Sur le bord de la route. Tou­jours un peu à l’écart.

Same­di 12.04

Si l’on devait se dire qu’il ne fau­drait qu’une seule chose dans la vie sur laquelle on puisse fon­der sa propre exis­tence, un seul objet, ou plu­sieurs objets d’une seule nature, ce serait pour moi le livre. C’est par ici que passent la tota­li­té de mes émo­tions, c’est le sup­port de mes dési­rs. J’ai pour pro­jet de mener la suite de mes recherches uni­ver­si­taires au tra­vers des récits de voyage. Pour tout dire, la notion d’his­toire de vie comme pra­tique sociale, dans laquelle on tente d’une manière assez tyran­nique de m’en­fer­mer au tra­vers des inter­ven­tions qui sont menées par la res­pon­sable du cur­sus, ne me convient pas. J’ai du mal à conce­voir qu’on puisse tout encap­su­ler dans cette notion comme un point de départ qui vire à la névrose. Bour­dieu dénon­çait l’illu­sion bio­gra­phique, à laquelle, fina­le­ment il s’est livrée dans La misère du monde. Je reste per­sua­dé, tou­jours dans la résis­tance, qu’il existe une autre manière.

Lun­di 14.04

Je viens de ter­mi­ner Le jour où l’his­toire a recom­men­cé d’Alexandre Adler, une très pro­fonde ana­lyse géo­po­li­tique sur les chan­ge­ments liés au Prin­temps Arabe. A peine écrit, son livre était-il déjà obso­lète au vu des mul­tiples retour­ne­ments de situa­tion en Égypte, mais la vision d’en­semble sur la pous­sée des volon­tés démo­cra­tiques et des alliances à moyen terme reste d’actualité.

Com­men­cé ce matin Nager sur la fron­tière d’Anto­nin Poto­cki. Dès les pre­mières pages, le livre me touche lorsque l’au­teur y parle de son grand-père tan­dis qu’il végète fié­vreux dans une chambre d’hô­tel cli­ma­ti­sée du pays d’A­ra­kan. La ques­tion est tou­jours la même lors­qu’il est ques­tion de ces voya­geurs… « qu’est-ce qu’il est par­ti foutre là-bas ? »

Lun­di 21.04

Réveil sous un ciel plom­bé mâti­né de traces claires qui signi­fient que le soleil tente de reve­nir, mais comme tou­jours en ces terres, rien n’est vrai­ment cer­tain tant que les nuages n’ont pas été chas­sés à coups de fourche. J’ai récu­pé­ré des heures de som­meil que je pen­sais défi­ni­ti­ve­ment per­dues dans les limbes, à grands coups d’o­reiller sur la tête, à grand ren­fort de couette chaude dans l’at­mo­sphère humide. L’eau ruis­selle encore sur les feuilles des bou­leaux et du lau­rier, s’in­si­nuant dans les moindre inter­stices. Des petits pas­se­reaux font la fête comme si de rien n’é­tait en sau­tant sur les branches torves du for­sy­thia, déjà dépouillé de ses fleurs d’or.

Jeu­di 01.05

Le temps a pas­sé à une vitesse folle, je n’ai rien vu venir ; les jours ont pas­sé sous un ciel de char­bon et je me suis lais­sé com­plè­te­ment aller. Tout misé au même endroit, un café à la main, en atten­dant que ça passe et fina­le­ment, rien, ou plu­tôt tout, tout en même temps et trop de choses épar­pillées jus­te­ment, trop de tout en même temps et au final, rien. Je vais pou­voir res­pi­rer un peu, me recon­cen­trer sur moi-même et me sau­ver en fin de compte.
A côté du cla­vier, j’ai repris le papier. Il y a eu comme une absence dans mon exis­tence. Une absence com­blée par une colère sourde.

J’ai ter­mi­né ce matin le petit livre de Romain Gary, Les tré­sors de la mer Rouge. De très belles choses, encore des choses qui viennent ali­men­ter mes recherches sur l’é­crit nomade.
Plus que jamais, j’ai à nou­veau besoin d’Istan­bul