Cer­taines semaines sont comme ça, sans cou­leur, sans relief, sans images. Un peu tristes en somme, mais le monde conti­nue de tourner.

Ven­dre­di 21.03

Je n’a­vais pas ter­mi­né mon vendredi.
Je n’é­cris plus beau­coup dans mes car­nets. Je conti­nue pour­tant à en ache­ter. L’un d’eux est réser­vé aux notes qui me servent pour mon mas­ter recherche, des notes pro­fes­sion­nelles, réfé­rences, expé­riences pro­fes­sion­nelles, idées sidé­rantes prises sur le vif comme on prend une pho­to dans la rue. Il y a peu de temps, en ran­geant mes affaires, je me suis aper­çu, effa­ré, que j’a­vais ache­té une tonne de car­nets qui ne servent à rien, parce que je n’é­cris plus mon jour­nal — signe d’une époque révo­lue où j’ex­pri­mais mes dési­rs au tra­vers de l’é­cri­ture plu­tôt que dans les actes. Du coup, j’en ai pris un au hasard, et je l’ai éle­vé au rang de « car­net d’a­vant ou d’a­près le voyage », his­toire de regrou­per mes notes d’i­dées qui me tra­versent lorsque je res­sens vio­lem­ment ce désir de par­tir ou de par­ler du voyage.
Demain, c’est un jour que j’ap­pré­hende parce que je vais pas­ser ma jour­née dehors à cou­rir comme un déra­té dans le froid (rela­tif). Il me faut à pré­sent dor­mir un peu pour être en forme.

Dimanche 23.03

Jour­née de ter­reur hier, la boule au ventre le matin, ne ces­sant de me deman­der si j’al­lais pou­voir y arri­ver, dans quelle galère je m’é­tais engouf­fré. Et puis il faut y aller, res­pec­ter ses enga­ge­ments, et puis sur­tout mon­trer l’exemple aux jeunes. Com­ment exi­ger d’eux ce que nous-mêmes ne pou­vons pas res­pec­ter ? Impos­sible. Et puis les choses s’en­chaînent, on y va, on se sur­passe, lorsque la fatigue est là, les mains trem­pées dans l’eau froide lors­qu’il faut pagayer vite contre le vent, sans quoi on va finir par se faire dros­ser contre la rive ; il y a aus­si les crises d’an­goisse à gérer, les san­glots au bord des lèvres, lorsque votre coéqui­pière veut tout arrê­ter parce que le canot passe trop près et que les vagues font tant tan­guer la coquille de noix dans laquelle vous ne savez plus com­ment vous asseoir pour ne pas avoir mal, et les genoux qui n’en peuvent plus, qui vous lâchent à 4km de la fin et que cou­rir même à une allure déri­soire vous fait souf­frir comme jamais ; on fran­chit quand-même la ligne d’ar­ri­vée avec le sou­rire ; deux fois même parce que la pre­mière pho­to était ratée. Fran­che­ment, je n’en reve­nais pas en arri­vant d’a­voir réus­si à faire ces 35 putain de kilo­mètres. Il faut être con pour se lan­cer là-dedans en sachant qu’on ne va pas gagner et qu’on ne sait même pas si on va arriver…
Il faut avoir vécu ça pour se rendre compte à quel point bul­ler dans son cana­pé est confortable.

Déjà ter­mi­né Chro­niques de l’Oc­ci­dent nomade de Aude Seigne, et pour l’ins­tant, je ne sais pas sur quoi conti­nuer. En fait, je me sens épui­sé. Le pro­blème, en se rem­plis­sant sans arrêt, c’est que je finis pas me deman­der dans quelle mesure je ne me vide pas. Le dis­cret équi­libre entre le vide et le plein a du mal à se dessiner.
On me dit rapide, je suis une per­son­na­li­té rapide, un opti­miste, enjoué, life is a game. L’en­nui est ma crainte principale.

Mar­di 25.03

Les muscles se réchauffent, la dou­leur lan­ci­nante des genoux mal­me­nés tend à s’es­tom­per, la dou­ceur lan­guis­sante du corps repo­sé se fait à nou­veau sen­tir dans la cha­leur confor­table des jours qui passent.
J’ai pris le pre­mier livre qui traî­nait sur mon bureau pour le dévo­rer ; La pous­sière du monde, de Jacques Lacar­rière, chant d’a­mour des alé­vis, his­toire de poètes per­dus dans la steppe ana­to­lienne, visites mys­tiques des tekke (Khan­qah), mai­sons dan­santes des der­viches en extase chan­tant leur amour du monde.

Jeu­di 27.03

La fatigue s’ac­cu­mule. Je me suis levé mais je ne sais pas pour­quoi vu l’é­tat dans lequel je suis. Fini La pous­sière du monde, j’ai enta­mé Mal­ta Hani­na de Daniel Ron­deau. 2013 aura été l’an­née de Ron­deau et de Deville pour moi. Mal­heu­reu­se­ment, de trop courtes biblio­gra­phies vont me pous­ser à por­ter mon désir sur d’autres auteurs.
J’a­vance dou­ce­ment, tou­jours un peu timo­ré, mais j’avance.

Ven­dre­di 28.03

Je ter­mine la semaine épui­sé, à peine lucide. Quelque chose me dérange et me m’empêche d’être serein. Cette jour­née n’é­tait pas la jour­née rêvée.
Aucune image cette semaine.