La fin de l’année est propice aux bilans. Bilan comptable, bilan de santé, bilan personnel… Généralement, on y dit ce qui retenu notre attention, ce qui nous a plu, ce qui nous a choqué, les bonnes choses qui sont arrivées ou les déboires, on regarde derrière soi pour faire en sorte de mieux voir ce qu’il y a devant. Cette année, je n’ai pas grand chose à dire parce que 2009 ne m’a pas plus intéressé que ça, je veux dire que je n’ai pas spécialement fait mon possible pour aller vers le monde, l’actualité n’a pas vraiment retenu mon attention, si ce n’est les événements qui se sont déroulés en Iran, qu’on aurait pu prendre pour une révolution, mais qui n’en fut pas une, et puis les faillites des banques, mais une fois de plus tout ceci est loin de nous, ce sont des événements qu’on a tenté de nous faire passer comme étant en prise directe avec notre quotidien ; ce n’était qu’un mensonge de plus.
Rien de passionnant cette année, à part peut-être… Mes lectures…
Photo © Patrick Gage
Cette année fut pour moi une année de diversité, de métissages culturels même si je suis resté fidèle aux incontournables, ce fut également une année où je me suis quelque peu tourné vers la BD. Ce fut une année où j’ai pas mal lu, pas mal découvert, pas mal pris de risques aussi, mais ce fut une année, où je ne me suis pas pressé et où j’ai pris le temps de me laisser happer par ce que je lisais.
J’ai commencé l’année en prolongeant des lectures qui me font du bien, des lectures du froid, Karen Blixen, Jørn Riel, Sjón et August Strindberg que j’ai beaucoup aimé. En fait, en regardant de loin, je me rends compte que mes lectures n’avaient rien de joyeuses en ce début de 2009, Harrison, Salter, Noteboom, Tabucchi… pas que des joyeux lurons, avec une préférence pour le côté sombre et désespéré de Salter et les histoires exotiques de Noteboom..
J’ai également lu quelques classiques auxquels je tenais. Conrad, Au coeur des ténèbres et Steinbeck — pas le plus connu — avec Les naufragés de l’autocar, un livre dans lequel de vives tensions sexuelles entrent en jeu, Rainer-Maria Rilke avec ses Lettres à une jeune poète et Pierre Loti avec Pêcheurs d’Islande que je n’avais encore jamais lu. Un des grands moments de lecture fut la lecture ininterrompue de La physique des catastrophes de Marisha Pessl. Je crois qu’en fait, les Américains savent encore faire — et on se rend compte que même la jeune génération puisqu’elle n’a que 32 ans ! — ce que nous autres Européens ne savons plus faire ; écrire de grandes fresques impressionnantes, de grands romans universels. Pessl dans la lignée de William T. Vollman ou de Don DeLillo.
Certains de ceux que j’ai lu ne me laisseront pas de souvenirs impérissables, à peine une sensation agréable ; Martin Amis — même pas fini —, Milena Agus — un peu mais pas beaucoup —, A.L. Kennedy — sans saveur aucune —, Michael Chabon — du bout des lèvres. Je n’y reviendrai pas.
Un grand moment toutefois m’a été apporté par un petit jeune, un livre que m’a offert Fabienne, Fake de Giulio Minghini. Un livre honteux sur le cynisme et la solitude des temps modernes, un moment jouissif annoncé par la quatrième de couv’ la plus laconique de l’histoire de l’univers : “on n’est quand même pas là pour rigoler”…
Mes classiques à moi de cette année : Raymond Depardon, Rudyard Kipling, Nicolas Bouvier et parmi les écrivains voyageurs, j’ai fait la découverte d’un grand bonhomme qui m’a littéralement fait du bien à un moment où j’en avais un peu besoin, c’est Olivier Germain-Thomas avec son Bénarès-Tokyo, un livre que je recommande aux amoureux, aux voyageurs, et aux amoureux du voyage.
Dans la seconde partie de l’année, j’ai lu quelques bandes dessinées. Hugo Pratt, Jirō Taniguchi et Shigeru Mizuki, ainsi que l’Américain Dash Shaw et surtout Marjane Satrapi avec Persepolis. Entre manga et Corto Maltese, ce furent des moments de bien-être, sans contrainte, et de belles découvertes. Mais ce fut avant tout un semestre d’introspection, accompagné de Norman Mailer et son Bivouac sur la lune, de Jean-Philippe Toussaint (encore une belle découverte initiée par Fabienne), de James Frey (encore une de ces histoires universelles) et de Robert Walser, l’homme qui mourut dans la neige.
Enfin, la découverte des écrits les moins connus de Roland Barthes m’ont plaqué à terre. J’ai découvert avec lui le sens du terme «acédie» auquel pendant quelques jours j’ai eu l’impression d’être indéfectiblement attaché. Ces deux livres (Incidents et Journal de deuil) m’ont fait très mal, de vrais crève-cœur.
Pour voir l’intégralité de mes lectures de 2009, c’est sur cette page.
