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Tem­pête d’ocre

Une énorme tem­pête de pous­sières rouges venue du désert s’est abat­tue, mer­cre­di 23 sep­tembre, sur l’est de l’Aus­tra­lie, affec­tant par­ti­cu­liè­re­ment la vie des habi­tants de Sid­ney. […] Les ser­vices de secours ont fait état d’un grand nombre de cas de pro­blèmes res­pi­ra­toires. La visi­bi­li­té ne dépas­sait pas deux à trois mètres dans cer­tains endroits, a consta­té la police. […] Consi­dé­rée comme la pire du genre depuis les années 1940, cette tem­pête de sable s’est éten­due sur 600 kilo­mètres, jus­qu’à la côte de l’E­tat du Queens­land, au nord-est du pays, et pour­rait même atteindre la Nou­velle-Zélande, selon des experts. (Source Le Monde).

On a beau dire, mais c’est quand-même rude­ment joli.

Toutes les pho­tos de ce Red Dust, sur Fli­ckr. A voir éga­le­ment sur le Sid­ney Mor­ning Herald, et ici aus­si.

Via PopA­ve­nue et Pru­ned.

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Bro­chures Auto Union (1939)

Auto Union regrou­pait autre­fois quatre construc­teurs d’au­to­mo­biles alle­mands, dans un consor­tium des­ti­né à contrer l’o­pu­lence de Mer­cedes en pleine expan­sion, pen­dant les années 30. Ain­si Audi, DKW, Horch et Wan­de­rer se retrouvent sous la même coupe. Des années après, il n’en reste plus qu’un qui repren­dra d’ailleurs le logo d’o­ri­gine du consortium.
Sur Autounion1939, on trou­ve­ra des repro­duc­tions des superbes bro­chures com­mer­ciales de l’époque.

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Sous la terre de Rouffignac

A envi­ron 7 kilo­mètres de la dépar­te­men­tale qui relie Péri­gueux aux Eyzies-de-Tayac en Dor­dogne, après avoir sillon­né une route ser­pen­tant au tra­vers de petits hameaux et de forêts épaisses, après avoir des­cen­du des pentes et mon­té des côtes sans fin, on finit par arri­ver au som­met d’une col­line ver­doyante au som­met de laquelle se lance une ultime route, après un champ gavé d’oies grises apeu­rées. On finit par arri­ver devant une bouche large béante trans­per­çant la col­line ; une ouver­ture inquié­tante et sombre dans laquelle on ne s’i­ma­gine pas trou­ver ce qui s’y cache. Nous sommes sur la com­mune de Rouf­fi­gnac-Saint-Cer­nin-de-Reil­hac.

Mammouth_Rouffignac

Dehors, la tem­pé­ra­ture est étouf­fante, avoi­si­nant les 36°C ; au fur et à mesure que l’on approche de l’ou­ver­ture, un voile de fraî­cheur vient cares­ser la peau et emplir les narines d’un odeur âcre de terre humide. Les murs ont une tex­ture étrange, bar­dés de ron­deurs sor­tant de parois à l’as­pect argi­leux. Après l’en­trée, der­rière un mur de béton incon­gru, une exca­va­tion en forme de puits, déli­mi­tée par une mar­gelle est indi­quée comme étant une nécro­pole gau­loise. Le trou est rond mais n’a pas de fond ; on n’y voit guère que de l’obs­cu­ri­té du dedans.

On s’as­soit sur les petits bancs d’un train élec­trique sans âge qui démarre en caho­tant ; une simple lumière accro­ché à l’ar­rière du train sur une perche et une autre à l’a­vant suf­fisent à éclai­rer la gale­rie dans laquelle on s’en­fonce sans autre forme de pro­cès ; une sorte de ter­reur incon­nue me par­court l’é­chine face à ce lieu qui m’ab­sorbe dans toute sa noir­ceur. La tem­pé­ra­ture me glace ; 13°C, tem­pé­ra­ture constante, moyenne arith­mé­tique des tem­pé­ra­tures annuelles exté­rieures. Le train s’en­fonce dans l’obs­cu­ri­té pro­fonde. Ici on a pris le par­ti de pré­ser­ver les lieux, aucun fil élec­trique ne court sur le sol, aucun spot accro­ché au mur, tout est lais­sé tel quel à part ces rails qui nous emmènent dans l’in­con­nu. Les murs et leurs ron­deurs, ce sont des accu­mu­la­tions de moel­lons de silex pris dans une roche très friable, argi­leuse, molle comme de la craie mouillée ; en d’autres temps ici, tan­dis que plus de la moi­tié de la France n’é­tait qu’o­céans, l’eau cou­lait sous pres­sion, creu­sant à l’en­vi d’im­menses gale­ries, des cir­con­vo­lu­tions étranges et fan­tai­sistes. Le niveau de l’eau a bais­sé et ces gale­ries sont res­tées pour être visi­tées par les pre­miers hommes que la terre a por­té. On arrive dans une pre­mière gale­rie sur les murs de laquelle sont des­si­nés par de simples traits fins des mam­mouths se fai­sant face ou se sui­vant, un peu plus loin, on peut voir des striures ver­ti­cales, ser­rées et nom­breuses ; ce sont les traces des griffes des ours qui sont venus jus­qu’i­ci pour se réfugier.

