est en Alle­magne, et c’est ici que je me perds dans la cam­pagne boi­sée et sombre, lon­geant tou­jours le cours de la rivière (qu’à force de remon­ter on finit par chan­ger de cours pour son affluent, l’Our, à Wal­len­dorf), tra­ver­sant un bois pour retom­ber sur les hau­teurs de la val­lée de la Sûre, puis les petits vil­lages de Bies­dorf et de Kruch­ten, et fina­le­ment, je me rends compte que je ne maî­trise plus grand-chose. Je me laisse por­ter par les pan­neaux indi­ca­teurs, repas­sant encore la fron­tière après l’a­gréable bourg de Kör­pe­rich et les lacets des routes de mon­tagne près de Roth-an-der-Our.

Vianden (Luxembourg) - 02 - Vallée de l'Our

Vianden (Luxembourg) - 05 - Château

Vianden (Luxembourg) - 06 - Château

En cette fin d’a­près-midi, j’ar­rive dans la petite ville encais­sée sur les deux rives de l’Our, dans laquelle au début du siècle der­nier on pou­vait encore trou­ver des pièges à sau­mons. La ville est humide, un peu vieillotte. Si mes sou­ve­nirs d’i­ci res­tent par­cel­laires, j’ai l’im­pres­sion de reve­nir bien des années en arrière, comme si presque rien n’a­vait chan­gé. Une fois de plus, je suis sur les terres d’un homme dont je peux suivre les traces ; après Guer­ne­sey, c’est ici que je marche dans les pas de Vic­tor Hugo. On sent encore son ombre se fau­fi­ler dans les petites rues de la ville jus­qu’aux pieds des contre­forts du Schloss Vian­den. Le seul sou­ve­nir vivace, c’est la pis­cine de cet hôtel que j’ai réus­si à retrou­ver, au moins sur les images d’in­ter­net, mais sur place, j’a­ban­donne, je ne recon­nais plus rien. L’hô­tel n’a peut-être même plus de piscine.

Je gare ma voi­ture dans la mon­tée qui sert de par­king, tout au bout de la ville. C’est une route qui dégou­line d’hu­mi­di­té où les voi­tures attendent sage­ment sous les fron­dai­sons de chênes immenses. Une petite mai­son est à vendre. Une bar­rière devant un esca­lier qui grimpe sec sur le flanc du rocher, une mai­son toute simple accro­chée là à cin­quante mètres de la rue, encore en bon état mais per­due dans les arbres, à l’é­cart du monde ; je ne sais pas pour­quoi mais je m’y ima­gine bien.

Le châ­teau de Vian­den est construit sur un piton rocheux qui domine toute la val­lée de l’Our. C’est une grande bâtisse construite tout en lon­gueur, dans un style néo-gothique qu’on sent assez récent. Si le châ­teau existe, pas sous sa forme actuelle, depuis le milieu du Vème siècle (c’est donc d’a­bord un petit châ­te­let romain construit sur le ter­ri­toire du royaume des Francs, ce qui en fait donc un des plus anciens châ­teaux d’Eu­rope), il est res­té très long­temps à l’a­ban­don. Les cartes pos­tales du pre­mier quart du XXème montrent un ensemble de ruines des­quelles n’é­mergent qu’un reste de tour, une cha­pelle et des murs plus ou moins hauts ; un pay­sage de déso­la­tion qu’on a du mal à ima­gi­ner lors­qu’on regarde le châ­teau tel qu’il est aujourd’hui. Le tra­vail de recons­ti­tu­tion est tout sim­ple­ment admi­rable. Fief des comtes de Vian­den puis de la famille d’O­range-Nas­sau, actuelle famille régnante des grands ducs de Luxem­bourg, il n’est plus pro­prié­té de la famille grand-ducale depuis 1977, date à laquelle il est ver­sé au compte des pro­prié­tés d’é­tat. Le Grand-Duc de Luxem­bourg actuel est Hen­ri Albert Gabriel Félix Marie Guillaume de Nas­sau (branche de Bour­bon-Parme), qui règne depuis l’ab­di­ca­tion de son père Jean en 2000.

