Sep 25, 2013 | Livres et carnets |
La Tabula Peutingeriana est un objet fascinant qui ne peut laisser qui que ce soit indifférent. Découverte par hasard dans une obscure bibliothèque de Rhénanie-Palatinat en 1494 par un poète allemand, Conrad Celtes, amateur de belles lettres et fouineur impénitent dans les reliques culturelles de son pays, elle fut léguée à son ami l’humaniste Konrad Peutinger dont elle prit le nom.
Composée de plusieurs parchemins, il manque manifestement à cette carte dans la version primitive une partie sur la gauche puisque la péninsule ibérique n’y est pas représentée. Le fac-similé de Conradi Millieri réalisé en 1887 propose une reconstitution de cette partie manquante. C’est tout de même une représentation qui mesure dans son intégralité 6.82m x 0.34m et couvre une partie du monde connu d’une époque lointaine puisqu’elle a été dessinée au XIIIè siècle et ce n’est déjà qu’une copie d’une carte romaine qui aurait été rédigée sous Théodose au IVè siècle. En effet, cette carte est une représentation de l’Empire Romain, mais à ceci près que la volonté de celui qui l’a dessiné n’était pas réellement de dessiner une carte, mais bien plutôt une schématisation d’un territoire sous forme de réseau, car ce qui est représenté en premier lieu, ce sont les routes qui rejoignent les villes entre elles avec cette précieuse information qui consiste à retrouver les distances. La volonté de son concepteur était clairement de donner des indications précises pour pouvoir établir un itinéraire qui, au besoin, pouvait aller de l’Espagne à Ceylan, et peut-être même plus loin… Les itinéraires sont représentés de manière très réaliste par l’inclusion de détails permettant clairement l’identification des lieux, ce qui est assez remarquable pour un objet censé avoir été conçu il y a 15 siècles.
La Tabula Peutingeriana est considérée comme la première représentation «rationnelle» du monde. Si aujourd’hui, il existe des cartes très précises, notamment grâce aux représentations satellitaires, il n’existe aucun outil de ce genre…
Cliquez sur l’image pour la voir dans son intégralité
A lire sur le sujet : Francis de Coninck, Hannibal à travers les Alpes, une énigme de 2000 ans ; augmenté des routes romaines prétoriennes à travers les Alpes selon la table de Peutinger, Les Grands itinéraires de l’histoire, Edp Sciences, 1992, 128 p.
Liens :
- Copie du fac-similé de Conradi Millieri sur le site de la Bibliotheca Augustana d’Augsbourg
- Copie de l’original (ca. 1200)
- Copie avec différents masques permettant de repérer des éléments actuels
- Un court documentaire (en anglais) sur la Tabula
- Le découpage du monde actuel selon les parchemins
- L’itinerarium romanum (document le plus précis permettant la localisation des éléments de la table), une ancienne carte romaine reconstruite avec la technologie Internet avec laquelle on peut même réaliser un itinéraire à l’époque romaine…
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Sep 20, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 10 août) : Les gözleme d’Esra, Fethiye, le tombeau d’Amyntas
Bulletin météo de la journée (samedi) :
- 10h00 : 37.8°C / humidité : 29% / vent 7 km/h
- 14h00 : 43.1°C / humidité : 55% / vent 17 km/h
- 22h00 : 42.2°C / humidité : 81% / vent 6 km/h
Encore une journée qui s’annonce calme sous un soleil écrasant. Les températures sont simplement affolantes et dépassent largement les 40°C. La raison voudrait que je reste enfermé dans ma chambre semi-climatisée ou à l’ombre d’un parasol au bord de la piscine, mais rien n’y fait, je n’arrive pas à rester en place, même si je lézarde un peu en somnolant après un petit déjeuner copieux, à base de fromage blanc et de tisane de sauge.
Je reste en admiration devant ce petit appendice qui dépasse de la cuvette des toilettes, où que je sois passé depuis mon arrivée ici, sur la partie antérieure et qui propulse un jet d’eau puissant destiné à se nettoyer. Évidemment, le sujet est un peu délicat à traiter, mais je suis admiratif de ce procédé utile et efficace qui ne me laisse plus aucun doute sur l’hygiène de ce peuple qui a l’habitude des bains publics et des ablutions liées à la prière. Je rêve qu’un jour en France, dans ce pays qu’on dit aseptisé et hygiéniste, on puisse prendre autant soin de son hygiène corporelle, ce qui est loin d’être le cas.
Le midi, je retourne déjeuner chez Ezra avant de refaire un tour par l’hôtel pour lire un peu Amin Maalouf au bord de la piscine et piquer une tête dès que la température devient intolérable.
