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Doğu din­leme n°3 : Mor Karbasi

Doğu din­leme n°3 : Mor Karbasi

Troi­sième album de cette jolie fille venue de Jéru­sa­lem, à la croi­sée des cultures médi­ter­ra­néennes. Ascen­dances perses, maro­caines, juives, elle mêle sa voix cris­tal­line et légè­re­ment trem­blante à une langue que vous aurez peut-être du mal à recon­naître, même si on y res­sent clai­re­ment des accents espa­gnols. En effet, cette langue est le ladi­no, la langue uti­li­sée par les Juifs espa­gnols dans leur longue errance, jus­qu’au bas des murailles de Constantinople.

Mor Karbasi

Mor Kar­ba­si chante l’op­pres­sion des séfa­rades sur des airs qui frisent le fla­men­co ou le fado, passe par l’é­mo­tion sur des musiques aux accents égyp­tiens ou maro­cains, avec une grâce superbe qui ne peut lais­ser de marbre et qui fait d’elle la cour­roie de trans­mis­sion de cette langue qui tend à disparaître.

  • 2008 : The Beau­ty and the Sea
  • 2011 : Daugh­ter of the Spring
  • 2013 : La Tsa­di­ka

http://youtu.be/88OM1PzcHK0

Site offi­ciel : morkarbasi.com/

ℑ — Doğu din­leme n°2 : Mer­can Dede

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A la ren­contre des alé­vis turcs

A la ren­contre des alé­vis turcs

Res­ca­pés des inté­grismes et des pogroms, liber­taires par essence, aty­piques par leurs croyances, les alé­vis ne sont pas beau­coup aimés du reste de la com­mu­nau­té musul­mane, a for­tio­ri parce que leur foi a pour ori­gine la branche mal-aimée de l’is­lam ; le chiisme. Le mot alé­vi lui-même signi­fie adepte d’A­li, le gendre du pro­phète, celui par lequel le chiisme a fait dissidence.
Au cours de mes péri­pé­ties, j’ai pu moi-même me rendre compte que si les alé­vis sont regar­dés de tra­vers, consi­dé­rés comme des illu­mi­nés, voire comme des fous (pas au sens fana­tiques) et mal­gré leur litur­gie peu ortho­doxe, ils n’en sont pas moins res­pec­tés, même si par le pas­sé, cela ne fut pas tou­jours le cas. Abso­lu­ment pas mino­ri­taires en Tur­quie (1 Turc sur 4 est alé­vi, les sta­tis­tiques offi­cielles fai­sant plu­tôt état de 10 à 15% de la popu­la­tion), un musul­man sun­nite vous accom­pa­gne­ra tout de même volon­tiers au tekke ou à la cem evi le plus proche si le cœur vous en dit, mais il n’est pas dit qu’on vous pro­pose d’as­sis­ter au sema avec vous, il ne faut tout de même pas exagérer.

dilek ağacı

Arbre à sou­haits alé­vi (dilek ağacı). Pho­to © Son Til­ki

Voi­ci un extrait du livre de Sébas­tien de Cour­tois (Un thé à İst­anb­ul, récit d’une ville) nous en appre­nant un peu plus sur ces reli­gieux d’un autre genre qui pra­tiquent leur foi dans un étrange syn­cré­tisme. Ren­contre avec Mehmet.

Si les alé­vis de Tur­quie sont consi­dé­rés comme des « musul­mans » par l’of­fice des cultes, leurs pra­tiques rituelles n’ont rien à voir avec l’is­lam ortho­doxe, ni même avec l’is­lam tout court étant don­né qu’ils n’en res­pectent aucun des piliers. Ils ne vont pas à la mos­quée, m’ex­plique Alber­to, spé­cia­liste de la ques­tion, ne lisent pas le Coran et, au pèle­ri­nage de La Mecque, ils pré­fèrent celui plus proche de Haci Bek­taş, une saint homme de Cap­pa­doce. De même, les cinq prières quo­ti­diennes ne leur sont pas fami­lières, comme le jeûne du rama­dan qu’ils ne res­pectent pas, et — comble d’hé­ré­sie — ils n’hé­sitent pas à jurer sur la tête du Pro­phète. Le por­trait d’A­li, le gendre du Pro­phète, trône dans leurs mai­sons de prière, les cem evi, à côté du saint cap­pa­do­cien et d’un Atatürk repré­sen­té en odeur de sain­te­té. Une étrange tri­ni­té cha­ma­nique qui n’est pas pour me déplaire tant elle est sur­réa­liste. Il fau­drait plu­tôt voir dans l’a­lé­visme turc — qui concerne près de 25% de la popu­la­tion, tout de même — un main­tien de croyances pré­sis­la­miques liées au par­cours des peuples turcs en Asie, avec une touche d’in­fluence chré­tienne, comme des rémi­nis­cences de cultures plus anciennes.

