La Veules à Veules-les-Roses

On appelle fleuve tout cours d’eau qui se jette dans la mer ou l’o­céan, or, en France, on est loin de n’a­voir que cinq grands fleuves et on oublie sou­vent que la liste est plu­tôt longue…
En exa­mi­nant le tableau, on se rend compte avec stu­pé­fac­tion que le plus petit fleuve de France a une lon­gueur de très exac­te­ment… 1 195 mètres. La Veules arrose le petit bourg de Veules-les-Roses et tire son nom de Wel­las (1025. Plu­riel vieil anglais de wel­la / wiel­la source, fon­taine, cours d’eau comme les Wells d’Angleterre).

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Le Tré­sor de l’hô­tel de Cluny

Même si lors­qu’au­jourd’­hui on tra­verse le dépar­te­ment de la Saône-et-Loire, on s’i­ma­gine être tom­bé dans un de coins les plus recu­lés de France, il faut avoir à l’es­prit que c’est un des dépar­te­ments fran­çais dans lequel on trouve le plus d’ou­vrages d’art roman et par­mi les villes de ce dépar­te­ment, on trouve Tour­nus, Mâcon, Paray-le-Monial, Autun et sur­tout Clu­ny qui fut le siège d’un puis­sant ordre béné­dic­tin et le lieu de construc­tion de la plus grande cathé­drale romane jamais construite (190 mètres de long, 59 et 73 mètres au tran­sept, 30 mètres sous les voûtes éta­blies sur trois niveaux et enfin une cou­pole qui domine à 40 mètres à la croi­sée du grand tran­sept) dont il ne reste aujourd’­hui presque plus rien, l’Abba­tiale de Clu­ny III.

Au Moyen-Âge, tous les ordres monas­tiques, dont on sait que la plu­part d’entre eux étaient suf­fi­sam­ment à l’aise finan­ciè­re­ment pour acqué­rir la plu­part des biens fon­ciers du Royaume, pos­sé­daient à Paris un « hôtel », sorte de pied-à-terre per­met­tant d’a­voir toute lati­tude pour appro­cher le siège du pou­voir sans faire des allers et retours avec l’autre bout de la France. Le Musée natio­nal du Moyen-Âge tel qu’il existe aujourd’­hui et que je connais­sais autre­fois sous le nom de Musée de Clu­ny est en fait l’hô­tel des abbés de Clu­ny (le plus ancien hôtel par­ti­cu­lier de Paris), construit au XIIIè siècle contre les ves­tiges du plus ancien témoi­gnage du pas­sé gal­lo-romain de la capi­tale, les Thermes de Lutèce, dont on peut voir encore à ce jour les murs en façade et les col­lec­tions expo­sées dans ce qui était autre­fois le fri­gi­da­rium. Si ce bâti­ment est deve­nu le musée du moyen-âge, c’est parce qu’Alexandre Du Som­me­rard, grand col­lec­tion­neur du XIXè siècle s’y éta­blit afin de conser­ver ses col­lec­tions d’œuvres de cette époque. L’É­tat a acquis ses biens et les conserve depuis sa mort.

Visi­ter le musée de Clu­ny, c’est se plon­ger dans un monde colo­ré et loin­tain, dans une riche col­lec­tion d’or­fè­vre­rie dont on peut admi­rer les pièces dans une salle rec­tan­gu­laire confi­née, dans une col­lec­tion de vitraux superbes et récem­ment res­tau­rée, au beau milieu des anciennes sta­tues des rois de Juda et d’Is­raël qui ornaient autre­fois la façade de Notre-Dame de Paris, détruites par les Com­mu­nards en 1873 (prises pour les sta­tues de Rois de France), et qui ont été retrou­vées en 1977 sous terre lors du per­ce­ment du par­king de la Chaus­sée d’An­tin, mais éga­le­ment les tapis­se­ries de la Dame à la Licorne, les ron­dels (petits vitraux blanc et jaune d’or) de Jean Fou­quet et des par­ti­tions anciennes…

L’in­té­gra­li­té des pho­tos prises en mai der­nier sur Fli­ckr (je le pré­cise tout de même, à toutes fins utiles, toutes les pho­tos sont de moi).
Loca­li­sa­tion sur Google Maps.