Cet après-midi, j’ai décidé de me rendre à Patara. Après tout, c’est le site le plus proche d’ici et je ne suis même pas allé le voir. En fait, quand on suit la direction du site (les sites archéologiques sont signalés par des panneaux écrits en blanc sur fond marron qui font penser à ceux qu’on trouve au bord des autoroutes françaises) qui se trouve au bout de la route qui traverse le village, on arrive à ce qui ressemble à un poste frontière. Je crois que c’est la première fois que je vois un site aussi bien gardé. Il se trouve que c’est également l’entrée d’un site très connu car il passe pour être la plus belle plage de la côte turque. J’avoue sans honte que je n’y suis pas allé de tout mon séjour, trouvant certainement qu’il y avait bien d’autres choses à faire que d’aller se baigner dans la Méditerranée. Cela dit, avec du recul, je regrette un peu, mais je m’en remettrai. Après la barrière, on arrive donc sur le site qui s’étend tout au long de la route. Dès lors que je commence à vouloir prendre des photos, je me rends compte que quelque chose ne va pas, mon appareil reste obstinément éteint. Je commence à angoisser en me disant que si mon appareil me lâche maintenant, je ne vais plus pouvoir garder d’images de tout cela ; c’est simplement inconcevable pour moi. En tentant d’établir un diagnostic, je me rends compte que la batterie est absente de son compartiment et en une fraction de seconde, je la revois dans son chargeur, bien au frais sur la table de la chambre d’hôtel. Je n’ai plus qu’à prendre des photos avec mon téléphone.
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Sep 19, 2013 | Livres et carnets |
Voici un site proposé par l’université de Tours, mettant à disposition des centaines d’ouvrages de la Renaissance numérisés comme par exemple cet exemplaire superbe de De architectura de Vitruve, le livre qui inspira tant Léonard de Vinci. On trouvera également une base de données (BaTyR – Base de Typographie de la Renaissance) dans laquelle sont mises à disposition des centaines d’images de lettrines et de marques typographiques, mais aussi une belle galerie de portraits gravés. Un lieu riche et suave dans lequel il fait bon muser.
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Sep 18, 2013 | Histoires de gens, Livres et carnets, Sur les portulans |
Les Cahiers Dogons, d’Antonin Potoski, est un livre que j’ai découvert par hasard au détour d’un rayon de bibliothèque, comme un objet perdu ou intentionnellement égaré par un bibliothécaire malicieux. C’est un petit livre, une centaine de pages, aux éditions P.O.L, un objet littéraire étonnant, sans prétention, une simple histoire d’un homme qui aime aller au Mali et s’immerge dans l’écrasante chaleur de l’Afrique.
1999. J’ai dormi sur le toit, sans drap ni moustiquaire, tout habillé, pieds nus, sur un petit matelas posé sur une natte. J’ai la tête qui tourne à cause de la chaleur et du soleil que j’ai déjà trop pris. Il est là, à travers le feuillage du nim à l’ombre duquel j’écris, par petites taches brûlantes.
Ici tout respire la chaleur, ou plutôt ne respire pas. Les hommes dorment sous le toit épais de la togouna et notre narrateur lui, passe ses nuits sur le toit, tentant de se rafraîchir, baigné dans une torpeur assommante dont il a du mal à se dépêtrer, mais son amitié pour les gens de ce village au pied de la falaise du Bandiagara le fait rester, dans cette zone qui devient tellement touristique.
J’étais nu sur le toit, le vent soufflait un air plus chaud que mon corps, comme d’une sèche-cheveux. C’étaient d’énormes masses de chaleur qui passaient sur moi comme des vagues, comme à l’océan lorsqu’on joue à se caler le dos contre le sable pour se sentir léché, écrasé par les rouleaux et regarder, d’en-dessous, leur grand bouillon vert. Ici, je me cale face au grand bouillon étoilé de la nuit.
Photo © John Spooner
Dans ce pays qui devient célèbre pour la diversité de ses peuples et attire les nouveaux touristes, des nouveaux explorateurs en polo Lacoste qui n’admettent que difficilement trouver un blanc (un peu sale et puant) au beau milieu des dogons qu’ils espéraient sauvages, le narrateur ne justifie pas sa présence, il s’est simplement installé comme un cèpe au pied d’un frêne, admis, adopté, au point qu’on se demande où on voit un blanc chez eux, il n’y a qu’Antonin ici…
L’impression des Peuls qui arrivent de la plaine, de leur vie nomade, dans un village de la falaise doit être encore plus forte que la nôtre : ce doit être étrange, mystérieux, un peu effrayant, cette organisation, ce peuple qui parle autant de langues qu’il a de villages, qui consent à les embaucher pour qu’ils s’occupent de ses troupeaux, qui construit des cités bruissantes dans les éboulis alors qu’eux vivent dans le silence, le dépouillement, la pureté des plaines, de leur dieu musulman.
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Sep 16, 2013 | Livres et carnets |
Lorsque le pharaon lui-même est plus grand que le plus grand des dieux, il les mange…
Le pharaon devient dieu lui-même par le couronnement, il s’approprie la force des couronnes au sens le plus réaliste, en les mangeant. C’est de la même façon qu’il s’approprie la substance divine. Dans les Textes des Pyramides se trouve «le fameux hymne au pharaon cannibale qui se nourrit des dieux, mange les grands au déjeuner, les moyens au dîner et les petits au souper, qui leur brise les vertèbres et leur arrache le cœur, qui dévore cru ceux qu’il rencontre sur son chemin.» C’est laisser entendre que le pharaon est le plus grand de tous les dieux, au moins leur égal, le maître des hommes et des choses, le maître des eaux du Nil, de la terre et même de la récolte en train de croître. «J’étais, fera-t-on dire plus tard à un pharaon défunt, quelqu’un qui faisait pousser l’orge.»
Fernand Braudel, Les mémoires de la Méditerranée
Livre de Poche, Collection Références
Éditions de Fallois 1998
Détail du Papyrus de Greenfield ou Livre des Morts de Nésitanebtashérou
British Museum, Londres
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