Bien évidemment, j’ai déjà des projets pour 2010 qui sera résolument l’année des grands et beaux et gros et superbes livres. Et surtout, des longs livres, ceux qu’on met plusieurs mois à dévorer. Des vrais bons os pour le chien que je suis. Je suis en train de me constituer mon année de lecture, cette bibliothèque idéale que j’ai prévu de construire avec des images et des dessins, et déjà, j’ai constitué ma pile de livres pour les mois à venir.
De bas en haut:
- Collected stories de Rudyard Kipling, offert par Fabienne, un livre plein d’histoires et tout en anglais (pas un seul mot de français).
- Cahiers secrets de la Vè République, tome 1, de Michèle Cotta. J’aime beaucoup cette femme pour tout ce qu’elle représente et la place qu’elle a dans mon histoire personnelle, et j’ai même eu la chance un jour de lui parler au téléphone, sur un malentendu.
- Œuvres de Nicolas Bouvier, l’intégralité de ses écrits. Il m’en reste encore à lire, mais j’y vais doucement. Après il n ‘y aura plus rien.
- Notes de chevet, de Dame Sei Shonagon, un livre ancien et précieux révélé par Alberto Manguel dans son journal d’un lecteur, livre de listes de choses agréables et désagréables.
- L’Inde sans les Anglais de Pierre Loti que j’ai découvert en lisant cet été le livre le goût des villes de l’Inde.
- Oeuvres complètes de Robert Louis Stevenson, tome 1, un beau Pléiade. Si j’ai fini celui-ci, il me restera toujours le tome 2.
- Sagas Islandaises, un autre beau Pléiade tout frais sorti de la hotte du Père Noël.
- Chasseurs d’épices de Daniel Vaxelaire, un livre que je n’ai jamais fini de lire, commencé il y a quelques années et qui reste pour moi attaché à la période de Noël.
- Stèles, de Victor Segalen, une des rares concessions faites à l’achat d’un “Livre de Poche Moche”.
- Voyage autour du monde de Bougainville. Un grand livre pour tous les voyageurs et les amoureux de la mer.
- Un diamant gros comme le Ritz de Francis Scott Fitzgerald. J’ai simplement envie de le lire parce que c’est un gros livre.
- Central Europe, un énorme livre du très bon et très prolifique William T. Vollmann.
- Du côté de chez Swann, de Marcel Proust, que j’aimerais bien enfin lire en entier après 3 tentatives avortées.
- Les noms de Don DeLillo. La lecture de Cosmopolis m’a donné envie de connaître un peu mieux cet auteur qu’on présente comme un des plus grands storyteller du monde moderne.
- Ombres sur l’Hudson du très lumineux Isaac Bashevis Singer. Pour moi, Singer fait partie des Hommes de Très Haute Stature, comme Anthony Burgess.
- Le cœur du Mid-Lothian, de Walter Scott, un livre acheté depuis longtemps qui mérite d’être un jour lu, une grande épopée sur l”histoire de l’Ecosse et de la grande prison d’Edimburgh.
- Une histoire de la lecture et la bibliothèque la nuit d’Alberto Manguel. Cet auteur Canadien d’origine Argentine fait partie des grands amoureux des livres et sait communiquer sa passion.
- Les derniers rois de Thulé de Jean Malaurie, le grand manifeste pour la prise de conscience de la disparition des peuples inuits.
- 3 livres achetés après Noël, histoire de me renflouer: Le manuscrit perdu de Jonah Boyd, de David Leavitt, La Mer de la Tranquillité de Sylvain Trudel, La septième rencontre de Herbjørg Wassmo.
- Les grandes vies de Stefan Zweig. Quatre biographies par un des plus importants auteurs du XXè siècle, encore emballé dans son cellophane d’origine.
- Oblomov de Ivan Gontcharov, que j’aimerais bien trouver avant de lire.
- Ainsi que la France Médiévale de Jean Favier, dès lors que je l’aurais retrouvé.
- Et puis j’aimerais cette année relire tout les racontars de Jørn Riel, une fois aussi que je les aurais tous retrouvés.
- Ah, et puis je me suis acheté aussi La pensée sauvage et Anthropologie Structurale de Claude Lévi-Strauss, j’aimerais bien enfin les lire.
- Et puis et puis et puis je n’en ai jamais assez…
Pour finir 2009, Journal du petit matin des derniers jours de deux mille neuf…
Tags de cet article: lecture, littérature
bon si je veux te faire découvrir un auteur cette année, va y avoir de la grosse concurrence…
des écrivains voyageurs, des bourlingueurs, des écrivains du Froid: tu restes assez fidèles à tes amours 🙂
Le cœur du Mid-Lothian — voilà un titre qui fait déjà rêver !
Ouais, attation, y’a du lourd là.
« J’explore ma bibliothèque à la façon d’un homme qui retrouverait son pays natal après une absence de plusieurs dizaines d’années. À chaque retour de mes tournées d’auteur, il me faut en retracer la géographie complète, rétablir des chemins de rayon en rayon, me rappeler des titres auxquels je n’ai pas pensé depuis des semaines. »
Alberto Manguel Journal d’un lecteur
Éditions Actes Sud, traduit de l’anglais par Christine Le Bœuf.