Grandes armoiries d'Henri - Grand-Duc de Luxembourg
Grandes armoi­ries d’Hen­ri — Grand-Duc de Luxembourg

Écar­te­lé, aux I et IV de Luxem­bourg qui est bure­lé d’argent et d’azur, au lion de gueules, la queue four­chue et pas­sée en sau­toir, armé, lam­pas­sé et cou­ron­né d’or, aux II et III de Nas­sau qui est d’azur semé de billettes d’or, au lion cou­ron­né du même, armé et lam­pas­sé de gueules, sur le tout en cœur de Bour­bon de Parme qui est d’azur à trois (deux, une) fleurs de lys d’or à la bor­dure de gueules char­gée de huit coquilles d’argent posées en orle. L’écu est tim­bré d’une cou­ronne royale et entou­ré du ruban et de la croix de l’Ordre de la Cou­ronne de Chêne.
Les sup­ports sont à dextre un lion cou­ron­né d’or, la tête contour­née, la queue four­chue et pas­sée en sau­toir, armé et lam­pas­sé de gueules, à senestre un lion cou­ron­né d’or, la tête contour­née, armé et lam­pas­sé de gueules, chaque lion tenant un dra­peau luxem­bour­geois fran­gé d’or.
Le tout est posé sur un man­teau de pourpre, dou­blé d’hermine, bor­dé, fran­gé et lié d’or et som­mé d’une cou­ronne royale, les dra­peaux dépas­sant le manteau.

Plan du château de Vianden (Das Schloss Vianden)

Plan du châ­teau de Vian­den (Das Schloss Vianden)

L’in­té­rieur du châ­teau montre les dif­fé­rentes époques de sa construc­tion, avec notam­ment tout un pan du mur sud sur lequel on peut voir les dif­fé­rents élé­ments de rem­ploi et les couches suc­ces­sives qui nous parlent direc­te­ment de l’his­toire du monu­ment. On trouve éga­le­ment d’im­menses salles voû­tées, des cou­loirs qui sillonnent toute la lon­gueur jus­qu’à la cha­pelle sup­por­tée par une crypte aux piliers mas­sifs. La cha­pelle a été redé­co­rée de cou­leurs vives, de bleu de Prusse, de rouge brique et de jaune d’or, et de vitraux aux armoi­ries des familles qui ont pos­sé­dé les lieux. D’au­cune fenêtre on ne peut voir l’ex­té­rieur, mais je sais que d’i­ci pour­rait se trou­ver la plus belle vue, don­nant sur l’est et la vallée.

Vianden (Luxembourg) - 13 - Crypte

Vianden (Luxembourg) - 21 - Chapelle

Vianden (Luxembourg) - 23 - Chapelle

Mon lieu pré­fé­ré, où je m’at­tarde le plus, est cette salle qui n’est a prio­ri d’au­cune uti­li­té et dont le nom touche immé­dia­te­ment mon cœur : la salle byzan­tine. C’est un vaste cor­ri­dor cou­vert, ouvert au nord et au sud, fai­sant la liai­son entre la cha­pelle et les lieux de vie, au-des­sus de la salle des gardes. Ses ouver­tures sont en fait des fenêtres tri­lo­bées, devant cha­cune des­quelles se trouvent une marche et deux sièges qui sont autant d’in­vi­ta­tion à la flâ­ne­rie. D’un côté comme de l’autre, on est à une hau­teur impres­sion­nante de la val­lée sur laquelle on a une vue superbe. L’hi­ver à Vian­den doit être ter­ri­ble­ment froid et humide, et ter­ri­ble­ment beau depuis ces hau­teurs. Je m’assieds là et contemple les ter­rasses, accou­dé au soleil res­tant, per­du dans mes rêve­ries solitaires…

