Cou­rir le monde avec la Table de Peu­tin­ger (Tabu­la Peutingeriana)

Cou­rir le monde avec la Table de Peu­tin­ger (Tabu­la Peutingeriana)

La Tabu­la Peu­tin­ge­ria­na est un objet fas­ci­nant qui ne peut lais­ser qui que ce soit indif­fé­rent. Décou­verte par hasard dans une obs­cure biblio­thèque de Rhé­na­nie-Pala­ti­nat en 1494 par un poète alle­mand, Conrad Celtes, ama­teur de belles lettres et foui­neur impé­ni­tent dans les reliques cultu­relles de son pays, elle fut léguée à son ami l’hu­ma­niste Kon­rad Peu­tin­ger dont elle prit le nom.

Tabula Peutingeriana - Pars VIII

Com­po­sée de plu­sieurs par­che­mins, il manque mani­fes­te­ment à cette carte dans la ver­sion pri­mi­tive une par­tie sur la gauche puisque la pénin­sule ibé­rique n’y est pas repré­sen­tée. Le fac-simi­lé de Conra­di Mil­lie­ri réa­li­sé en 1887 pro­pose une recons­ti­tu­tion de cette par­tie man­quante. C’est tout de même une repré­sen­ta­tion qui mesure dans son inté­gra­li­té 6.82m x 0.34m et couvre une par­tie du monde connu d’une époque loin­taine puis­qu’elle a été des­si­née au XIIIè siècle et ce n’est déjà qu’une copie d’une carte romaine qui aurait été rédi­gée sous Théo­dose au IVè siècle. En effet, cette carte est une repré­sen­ta­tion de l’Em­pire Romain, mais à ceci près que la volon­té de celui qui l’a des­si­né n’é­tait pas réel­le­ment de des­si­ner une carte, mais bien plu­tôt une sché­ma­ti­sa­tion d’un ter­ri­toire sous forme de réseau, car ce qui est repré­sen­té en pre­mier lieu, ce sont les routes qui rejoignent les villes entre elles avec cette pré­cieuse infor­ma­tion qui consiste à retrou­ver les dis­tances. La volon­té de son concep­teur était clai­re­ment de don­ner des indi­ca­tions pré­cises pour pou­voir éta­blir un iti­né­raire qui, au besoin, pou­vait aller de l’Es­pagne à Cey­lan, et peut-être même plus loin… Les iti­né­raires sont repré­sen­tés de manière très réa­liste par l’in­clu­sion de détails per­met­tant clai­re­ment l’i­den­ti­fi­ca­tion des lieux, ce qui est assez remar­quable pour un objet cen­sé avoir été conçu il y a 15 siècles.
La Tabu­la Peu­tin­ge­ria­na est consi­dé­rée comme la pre­mière repré­sen­ta­tion «ration­nelle» du monde. Si aujourd’­hui, il existe des cartes très pré­cises, notam­ment grâce aux repré­sen­ta­tions satel­li­taires, il n’existe aucun outil de ce genre…

Tabula Peutingeriana - Table de Peutinger

Cli­quez sur l’i­mage pour la voir dans son intégralité

A lire sur le sujet : Fran­cis de Coninck, Han­ni­bal à tra­vers les Alpes, une énigme de 2000 ans ; aug­men­té des routes romaines pré­to­riennes à tra­vers les Alpes selon la table de Peu­tin­ger, Les Grands iti­né­raires de l’his­toire, Edp Sciences, 1992, 128 p.

Liens :

  1. Copie du fac-simi­lé de Conra­di Mil­lie­ri sur le site de la Biblio­the­ca Augus­ta­na d’Augsbourg
  2. Copie de l’o­ri­gi­nal (ca. 1200)
  3. Copie avec dif­fé­rents masques per­met­tant de repé­rer des élé­ments actuels
  4. Un court docu­men­taire (en anglais) sur la Tabula
  5. Le décou­page du monde actuel selon les parchemins
  6. L’iti­ne­ra­rium roma­num (docu­ment le plus pré­cis per­met­tant la loca­li­sa­tion des élé­ments de la table), une ancienne carte romaine recons­truite avec la tech­no­lo­gie Inter­net avec laquelle on peut même réa­li­ser un iti­né­raire à l’é­poque romaine…
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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie — 11 août) : Pata­ra et Xan­thos, les grandes cités lyciennes

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie — 11 août) : Pata­ra et Xan­thos, les grandes cités lyciennes

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 10 août) : Les göz­leme d’Esra, Fethiye, le tom­beau d’Amyntas

Bul­le­tin météo de la jour­née (same­di) :