Costume traditionnel de cérémonie alévi

Cos­tume tra­di­tion­nel de céré­mo­nie alé­vi. Pho­to © Sol Por­tal

Meh­met est fier de sa reli­gion. Une iden­ti­té qui fait de lui un être à part dans la socié­té turque, comme l’en­semble de ses congé­nères. Digne des­cen­dant de ses aïeux, il conspue régu­liè­re­ment toute forme d’au­to­ri­ta­risme reli­gieux et reste un fervent défen­seur de la laï­ci­té et du sécu­la­risme. « Cha­cun chez soi, me dit-il sou­vent, les imams à la mos­quée ! » Aux dires de cer­tains obser­va­teurs — dont je suis —, si la Tur­quie n’a pas encore bas­cu­lé dans le camp de l’obs­cu­ran­tisme, c’est grâce à cette mino­ri­té de râleurs nés. Les quar­tiers alé­vis ne se mélangent pas avec ceux des sun­nites, les deux groupes se regar­dant en chien de faïence et sus­pec­tant l’autre d’un mau­vais coup. Ils aiment la musique, la trans­mis­sion des cultures locales, dont celle des bardes, les aşık, qui ont por­té jus­qu’à nous des siècles de mémoire orale.
J’ai com­pris la spé­ci­fi­ci­té des alé­vis en assis­tant à leur culte dans une cem evi située au der­nier étage d’un immeuble moderne du quar­tier de Yeni­bos­na. Rien de bien attrac­tif en appa­rence — une tour vitrée près d’un péri­phé­rique —, mais je décou­vris là le ter­rain d’une magie secrète ber­cée par les chants, les danses où hommes et femmes se meuvent pour des rituels qui me sem­blaient sor­ti du jour­nal d’ex­plo­ra­tion d’un décou­vreur de cam­pagnes turques au Moyen-Âge.
Un autre genre de voyage dans la ville, celui des sectes, confré­ries et ordres mys­tiques. Meh­met m’a­vait intro­duit dans cet uni­vers de signes et de sym­boles. Le dede, le maitre spi­ri­tuel, était l’un de ses parents éloi­gnés. Il m’a­vait pla­cé au pre­mier rang, en signe de res­pect pour l’in­vi­té, dans une sorte d’am­phi­théâtre minia­ture. Je décou­vrais un autre aspect de mon ami, celui d’un homme res­pec­té dans sa com­mu­nau­té pour ses ascen­dances fami­liales car, dans la croyance alé­vie, on croit à la trans­mi­gra­tion des âmes — la réin­car­na­tion, pour être pré­cis —, et son lignage était hono­rable. « On ne parle pas de mort », me dit-il, mais plu­tôt de « pas­sage », ce qui aidait à dédra­ma­ti­ser le ter­rible acci­dent de son frère.

Sébas­tien de Cour­tois, Un thé à İst­anb­ul, récit d’une ville
Le Pas­seur édi­tions, coll. Che­mins d’étoiles, 2014

Pho­to d’en-tête © Utku Kay­nar

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Adam

Le mot turc qui désigne l’homme en tant que caté­go­rie n’a pas été trou­vé bien loin ; on dit sim­ple­ment Adam. L’homme est ain­si le pre­mier homme. En revanche, l’é­qui­valent pour la femme se dit Kadın­lar.
Où est pas­sée Ève ?

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Un thé à İst­anb­ul, par Sébas­tien de Courtois

Un thé à IstanbulVoi­ci une belle lec­ture comme on en trouve trop peu sou­vent. Un thé à İst­anb­ul n’est pas réel­le­ment un récit de voyage, car on ne voyage que dans les villes dans les­quelles on n’ha­bite pas (tout dépend de ce que l’on entend par habi­ter). En l’oc­cur­rence, l’au­teur de ce livre, Sébas­tien de Cour­tois, ne voyage pas à İst­anb­ul car il s’y est ins­tal­lé. Jour­na­liste sur France Culture, spé­cia­liste des Chré­tiens d’O­rient, l’au­teur ne cache pas que son amour pour la ville tient à sa pas­sion per­son­nelle, ain­si qu’à sa foi. Ce récit de ville, tel que l’in­dique le sous-titre, est une virée dans une ville qu’il connaît bien et dans laquelle on le sent vibrer au rythme des ren­contres qu’il y a fait, de l’a­mour qu’il y a trou­vé et cer­tai­ne­ment per­du, et de toutes ces petites choses qui racontent le chant d’une terre tra­ver­sée par une his­toire aus­si dou­lou­reuse que riche.
C’est à ces ren­contres qu’il nous convie, jusque dans son appar­te­ment dont il n’est pas vrai­ment le pro­prié­taire, puisque les étran­gers ne peuvent l’être. Son his­toire, c’est aus­si l’his­toire d’une navi­ga­tion à vue dans cette ville fas­ci­nante et qui appelle celui qui vient la décou­vrir à s’en­gouf­frer dans ses petites rues, dans ses petites his­toires aus­si bien que dans la grande, à habi­ter sa langue et à deve­nir stam­bou­liote.

Je me dois à une cer­taine fran­chise. Lec­teur, je t’é­cris d’une île. Oh, pas une de ces îles que l’on ima­gine en fer­mant les yeux et dont les reflets s’en vont avec la rosée. Non, une île bien réelle, la plus grande, la plus belle, l’a­vant-der­nière de ce cha­pe­let d’î­lots qui se trouve à une heure et demie à l’est de la pointe du vieux sérail. Par temps clair, ils appa­raissent dans le pay­sage d’Is­tan­bul, comme s’il était pos­sible de les tou­cher. Dès les pre­mières brumes, ils s’ef­facent, avant de dis­pa­raître com­plè­te­ment. Je pré­cise bien : l’a­vant-der­nière des îles, car il y en a plu­sieurs et l’une d’elles, la plus petite, s’ap­pelle Sedef Adası, l’« île de la nacre », avant le rocher de Léandre, repos des cor­mo­rans. Un mys­tère, une île aux rares mai­sons où l’on ne se rend que sur invi­ta­tion. Cer­taines cartes ne la men­tionnent même pas. Aucune ligne régu­lière de vapur ne la des­sert. Comme si elle n’exis­tait pas.

Sébas­tien de Cour­tois, Un thé à İst­anb­ul, récit d’une ville
Le Pas­seur édi­tions, coll. Che­mins d’é­toiles, 2014

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