Au pla­fond, des graf­fi­tis qu’on pour­rait croire récents, mais ils datent du XVè ou du XVIè siècle, pein­tur­lu­rés mal­pro­pre­ment dans ce lieu de mémoire.

On fait demi-tour ; la décep­tion me happe, je n’ai pas envie que le voyage se ter­mine déjà, mais on ne fait que se faire aiguiller dans une autre direc­tion pour repar­tir de plus belle par une pente impres­sion­nante, à toute vitesse, dans le noir le plus total, c’est un vrai dédale, plus de deux kilo­mètres séparent le lieu où nous nous ren­dons de l’ou­ver­ture ; on se dit qu’au­cun homme sen­sé ne se ren­drait dans un endroit aus­si recu­lé, quel que soit sa moti­va­tion ou son ins­pi­ra­tion du moment. Un coude part sur la droite et nous des­cen­dons encore. L’at­mo­sphère oppres­sante me grise, une étrange sen­sa­tion d’i­vresse m’en­va­hit ; l’air semble pour­tant sain mal­gré une hygro­mé­trie constante de 98%.
Le sol est mar­ron, fait d’une ocre com­pacte comme de la terre bat­tue, boueuse. De chaque côté de notre sillon, des niches creu­sées dans ce sol friable (des bauges), des sortes d’im­menses paniers à chien… qui sont en réa­li­té les litières des ours qui se sont frayés un che­min jus­qu’i­ci pour hiber­ner tran­quille­ment. De chaque côté le sol semble mon­ter tan­dis que le petit train conti­nue son che­min ; on a en fait creu­sé le sol qui se rap­proche du pla­fond, jus­qu’à ne plus en être dis­tant que de 75cm… Nous nous enfon­çons, le train ralen­tit, le moteur est cou­pé et on nous demande de des­cendre. Légère pro­tes­ta­tion, mais si vous venez, vous allez voir…
Nous sommes sous le grand plafond.

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J’ai le souffle cou­pé… Au-des­sus de ma tête, des dizaines d’a­ni­maux ont été des­si­nés, enche­vê­trés, au char­bon ou au dioxyde de man­ga­nèse, sous un pla­fond que les hommes de l’é­poque ne pou­vait tou­cher qu’en étant allon­gés sur le dos. Une image me frappe immé­dia­te­ment ; un che­val est repro­duit gran­deur nature ; celui qui a mis tout son cœur et son savoir-faire d’ar­tiste n’a jamais pu voir son œuvre comme je la vois aujourd’­hui, avec un tel recul. L’é­mo­tion me trans­porte littéralement.
Au-des­sus de moi, ce sont des dizaines d’a­ni­maux aux contours noirs, enche­vê­trés, cer­tains grands comme une lar­geur d’empan, d’autres gran­deur nature.
Cet endroit, aus­si pro­fond soit-il a été maintes et maintes fois visi­tés par des per­sonnes plus ou moins bien inten­tion­nées. Les des­sins ont été recou­verts de graf­fi­tis, d’ins­crip­tion diverses, témoi­gnages ridi­cules de pas­sages suc­ces­sifs comme autant de défis ridi­cules envers soi-même et le res­pect du temps pas­sé. Tout ici a été net­toyé, res­tau­ré reli­gieu­se­ment pour offrir ce spec­tacle sur­gi de l’autre côté de la nais­sance du Christ, excep­tée cette ins­crip­tion repré­sen­tant une croix sous laquelle ont été ins­crites les trois lettres IHS, signi­fiant que le lieu a été exor­ci­sé ; ces des­sins d’a­ni­maux ne pou­vaient être que l’ex­pres­sion d’un culte hor­rible dédié à Satan et à Vénus (sic) — pour­quoi Vénus ? va comprendre…
Ceux qui viennent ici voir du spec­ta­cu­laire, du gran­diose, des cou­leurs et du fan­tas­tique seront for­cé­ment déçus. Ici est le règne de la plus belle des œuvres humaines.
Ici se ter­mine le tun­nel, mais sur la gauche, au fond, un puits, pro­fond d’une dou­zaine de mètres, au fond duquel parait-il — ce n’est pas moi qui irait véri­fier — se trouve des­si­née la tête d’un homme. C’est tou­jours le même rituel ; sur les parois et les pla­fonds des grottes — trans­ver­sa­le­ment donc — , des ani­maux, les repré­sen­ta­tions des humains dans les puits. Un mys­tère total. Je reste éba­hi devant ces des­sins d’une sim­pli­ci­té enfan­tine, mais d’une grande pré­ci­sion — on y voit même avec une par­faite net­te­té sur un des mam­mouths, la pré­sence claire de ce petit cla­pet anal en cuir des­ti­né à les pro­té­ger du froid — et au-delà de toutes les ques­tions qui se posent inévi­ta­ble­ment, que sont-ils venus faire au fond de cette gale­rie, à deux kilo­mètres de l’en­trée, et sur­tout pour­quoi ont-ils des­si­né ces ani­maux ?, on est sai­si par l’im­men­si­té de ce qui se trouve sous nos yeux ; le spec­tacle n’est pas gran­diose, il est tout sim­ple­ment émou­vant et nous rap­pelle com­bien nous venons de loin et com­bien éga­le­ment notre connais­sance a à s’en­ri­chir avec humi­li­té de ces œuvres dont nous maî­tri­sons si peu les significations.
Mal­gré tout, la grotte est rela­ti­ve­ment récente, l’or­ne­ment est daté à — 13000 ans, en plein Mag­da­lé­nien.