  • 10h00 : 37.8°C / humi­di­té : 29% / vent 7 km/h
  • 14h00 : 43.1°C / humi­di­té : 55% / vent 17 km/h
  • 22h00 : 42.2°C / humi­di­té : 81% / vent 6 km/h

Encore une jour­née qui s’an­nonce calme sous un soleil écra­sant. Les tem­pé­ra­tures sont sim­ple­ment affo­lantes et dépassent lar­ge­ment les 40°C. La rai­son vou­drait que je reste enfer­mé dans ma chambre semi-cli­ma­ti­sée ou à l’ombre d’un para­sol au bord de la pis­cine, mais rien n’y fait, je n’ar­rive pas à res­ter en place, même si je lézarde un peu en som­no­lant après un petit déjeu­ner copieux, à base de fro­mage blanc et de tisane de sauge.
Je reste en admi­ra­tion devant ce petit appen­dice qui dépasse de la cuvette des toi­lettes, où que je sois pas­sé depuis mon arri­vée ici, sur la par­tie anté­rieure et qui pro­pulse un jet d’eau puis­sant des­ti­né à se net­toyer. Évi­dem­ment, le sujet est un peu déli­cat à trai­ter, mais je suis admi­ra­tif de ce pro­cé­dé utile et effi­cace qui ne me laisse plus aucun doute sur l’hy­giène de ce peuple qui a l’ha­bi­tude des bains publics et des ablu­tions liées à la prière. Je rêve qu’un jour en France, dans ce pays qu’on dit asep­ti­sé et hygié­niste, on puisse prendre autant soin de son hygiène cor­po­relle, ce qui est loin d’être le cas.

Patara ÖrenyeriLe midi, je retourne déjeu­ner chez Ezra avant de refaire un tour par l’hô­tel pour lire un peu Amin Maa­louf au bord de la pis­cine et piquer une tête dès que la tem­pé­ra­ture devient intolérable.
Cet après-midi, j’ai déci­dé de me rendre à Pata­ra. Après tout, c’est le site le plus proche d’i­ci et je ne suis même pas allé le voir. En fait, quand on suit la direc­tion du site (les sites archéo­lo­giques sont signa­lés par des pan­neaux écrits en blanc sur fond mar­ron qui font pen­ser à ceux qu’on trouve au bord des auto­routes fran­çaises) qui se trouve au bout de la route qui tra­verse le vil­lage, on arrive à ce qui res­semble à un poste fron­tière. Je crois que c’est la pre­mière fois que je vois un site aus­si bien gar­dé. Il se trouve que c’est éga­le­ment l’en­trée d’un site très connu car il passe pour être la plus belle plage de la côte turque. J’a­voue sans honte que je n’y suis pas allé de tout mon séjour, trou­vant cer­tai­ne­ment qu’il y avait bien d’autres choses à faire que d’al­ler se bai­gner dans la Médi­ter­ra­née. Cela dit, avec du recul, je regrette un peu, mais je m’en remet­trai. Après la bar­rière, on arrive donc sur le site qui s’é­tend tout au long de la route. Dès lors que je com­mence à vou­loir prendre des pho­tos, je me rends compte que quelque chose ne va pas, mon appa­reil reste obs­ti­né­ment éteint. Je com­mence à angois­ser en me disant que si mon appa­reil me lâche main­te­nant, je ne vais plus pou­voir gar­der d’i­mages de tout cela ; c’est sim­ple­ment incon­ce­vable pour moi. En ten­tant d’é­ta­blir un diag­nos­tic, je me rends compte que la bat­te­rie est absente de son com­par­ti­ment et en une frac­tion de seconde, je la revois dans son char­geur, bien au frais sur la table de la chambre d’hô­tel. Je n’ai plus qu’à prendre des pho­tos avec mon téléphone.

Turquie - jour 16 - Cités lyciennes - 006 - Patara et Xanthos

Turquie - jour 16 - Cités lyciennes - 012 - Patara et Xanthos

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Les Biblio­thèques Vir­tuelles Humanistes

Les Biblio­thèques Vir­tuelles Humanistes

Voi­ci un site pro­po­sé par l’uni­ver­si­té de Tours, met­tant à dis­po­si­tion des cen­taines d’ouvrages de la Renais­sance numé­ri­sés comme par exemple cet exem­plaire superbe de De archi­tec­tu­ra de Vitruve, le livre qui ins­pi­ra tant Léo­nard de Vin­ci. On trou­ve­ra éga­le­ment une base de don­nées (BaTyR – Base de Typo­gra­phie de la Renais­sance) dans laquelle sont mises à dis­po­si­tion des cen­taines d’images de let­trines et de marques typo­gra­phiques, mais aus­si une belle gale­rie de por­traits gra­vés. Un lieu riche et suave dans lequel il fait bon muser.