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

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Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

Le trésor de Cluny

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Mots d’un voca­bu­laire oublié I

Aver­tis­se­ment: billet à haute teneur en mots rares et pré­cieux, sau­vés de l’oubli.

  1. 1er volet
  2. 2nd volet
  3. 3ème volet
  4. 4ème volet
  5. 5ème volet
  6. 6ème volet
  7. 7ème volet
  8. 8ème volet
  9. 9ème volet
  10. 10ème volet

Lorsque j’é­tais encore étu­diant, je m’é­tais consti­tué un réper­toire, un bête réper­toire de mots que je pou­vais gla­ner au fil de mes lec­tures dans une démarche à plu­sieurs étapes.

  1. Récu­pé­rer les mots incon­nus pour en trou­ver plus tard à l’aide d’un dic­tion­naire la définition.
  2. Col­lec­ter en seul endroit ces petites pépites.
  3. Per­pé­tuer cette col­lec­tion au tra­vers des dif­fé­rents âges de ma vie et ne pas les oublier.

Résul­tat, j’ai per­du ce car­net. Tout au moins ai-je dû l’é­ga­rer dans un endroit si bien caché qu’on le retrou­ve­ra le jour où mes héri­tiers pas­se­ront mes biens par le feu. En atten­dant ce jour, voi­ci un billet en forme de mini-lexique. Les liens ren­voient la plu­part du temps aux articles Wiki­pe­dia dont ils sont issus ou à leurs références.

Ana­dyo­mène

Épi­thète de Vénus ou Aphro­dite : qui sort de l’eau. (poème de Rim­baud) le plus célèbre exemple est La Nais­sance de Vénus de Botticelli.

Venus ana­dyo­mène, Alexandre Caba­nel, 1863

Anas­ty­lose

Terme archéo­lo­gique qui désigne la tech­nique de recons­truc­tion d’un monu­ment en ruines grâce à l’é­tude métho­dique de l’a­jus­te­ment des dif­fé­rents élé­ments qui com­posent son architecture.
Il peut aus­si s’agir d’éléments recons­ti­tués en maté­riaux contem­po­rains pour pré­sen­ter un détail de construc­tion don­nant l’échelle d’un édifice.

Severian relief, Leptis (NW-SE)

Reliefs de l’arc de Sep­time Sévère, Lep­tis Magna, Libye

Astra­gale

L’astra­gale est une mou­lure arron­die, sorte d’an­neau ou de bou­din, sépa­rant le cha­pi­teau de la colonne. Au Moyen Âge, l’as­tra­gale fait géné­ra­le­ment par­tie du cha­pi­teau (consti­tuant ain­si sa base) et est sépa­ré de la colonne par un joint. Dans l’art antique, c’est le contraire : l’as­tra­gale est tou­jours sépa­ré du cha­pi­teau. L’as­tra­gale désigne aus­si une mou­lure régnant sur la façade. On parle de nez de marche en astra­gale, pour les marches ayant un débord en arrondi.

Le terme astra­gale vient du latin astra­ga­lus qui signi­fie « os du talon », lui-même déri­vé du grec astra­ga­los, qui signi­fie « vertèbre ».

Éver­gé­tisme

L’éver­gé­tisme (ou, plus rare, éver­gé­sie) est un terme intro­duit au XXe siècle dans le lexique fran­co­phone par l’his­to­rien André Bou­lan­ger. Il dérive direc­te­ment du verbe grec εύεργετέω signi­fiant « je fais du bien ». Dans sa défi­ni­tion ori­gi­nale, l’évergétisme consiste, pour les notables, à faire pro­fi­ter la col­lec­ti­vi­té de leurs richesses. Il com­plète le clien­té­lisme, lien indi­vi­duel et per­son­nel entre le patron et ses clients. L’his­to­rien Paul Veyne y a consa­cré son impor­tant ouvrage Le Pain et le Cirque.