Pour en savoir un peu plus : Jour­ney to Ancient Civi­li­za­tions.
Loca­li­sa­tion Google Maps.

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Of a fire on the moon

Racon­ter une mis­sion aus­si spec­ta­cu­laire que celle qui a emme­né trois hommes sur la lune par une très chaude jour­née de l’é­té 1969 n’é­tait pas à la por­tée de n’im­porte qui et il fal­lait a mini­ma l’ex­pé­rience d’un ingé­nieur en aéro­nau­tique, la plume d’un double Prix Pulit­zer et l’in­so­lence d’un des plus grands écri­vains amé­ri­cains, décé­dé en 2007, Nor­man Mai­ler. L’in­tel­li­gence de Mai­ler réside à mon sens sur­tout dans cette façon qu’il a de subli­mer un évé­ne­ment dont on connait peu les des­sous. En effet, l’ex­ploit final a quelque peu mas­qué toute l’éner­gie qu’il a fal­lu dépen­ser, dans une course folle — pour ne pas dire schi­zo­phrène —, à coups de mil­liards de dol­lars et après un tra­vail de sape pro­fond sur les men­ta­li­tés américaines.

Ce qui repo­sait sur le suc­cès du vol, c’é­tait rien de moins que de voir dimi­nuer la crainte chez les tech­ni­ciens dont les libi­dos étaient pri­son­nières de tout le réseau ser­ré des chiffres.

Saturn V

Tout l’in­té­rêt du récit de Mai­ler se trouve conden­sé dans ce qu’il nous apprend du réseau d’éner­gies ; éner­gie ciné­tique lors­qu’il nous décrit avec pré­ci­sion de poids de cha­cun des modules et la psy­cho­lo­gie des machines, le poids d’une fusée abso­lu­ment énorme — j’ai appris avec une cer­taine joie que la pous­sée n’est pas la pous­sée sur la terre, mais une force qui va à l’en­contre du poids des pro­pul­seurs — , éner­gies sociales lors­qu’un demi-mil­lion d’A­mé­ri­cains se retrouvent aux abords de Hous­ton pour suivre le lan­ce­ment de Saturn V en direct, éner­gies ther­miques lors­qu’il nous dit pour­quoi la cap­sule est recou­verte de tuiles réfrac­taires, et les com­bi­nai­sons de maté­riau des­ti­nés à évi­ter les col­li­sions avec des micro-météo­rites, éner­gies sexuelles lors­qu’il com­pare la fusée au phal­lus de l’A­mé­ri­cain moyen et la cap­sule à sa semence…