Que cette nouvelle année soit l’occasion de découvrir de nouveaux auteurs, celui que j’ai découvert cette année peut passer pour une gageure puisqu’il s’agit de Stevenson dont j’ai enfin réussi à me procurer l’intégrale en poche des nouvelles Mille et une Nuits et à caler dans mon sac de voyage.
Belle année 2010 mon cher romuald.
Étonnamment, je me souviens de ces lignes de Manguel. Les nouvelles Mille et une Nuits de Stevenson sont merveilleuses, je n’ai pas tout lu, mais c’est un vrai plaisir, très bon choix.
Très belle année aussi Mohamed, très belle…
roh j’ai aussi l’intégrale nicolas bouvier ; chez moi, ce livre est sur le dessus de la pile…
j’ai aussi “la famille royale” de WT Vollmann, mais j’arrive pas à terminer, c’est trop.
quand est-ce qu’on pourra emprunter des bouquins dans ta bib’iothèque Romuald ?
Très bientôt, tu n’as pas idée dans quel bientôt on est 🙂
Vollmann est également l’auteur d’une encyclopédie de la violence, un pavé http://www.telerama.fr/livre/reflexions-sur-la-violence-par-william-t-vollmann,46859.php
encyclopédie de la violence : ah je vais aller voir comment qu’on fait…
Ah Les noms Don Delillo, je l’ai lu 3 fois, veux le relire à Athènes et dans une île paumée, un livre étrange, troublant, avec de superbes atmosphères, le MEILLEUR Roman de DD pour moi. un auteur qui me fascine, mais inégal dans sa production. l’avez vous lu? Les noms? Je me promène avec bonheur dans vos lectures, poussant ici des cris de ravissement, et là des “il faut que je note, où est mon carnet? le stylo?”. Sans complaisance aucune, je trouve que vous écrivez mieux (beaucoup mieux) que Kenneth White dans ses carnets de voyages, (en revanche j’avoue que son essai L’esprit nomade waw!) Vous écrivez mieux que beaucoup d’écrivains voyageurs et amoureux d’art, j’espère vous trouver un jour en libraire. mais c’est égoiste de ma part. Le plus important c’est d’écrire pas d’être publié. et avant même l’écriture, vivre des choses qui méritent des mots. Bravo à vous pour la générosité, le partage de l’amour du beau, du décalé, de l’inattendu…Je remercie le hasard et les fils de la toile qui m’ont conduit au perroquet suédois. Me sens moins seule dans mes errances, ma faim inextinguible de lecture, mes arrêts étranges (aux yeux des autres) devant un détail, ma passion pour les lieux de transits, le fait d’être complète quand il me manque tout, ou celui de ne jamais me sentir autant moi-même que quand je suis ailleurs.
Bonjour Yasmina. Eh bien non, je n’ai pas lu Les Noms de DeLillo. Souvent, je passe à côté de mes promesses et je ne les tiens pas. Mais j’ai lu Cosmopolis, que je tiens pour un grand livre, très mal servi par un mauvais film éponyme. Prenez votre temps pour garder cette liste près de vous, elle ne bougera pas, faites l’économie de pages de papiers pour y noter d’autres choses. Mon blog et moi, nous ne bougeons pas d’ici.
Merci pour tous ces compliments que je prends comme une bénédiction. On m’a souvent dit que je devrais écrire sous une autre forme, mais sans véritablement y croire, croire en moi. De plus en plus et au fur et à mesure du temps, je ne prends pas tellement plus confiance en moi, mais on me porte à décoller. Alors oui, Yasmina, un jour je décollerai peut-être, si je ne me montre pas trop fainéant.
Je retiens comme des pépites ces mots “le fait d’être complète quand il me manque tout, ou celui de ne jamais me sentir autant moi-même que quand je suis ailleurs.” C’est quelque chose qui résonne fort en moi également…
Bonjour Romuald, j’ai lu Cosmopolis, et je suis du même avis que vous, c’est un grand livre, fascinant, dense et même génial par moments. Les Noms, c’est totalement autre chose, découvrir une autre facette de l’auteur qui se réinvente, ou qui est tellement grand qu’il peut tout faire. Les noms me hante encore. en plus le voyage, l’errance y sont au coeur de la trame, son sujet même. J’espère que vous trouverez le temps de le lire. Il est assez court. En revanche, Americana n’a ni queue ni tête, décevant (mais c’était son premier roman et il ressemble beaucoup à ceux de bret easton elllis, pas american psycho, les suivants). Bruit de fond moyen, l’ange esmeralda est intéressant, Outremonde pas mal sans être le chef d’oeuvre que la critique américaine a décidé qu’il était. J’en ai lu deux autres il me semble. Mais Les Noms et Cosmopolis sont les meilleurs pour moi. Vous allez adorez Les Noms, sans rien dévoiler, l’épisode de l’église cachée en Turquie que vous avez vécu est en lien très fort avec le récit de Delillo dans les noms. Encore mille merci pour le partage de votre très belle liste de lecture.
Pour le coup, vous excitez ma curiosité avec mon histoire d’église cachée…