Pro­con­sul Mar­cus Nomius Bal­bus, éver­gète d’Herculanum

Métope

Une métope est un pan­neau à peu près rec­tan­gu­laire, le plus sou­vent déco­ré de reliefs sous un ban­deau hori­zon­tal. Dans la frise dorique, elle alterne avec les tri­glyphes. Une plaque assez mince porte les reliefs et reste indé­pen­dante de la par­tie pos­té­rieure, ou contre-métope. Une demi-métope est une por­tion de métope occu­pant l’angle d’une frise dorique depuis la Renais­sance. En effet la frise dorique antique se retourne sur un tri­glyphe désaxé par rap­port à la colonne.
Vient du grec « méto­pê », de « méta » : entre et « ôpê » : ouverture.

Modé­na­ture

En archi­tec­ture, on appelle modé­na­ture les pro­por­tions et dis­po­si­tions de l’en­semble des élé­ments d’ornement que consti­tuent les mou­lures et pro­fils des mou­lures de cor­niche ain­si que les pro­por­tions et dis­po­si­tions des membres de façade consti­tuant le style architectural.

Polior­cé­tique

Le terme vient du grec polior­ke­ti­kos, qui désigne ce qui est rela­tif à la tech­nique du siège des villes et places fortes, ou l’art et la tech­nique du siège. On l’ap­plique aus­si à la défense des villes contre les sièges. LES POLIOR­CÉ­TIQUES d’APOLLODORE DE DAMAS COM­PO­SÉES POUR L’EMPEREUR HADRIEN. Tra­duc­tion du texte publié par M. Ch. WES­CHER (Polior­cé­tique des Grecs. 1867, hep. impér., p. 135–193). Avec 37 figures extraites des manus­crits grecs.

Gra­vure d’é­poque du siège de Privas

Suf­fète

Suf­fète est le nom des pre­miers magis­trats de Car­thage. Leur pou­voir ne durait qu’un an. Ils étaient à Car­thage ce que les consuls étaient à Rome.

Han­ni­bal Bar­ca, suf­fète de Carthage

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Un ciel comme une cou­lée de lave

Ciel de lave

Au lever du jour, en pas­sant devant la fenêtre, j’at­trape l’air du matin, la cou­leur de ce moment de grâce pen­dant lequel le soleil arrive enfin à mon­trer le bout de son nez. J’ai le sou­ve­nir d’un poème des Fleurs du mal qui monte en moi comme une bouf­fée de cha­leur et qui m’é­meut… Le monde n’ex­hale jamais autant de beau­té que lors­qu’il passe entre les mots d’un de ses poètes. Au petit matin, le ciel prend des cou­leurs de cou­lée de lave sur les flancs d’un vol­can éreinté.

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

 

Le pas­sant cha­grin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Le premier matin

Au len­de­main du jour au ciel de lave, le petit matin annonce une cou­leur tendre, une frange d’un superbe dégra­dé tan­dis qu’à l’ouest les ténèbres sont encore pré­sentes et pro­fondes. Tous les matins, je me laisse ber­cer par cette lumière, assis sur mon cana­pé avec ma tasse de café, avec de plus en plus de plai­sir lorsque les jours de prin­temps se lèvent de plus en plus tôt. J’es­saie de tenir la dis­tance, de me lever avec le soleil, d’é­pou­ser le rythme natu­rel d’une belle jour­née, comme un ancien.

Les reten­tis­santes couleurs
Dont tu par­sèmes tes toilettes
Jettent dans l’es­prit des poètes
L’i­mage d’un bal­let de fleurs.

 

Ces robes folles sont l’emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t’aime !

Après la pluie

Je ravale mes pen­sées pré­somp­tueuses en me disant qu’un jour je serai plei­ne­ment satis­fait de ce que j’ai. Quand bien même je pour­rais satis­faire mon désir, que je serai cer­tai­ne­ment encore à la recherche d’autre chose, c’est ce qui me fait dire qu’à ne point dési­rer, on finit par ne jamais être déçu. Alors des images me traînent dans la tête, de purs fan­tasmes qui res­te­ront fan­tasmes, des rêves qui res­te­ront rêve ; c’est peut-être ça qui main­tient en vie.

Quel­que­fois dans un beau jardin
Où je traî­nais mon atonie,
J’ai sen­ti, comme une ironie,
Le soleil déchi­rer mon sein ;

 

Et le prin­temps et la verdure
Ont tant humi­lié mon cœur,
Que j’ai puni sur une fleur
L’in­so­lence de la Nature.