De architectura - Vitruve

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Les cahiers dogons

Les cahiers dogons

Les Cahiers Dogons, d’Anto­nin Potos­ki, est un livre que j’ai décou­vert par hasard au détour d’un rayon de biblio­thèque, comme un objet per­du ou inten­tion­nel­le­ment éga­ré par un biblio­thé­caire mali­cieux. C’est un petit livre, une cen­taine de pages, aux édi­tions P.O.L, un objet lit­té­raire éton­nant, sans pré­ten­tion, une simple his­toire d’un homme qui aime aller au Mali et s’immerge dans l’écrasante cha­leur de l’Afrique.

1999. J’ai dor­mi sur le toit, sans drap ni mous­ti­quaire, tout habillé, pieds nus, sur un petit mate­las posé sur une natte. J’ai la tête qui tourne à cause de la cha­leur et du soleil que j’ai déjà trop pris. Il est là, à tra­vers le feuillage du nim à l’ombre duquel j’écris, par petites taches brûlantes.

Ici tout res­pire la cha­leur, ou plu­tôt ne res­pire pas. Les hommes dorment sous le toit épais de la togou­na et notre nar­ra­teur lui, passe ses nuits sur le toit, ten­tant de se rafraî­chir, bai­gné dans une tor­peur assom­mante dont il a du mal à se dépê­trer, mais son ami­tié pour les gens de ce vil­lage au pied de la falaise du Ban­dia­ga­ra le fait res­ter, dans cette zone qui devient tel­le­ment touristique.

J’étais nu sur le toit, le vent souf­flait un air plus chaud que mon corps, comme d’une sèche-che­veux. C’étaient d’énormes masses de cha­leur qui pas­saient sur moi comme des vagues, comme à l’océan lorsqu’on joue à se caler le dos contre le sable pour se sen­tir léché, écra­sé par les rou­leaux et regar­der, d’en-dessous, leur grand bouillon vert. Ici, je me cale face au grand bouillon étoi­lé de la nuit.

Dogon Village

Pho­to © John Spoo­ner

Dans ce pays qui devient célèbre pour la diver­si­té de ses peuples et attire les nou­veaux tou­ristes, des nou­veaux explo­ra­teurs en polo Lacoste qui n’admettent que dif­fi­ci­le­ment trou­ver un blanc (un peu sale et puant) au beau milieu des dogons qu’ils espé­raient sau­vages, le nar­ra­teur ne jus­ti­fie pas sa pré­sence, il s’est sim­ple­ment ins­tal­lé comme un cèpe au pied d’un frêne, admis, adop­té, au point qu’on se demande où on voit un blanc chez eux, il n’y a qu’Antonin ici…

L’impression des Peuls qui arrivent de la plaine, de leur vie nomade, dans un vil­lage de la falaise doit être encore plus forte que la nôtre : ce doit être étrange, mys­té­rieux, un peu effrayant, cette orga­ni­sa­tion, ce peuple qui parle autant de langues qu’il a de vil­lages, qui consent à les embau­cher pour qu’ils s’occupent de ses trou­peaux, qui construit des cités bruis­santes dans les ébou­lis alors qu’eux vivent dans le silence, le dépouille­ment, la pure­té des plaines, de leur dieu musulman.

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Le pha­raon cannibale

Lorsque le pha­raon lui-même est plus grand que le plus grand des dieux, il les mange…

Le pha­raon devient dieu lui-même par le cou­ron­ne­ment, il s’ap­pro­prie la force des cou­ronnes au sens le plus réa­liste, en les man­geant. C’est de la même façon qu’il s’ap­pro­prie la sub­stance divine. Dans les Textes des Pyra­mides se trouve «le fameux hymne au pha­raon can­ni­bale qui se nour­rit des dieux, mange les grands au déjeu­ner, les moyens au dîner et les petits au sou­per, qui leur brise les ver­tèbres et leur arrache le cœur, qui dévore cru ceux qu’il ren­contre sur son che­min.» C’est lais­ser entendre que le pha­raon est le plus grand de tous les dieux, au moins leur égal, le maître des hommes et des choses, le maître des eaux du Nil, de la terre et même de la récolte en train de croître. «J’é­tais, fera-t-on dire plus tard à un pha­raon défunt, quel­qu’un qui fai­sait pous­ser l’orge.»

Fer­nand Brau­del, Les mémoires de la Méditerranée
Livre de Poche, Col­lec­tion Références
Édi­tions de Fal­lois 1998

Détail du Papyrus de Greenfield ou Livre des Morts de Nésitanebtashérou du British Museum

Détail du Papy­rus de Green­field ou Livre des Morts de Nésitanebtashérou
Bri­tish Museum, Londres

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