Vianden (Luxembourg) - 28 - Salle byzantine

Vianden (Luxembourg) - 30 - Vallée de l'Our

Vianden (Luxembourg) - 35 - Château

Le soleil com­mence à se noyer dans les der­nières heures de la jour­née et le châ­teau revêt ses habits cou­leurs de renard. Je retourne à la voi­ture, repas­sant devant la petite mai­son aban­don­née dans la forêt, sur la pente, orien­tée plein nord ; elle n’a jamais vu le soleil. Il fait ici une fraî­cheur surréaliste.
Il est encore trop tôt pour ren­trer à Luxem­bourg et l’Al­le­magne à quelques kilo­mètres me fait des ronds de jambe. Je pour­rais aller à Bit­burg, mais à part sa bière, je doute que la ville soit vrai­ment inté­res­sante. Sans savoir réel­le­ment où je vais atter­rir, j’emprunte les petites routes qui tra­versent des vil­lages sans âmes qui vivent et dont le charme laisse pen­ser que l’hi­ver doit y être dou­lou­reux de soli­tude. Sans être un pay­sage réel­le­ment mon­ta­gneux, il est suf­fi­sam­ment encais­sé pour qu’on s’y perde faci­le­ment dans la neige. Les noms de vil­lages défilent en lais­sant comme une trace dans mon esprit : Hüt­tin­gen bei Lahr, Nus­baum, Schank­wei­ler, Hol­sthum, Prüm­zur­lay, Nie­der­weiss, Aach, les noms s’é­grènent ten­dre­ment dans ces sono­ri­tés rugueuses jus­qu’à arri­ver à Trier (Trêves) aux der­nières heures du jour.

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Voir les 35 pho­tos de Vian­den sur Fli­ckr.

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Les pen­dules sym­pa­thiques d’A­bra­ham-Louis Breguet

Les pen­dules sym­pa­thiques d’A­bra­ham-Louis Breguet

Abra­ham-Louis Bre­guet n’est pas qu’un simple hor­lo­ger, c’est éga­le­ment un phy­si­cien fran­çais de renom qui s’est illus­tré par la créa­tion des pen­dules sym­pa­thiques. Si le phy­si­cien qu’il était s’est fait de l’hor­lo­ge­rie une spé­cia­li­té, c’est à cause de sa pré­oc­cu­pa­tion tech­nique de pou­voir mesu­rer le temps d’une manière fiable et de mettre à dis­po­si­tion pour ses col­lègues des objets de haute tech­ni­ci­té. Il a par ailleurs par­ti­ci­pé au déve­lop­pe­ment d’un objet que tout le monde porte aujourd’hui ; la montre-bracelet.
Alors certes, ces pen­dules ont vrai­ment quelque chose qui les rend sym­pa­thiques, mais là n’est pas la ques­tion. Ces pen­dules sont dites sym­pa­thiques car elles fonc­tionnent en réa­li­té par couple. La pen­dule fonc­tionne de manière auto­nome mais sa par­ti­cu­la­ri­té consiste à acti­ver une tige tous les jours à minuit. La tige vient se ficher dans une montre logée dans son ber­ceau sur le des­sus de la pen­dule. Cette tige actionne le méca­nisme de la montre qui se remet à l’heure automatiquement.

Le méca­nisme de la montre com­pare alors son heure à celle de la pen­dule et ajuste la fré­quence de bat­te­ment de son balan­cier. Après quelques jours, cette fré­quence est cor­rec­te­ment ajus­tée. Ce méca­nisme consti­tue l’un des pre­miers sys­tèmes à rétro­ac­tion qui ait été éla­bo­ré. En effet, une erreur est mesu­rée et, de la gran­deur de cette erreur, le méca­nisme déduit la cor­rec­tion à appor­ter afin d’annuler la dite erreur. Dans ce cas pré­cis, la cor­rec­tion porte sur la vitesse et ce qui est mesu­ré est l’espace par­cou­ru. L’erreur de vitesse est donc inté­grée. Ain­si, aus­si petite qu’elle soit, son inté­grale ten­drait vers l’infini si la cor­rec­tion était insuf­fi­sante. (source Wiki­pe­dia)