Douro Europos

Alors les jours se referment les uns après les autres comme des fleurs de prai­rie au cré­pus­cule, et je me mets en arrière, per­du dans mes songes qui comblent les minutes soli­taires. Je m’i­ma­gine visi­tant les salles lumi­neuses d’un musée bai­gné de soleil, dont les rayons éblouissent les dalles de marbre colo­ré et les portes en bois sombre, navi­guant entre une frise en céra­mique bleue et le relief fémi­nin d’une dalle de Dou­ro-Euro­pos au regard vide et imper­son­nel, mais qui tra­duit au fond une absence de plu­sieurs cen­taines d’années.
Fina­le­ment, c’est tou­jours moi le gagnant dans l’his­toire, même si per­sonne ne joue au même jeu…

Ain­si je vou­drais, une nuit,
Quand l’heure des volup­tés sonne,
Vers les tré­sors de ta personne,
Comme un lâche, ram­per sans bruit,

 

Pour châ­tier ta chair joyeuse,
Pour meur­trir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une bles­sure large et creuse,

 

Et, ver­ti­gi­neuse douceur !
A tra­vers ces lèvres nouvelles,
Plus écla­tantes et plus belles,
T’in­fu­ser mon venin, ma sœur !

Charles Bau­de­laire, 1857

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L’ir­ré­sis­tible Mrs Frances “Fan­ny” Abing­ton et le facé­tieux Sir Joshua Reynolds

I never saw a part done so excellent in all my life, for in her acting she has all the sim­pli­ci­ty of nature and not the least tinc­ture of the theatrical…

On enten­dit un homme un jour par­ler d’elle en ces termes. Fan­ny Abing­ton était une actrice célèbre en son temps, une femme de spec­tacle, mal mariée à un homme trop âgé, son propre pro­fes­seur de musique. Sir Joshua Rey­nolds, lui, était un peintre fameux, spé­cia­liste du por­trait et pre­mier direc­teur de la Royal Aca­de­my et acces­soi­re­ment, le maître de Joseph Mal­lord William Tur­ner.

Joshua Rey­nolds avait une pré­di­lec­tion pour les por­traits des gens de cour. Le trai­te­ment de la lumière est chez lui abso­lu­ment excep­tion­nel. Sa façon de trai­ter les car­na­tions en fait un des plus grands spé­cia­liste du portrait.

On le voit éga­le­ment dans ce triple por­trait des dames Wal­de­grave. Le détail du grain de peau des sœurs est par­ti­cu­liè­re­ment bien ren­du et l’on se rend compte que celle de gauche devait cer­tai­ne­ment avoir la peau véro­lée. Chez les deux autres femmes, ce n’est que débauche de cous et de poi­trines blanches…

Il sem­ble­rait que Rey­nolds fut ami avec Mrs Frances “Fan­ny” Abing­ton, qui selon les sources, était actrice, selon d’autre une pros­ti­tuée deve­nue cour­ti­sane après avoir joué quelques grands rôles. Regar­dez bien la suc­ces­sion des pein­tures et la ten­dresse avec laquelle il la repré­sente au fur et à mesure de ces toiles. D’a­bord en actrice sor­tant de der­rière le rideau…

En jeune fille timide et provocante…

Le regard et l’air mutin de Frances Abing­ton est ici ter­ri­ble­ment révé­la­teur d’une com­pli­ci­té entre le peintre et son modèle…

Sur cette toile par­ti­cu­liè­re­ment aérienne, les traits fins de l’ac­trice sont magni­fiés, le trai­te­ment du ren­du est beau­coup moins clas­sique que les autres peintures.

Cette toile en défi­ni­tive, est la plus belle de toutes. La lumière tami­sée, l’air un peu absent de cette belle femme et la pos­ture presque négli­gée, assise face au dos­sier du siège, un doigt élé­gam­ment posé sur la lèvre, et sur­tout, le regard légè­re­ment déca­lé par rap­port au peintre… Comme s’il la sur­pre­nait dans l’in­ti­mi­té de ses pen­sées pro­fondes. C’est je pense un tableau révé­la­teur du fait que les rela­tions entre Rey­nolds et Mrs Abing­ton étaient plus qu’amicales…

On remar­que­ra éga­le­ment cette étude par­ti­cu­liè­re­ment tou­chante, une superbe pièce du peintre…

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