lune

La phy­sique était une étude de l’ordre, du raf­fi­ne­ment, de la splen­deur et du stu­pé­fiant mys­tère des lois qui régis­saient la nature, une contem­pla­tion des forces qui l’a­ni­maient ; la construc­tion méca­nique c’é­tait l’im­mer­sion dans le coef­fi­cient de glis­se­ment de l’adhé­sif appli­qué à l’é­crou qui main­te­nait le bou­lon d’un dix mil­lio­nième de la concep­tion totale incar­née dans une machine, cette concep­tion tra­cée tout d’a­bord au tableau noir par un phy­si­cien. D’un coup de craie ! « Ici, nous aurons l’in­ter­face. Les étages se sépa­re­ront. »  La phy­sique était donc l’a­mour et la construc­tion méca­nique le mariage. La phy­sique, c’é­tait le sexe, la concep­tion et la com­mu­nion de la famille ; la construc­tion méca­nique c’é­tait faire sor­tir les œufs à temps. La phy­sique c’é­tait remar­quer tran­quille­ment : « Don­nez à un objet une vitesse de onze kilo­mètres par seconde et il par­vien­dra à échap­per au champ d’at­trac­tion de la Terre. » La construc­tion méca­nique, c’é­tait les cin­quante ans de fusées creu­sant des sillons dans les champs de maïs et pre­nant feu sur leur aire de lan­ce­ment à cause des sou­papes qui n’é­taient pas étanches. La construc­tion méca­nique, c’é­tait les cinq cent mille hommes qui avaient brû­lé leur libi­do et tri­mé pen­dant des années comme des esclaves pour ras­sem­bler un effort col­lec­tif suf­fi­sant pour ame­ner un vais­seau spa­tial pesant deux mille neuf cents tonnes à se sou­le­ver et à acqué­rir une vitesse assez grande pour échap­per aux deux mille neuf cents tonnes d’at­trac­tion que le champ de gra­vi­ta­tion de la Terre fai­saient peser sur cet astronef.

Mais mieux que par­tout ailleurs, Mai­ler joue son rôle de gêneur, de tru­blion en jetant sur le pauvre Arm­strong son voile noir et pour­fend à coup de sar­casmes. Avec de longues phrases et cette sou­plesse dans les mots et leur arti­cu­la­tion, il démonte à l’é­poque déjà le rêve amé­ri­cain du ban­lieu­sard classe moyenne dans son sou­hait de stan­dar­di­sa­tion. Un grand moment.

La mai­son des Arm­strong était modeste, avec un toit poin­tu de bar­deaux bruns. C’é­tait une mai­son comme on en trou­vait un demi-mil­lion d’autres dans les ban­lieues, com­bi­nant le style moderne et le style tra­di­tion­nel tout neuf. On y per­ce­vait des traces de l’au­berge de cam­pagne anglaise, avec de petites fenêtres et de longues avan­cées. La mai­son pour­tant était située dans une rue dont la courbe ne devait rien aux déam­bu­la­tions d’une vache mais aux indices favo­rables sur des tableaux mon­trant le rap­port entre le reve­nu et le prix de revient pour des lotis­se­ments à rues droites. El Lago — c’é­tait le nom de cette ban­lieue, comme d’autres s’ap­pe­laient King­ston, Tim­ber Cove et Nas­sau Bay — était un tran­quille échi­quier de petites ave­nues aux virages soi­gneu­se­ment cal­cu­lés qui cou­paient sui­vant des angles droits rai­son­na­ble­ment approxi­ma­tifs d’autres ave­nues pavées, une impasse par-ci par là, une rue qui décri­vait un cercle com­plet. L’or­di­na­teur de l’a­gence immo­bi­lière qui avait four­ni le plan, dans sa sage façon de dis­tri­buer sui­vant un savant hasard la cour­bure des allées, avait conçu la logique de cet ensemble avec un tel sou­ci de prendre en consi­dé­ra­tion la varié­té des sou­haits expri­més par les groupes de clients-rési­dents situés à ce niveau pré­cis de reve­nus-pou­voir d’a­chat, que l’ef­fet géné­ral — quel coup pour la bonne volon­té de l’ar­chi­tecte qui avait déci­dé sans doute pour une fois : fai­sons quelque chose de mieux ! — était aus­si agréable et sté­rile pour l’œil qu’un living-room modèle de grand maga­sin pour jeunes mariés ache­tant à cré­dit avec un bud­get moyen­ne­ment élevé.

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Pho­to © Chris Gul­ker

Main­te­nant, je me demande sim­ple­ment ce que je vais lire…

Bivouac sur la lune, Nor­man Mailer,
Edi­tion Robert Laf­font, col­lec­tion Pavillons poche.

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