De son vivant, Bre­guet ne fabri­que­ra que cinq hor­loges de ce type.
Les plus notables sont l’hor­loge fabri­quée pour le sul­tan Mah­mud II (1784–1839) et aujourd’­hui conser­vée au musée du Palais de Top­kapı à Istan­bul, celle du Duc d’Or­léans, la plus riche­ment déco­rée et éga­le­ment la pièce d’hor­lo­ge­rie la plus chère ven­due aux enchères (6,8 mil­lions de dol­lars, chez Sothe­by’s en décembre 2012) et enfin celle ven­due au roi des Fran­çais Louis-Phi­lippe Ier, le 23 août 1834, aujourd’­hui conser­vée au Mobi­lier Natio­nal. C’est à mon sens la plus belle pièce, par sa sobrié­té visuelle, ses lignes pures et son esthé­tique intem­po­relle, ain­si que par la finesse de la montre qui se fiche sur le berceau.

Pendule sympathique de Mahmut II - Abraham-Louis Bréguet - Musée de Topkapi - Istanbul

Pen­dule sym­pa­thique de Mah­mut II — Abra­ham-Louis Bré­guet — Musée de Top­ka­pi — Istanbul

Pendule sympathique - Abraham-Louis Bréguet - vendue à l'empereur français Louis-Philippe, le 23 août 1834 - Paris, Mobilier national -  Isabelle Bideau

Pen­dule sym­pa­thique — Abra­ham-Louis Bré­guet — ven­due au roi des Fran­çais Louis-Phi­lippe, le 23 août 1834 — Paris, Mobi­lier natio­nal — Isa­belle Bideau

Pendule Sympathique Breguet du Duc d’Orléans -Abraham-Louis Bréguet

Pen­dule Sym­pa­thique Bre­guet du Duc d’Or­léans ‑Abra­ham-Louis Bréguet

Pendule Sympathique Breguet du Duc d’Orléans (détail) - Abraham-Louis Bréguet

Pen­dule Sym­pa­thique Bre­guet du Duc d’Orléans (détail) — Abra­ham-Louis Bréguet

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Petit glos­saire des gens de la mer

Petit glos­saire des gens de la mer

La mer a géné­ré en son temps des hordes de per­son­nages étranges. Petit glos­saire des gens de la mer.

Willem van de Velde le Jeune - Bataille navale de la guerre anglo-hollandaise

Willem van de Velde le Jeune — Bataille navale de la guerre anglo-hollandaise

Pirate: Le pirate est le per­son­nage mal­fai­sant par défi­ni­tion. Il agit sans ordre d’une nation, mais pour son propre compte dans l’u­nique but de s’en­ri­chir. Il s’at­taque prin­ci­pa­le­ment aux navires bat­tant pavillon de nations puis­santes pour leur arra­cher leur butin, mais par­court aus­si les côtes. Par­mi les plus redou­tés, on compte Black­beard (Barbe-Noire), mais les pirates ont aus­si connu leurs losers. Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste Stede Bon­net, qui a vécu à la même époque que le ter­ri­fiant Edward Teach qui trou­va le moyen de se faire piller plu­sieurs fois par Barbe-Noire et à se faire pendre haut et court tan­dis que son enne­mi juré fut déca­pi­té sur son navire La Revanche de la Reine Anne par Maynard.

L’i­mage tra­di­tion­nelle du pirate est née dans les Caraïbes et a géné­ré tout un ima­gi­naire que des écri­vains tels que Ste­ven­son dans l’île au tré­sor ont su exploiter.

Cor­saire: Le cor­saire, à la dif­fé­rence du pirate, est man­da­té par sa nation pour piller les richesses des nations enne­mies. Le cor­saire est por­teur d’une lettre de course qui légi­time son action. Les pre­miers cor­saires fran­çais sont man­da­tés par Fran­çois 1er à une époque où l’hé­gé­mo­nie ibé­rique sur les ter­ri­toires du Nou­veau-Monde devient insupportable.

