Baie de Kekova, Lycie
Turquie, août 2012
Parmi les références qu’il fait avoir fait l’effort de lire, je pense sincèrement que Fernand Braudel fait partie de ceux qui ont le mieux dit l’Histoire, car il a toujours regardé l’Histoire des Hommes par une lorgnette absolument horizontale, ne se contentant pas de s’attacher à l’événement. Il va chercher l’histoire là où elle n’est pas, là où elle se cache, là où elle ne compte pas se dévoiler ; dans la climatologie, dans l’histoire des techniques, des apprentissages humains et par ce biais, il arrive à refonder une histoire qui devient tout à coup cohérente. J’ai lu cet été Les Mémoires de la Méditerranée (préhistoire et antiquité) — avec un peu d’ironie puisque je l’ai commencé en Bretagne au bord de la Manche et que je l’ai terminé en plein Golfe de Thaïlande — et j’en suis ressorti ébloui. En quelques lignes, il brosse l’histoire de la Méditerranée, de ses jeux de conflits, de ses constructions, de ses espoirs de civilisation et des chutes des grandes civilisations qui ont fait l’histoire de l’Europe méditerranéenne avec une clairvoyance incroyable et trace des lignes ouvrant au maximum le spectre des connaissances qui peuvent s’accumuler sur le sujet.
Mais avant tout, pour comprendre cette Méditerranée nourricière, multi-séculaire, il faut d’abord et avant tout voir la mer, en devenir l’esclave mental et le serviteur inconditionnel.
Sur l’immense passé de la Méditerranée, le plus beau des témoignages est celui de la mer elle-même. Il faut le dire, le redire. Il faut la voir, la revoir. Bien sûr, elle n’explique pas tout, à elle seule, d’un passé compliqué, construit par les hommes avec plus ou moins de logique, de caprice ou d’aberrance. Mais elle resitue patiemment les expériences du passé, leur redonne les prémices de la vie, les place sous un ciel, dans un paysage que nous pouvons voir de nos propres yeux, analogues à ceux de jadis. Un moment d’attention ou d’illusion : tout semble revivre.
A l’origine prévu pour constituer le premier tome d’une série historique sur le passé de la Méditerranée édité par Albert Skira, on en ressort fasciné par tant de clarté et d’exaltation, malgré quelques imprécisions nées de l’avancement des techniques de datation qui ont été remises à jour par ses successeurs dans un souci non de remise en cause, mais de clarification.
Fernand Braudel : Les Mémoires de la Méditerranée (préhistoire et antiquité)
Livre de poche, collection Références
Éditions de Fallois, 1998
Clarté et limpidité de l’explication de la démarche de Braudel, impeccable de justesse Romuald. On sent que vous avez vraiment lu, compris, et même communiqué avec l’esprit de ce très grand monsieur. merci pour ce partage très beau sur mare nostrum. La citation que vous avez choisi m’ évoqué Pablo Neruda qui a écrit”: j’ai besoin de l’océan car il m’enseigne” …ou quelque chose d’approchant, peut être j’aime l’océan car il m’enseigne, je dois vérifier. Et sans surprise, ce texte me donne terriblement envie de lire cet ouvrage de Braudel, jai étudié d’autres textes de lui, mais celui ci non, vite il me le faut 🙂 merci.
C’est une grande épopée de laquelle on ressort transi, mouillé et salé, comme après un bon bain méditerranéen…