Fli­bus­tier: Voi­ci l’in­fluence des Pays-Bas dans cette his­toire. Ce terme vient du fla­mand vrij bui­ter, ce qui cor­res­pond à peu près à qui s’en­ri­chit de manière ponc­tuelle, libre et impu­nie. La fli­buste se déve­loppe dans la mer des Caraïbes par des hommes peu scru­pu­leux navi­guant sur des embar­ca­tions légères (sloops, pinasses) et rapides, vivant de rapines et n’ayant géné­ra­le­ment pas l’é­toffe de ces grands que l’on appe­lait pirates. L’o­ri­gi­na­li­té de la fli­buste, c’est l’or­ga­ni­sa­tion sociale très struc­tu­rée et l’é­ta­blis­se­ment d’une base sur la terre ferme.

Bou­ca­nier: Contrai­re­ment à l’i­dée reçue, le bou­ca­nier n’est pas for­cé­ment un marin. Il est sou­vent séden­ta­ri­sé et sert de base arrière à la pira­te­rie et à la fli­buste. Le terme bou­can désigne à l’o­ri­gine la viande de bœuf frot­tée d’é­pices et séchée au-des­sus d’un feu lent sur de longues perches ins­tal­lées sur les plages des petites îles cari­béennes. Éga­le­ment hié­rar­chi­sés, les bou­ca­niers appro­vi­sionnent les marins en vivres, nour­ri­ture et boisson.

Bou­ca­niers et fli­bus­tiers consti­tuent la popu­la­tion des “Frères de la Côte”.

L’é­mer­gence des ces popu­la­tions étranges de mers prend ses racines dans le nou­vel ordre mon­dial géné­ré par la décou­verte de l’A­mé­rique par Chris­tophe Colomb. L’Es­pagne et le Por­tu­gal se par­tagent alors le monde et affrètent des galions pour vider le conti­nent nou­veau de son or. Ce tra­fic est incer­tain et sou­mis au vent. Dans un pre­mier temps, les pirates vont infes­ter les mers et les rivages pour guet­ter ces navires char­gés d’or, mais aus­si d’é­pices et de rhum. Ensuite, c’est sous l’im­pul­sion de la France, des Pays-Bas et de l’An­gle­terre, indi­gnés d’être ain­si écar­tés de cette course à la puis­sance, que la Guerre de Course va s’en­ga­ger. Tout prend nais­sance dans ce creu­set, entre les comp­toirs éta­blis dans les ports et la route mari­time qui mène à l’Eu­rope, dans la mer des Caraïbes, beau­coup moins armée et pro­té­gée que les côtes de l’Es­pagne ou du Portugal.

La dis­tinc­tion entre pirate et cor­saire s’ef­face quelque fois, selon les humeurs des gou­ver­nants. Ain­si, Fran­cis Drake s’en­ri­chit per­son­nel­le­ment et abreuve la cou­ronne d’An­gle­terre de richesses, tan­dis que le frère de la Reine, l’es­pa­gnol Phi­lippe II mugit contre ses dépré­da­tions et finit par perdre la face en 1588 lorsque son Invin­cible Arma­da est défaite par le célèbre cor­saire bri­tan­nique. Pour­tant, celui-ci fini­ra empoi­son­né, consi­dé­ré comme pirate alors que jamais il ne s’est enri­chi au détri­ment de son pays.

Un autre cor­saire célèbre, Sur­couf aura une phrase qui défi­nit bien ce qui se pas­sait sur les mers pen­dant ces longs siècles. A un Anglais qui lui dit: Vous vous bat­tez pour l’argent alors que nous autres sol­dats de la Marine nous nous bat­tons pour l’hon­neur !, il rétor­que­ra: Alors nous nous bat­tons tous les deux pour ce que nous n’a­vons pas….

Quelques liens:

Billet sau­vé de la noyade depuis Emp­ty Quar­ter.

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