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Car­net de voyage en Tur­quie : L’é­glise cachée (Saklı Kilise), la val­lée de Pan­carlık et le rama­dan à İstanbul

Car­net de voyage en Tur­quie : L’é­glise cachée (Saklı Kilise), la val­lée de Pan­carlık et le rama­dan à İstanbul

Épi­sode pré­cé­dent : Car­net de voyage en Tur­quie : Les val­lées aux églises de Çavuşin et la route des thermes de Bayramhacı

Bul­le­tin météo de la jour­née (ven­dre­di 17 août 2012) :

Sta­tion de Nevşehir

10h00 : 23°C / humi­di­té : 48% / vent 7 km/h
14h00 : 28°C / humi­di­té : 18% / vent 6 km/h
22h00 : 21°C / humi­di­té : 31% / vent 20 km/h

Sta­tion d’İstanbul

10h00 : 28°C / humi­di­té : 55% / vent 15 km/h
14h00 : 31°C / humi­di­té : 28% / vent 22 km/h
22h00 : 30°C / humi­di­té : 55% / vent 19 km/h

Je suis levé très tôt, en même temps que le soleil, peut-être même avant. La fatigue n’a plus de prise sur moi ; je me sens incroya­ble­ment léger, déga­gé de toute contrainte, presque incons­cient du monde envi­ron­nant. Dans cette chambre immense où j’ai la sen­sa­tion d’a­voir fina­le­ment pas­sé trop peu de temps, je com­mence à ras­sem­bler mes quelques affaires. Mais étran­ge­ment, j’ai la bou­geotte et comme il est encore trop tôt pour aller déjeu­ner, je m’as­sieds sur le rebord de la fenêtre pour regar­der les bal­lons per­cer le ciel frais du matin. Il est encore tôt… mais je chausse mes chaus­sures et je m’ha­bille som­mai­re­ment, je prends les clefs de la voi­ture et je sors de la chambre presque comme un voleur, pas­sant devant le type avec un petit geste de la main et l’air satis­fait du sale gamin qui va faire une conne­rie. Pour une conne­rie, c’est une sacrée conne­rie. Je file à toute vitesse vers Göreme sur la route pous­sié­reuse ; la voi­ture fait de dan­ge­reuses embar­dées dans les virages, me rap­pe­lant tout à coup que mon tacot a les pneus lisses. Je prends la direc­tion du musée en plein air et je rejoins un pan­neau qui m’in­trigue pour être pas­sé plu­sieurs fois devant. Le pan­neau jaune indique Saklı Kilise, ce qui signi­fie « église cachée ». En me ren­sei­gnant un peu sur le guide, j’ap­prends que cette église porte ce nom car un ébou­le­ment en avait caché l’en­trée pen­dant plu­sieurs siècles, au-des­sus de la val­lée de Zemi qui rejoint la val­lée des pigeon­niers. Elle n’a été mise au jour qu’en 1957, révé­lant des fresques peintes direc­te­ment sur le roc, excep­tion­nel­le­ment conser­vées du fait de leur iso­le­ment du monde exté­rieur et c’est cette église-là que je sou­haite voir avant de quit­ter la Cappadoce.

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 001 - Üçhisar

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 004 - Üçhisar

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 013 - Göreme

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 018 - Göreme

La ville dort encore, il n’est que 7h00 et tout semble se réveiller dou­ce­ment. Le soleil est déjà chaud, mais je sup­porte bien un petit pull qui me rap­pelle qu’on est quand-même dans les mon­tagnes. Au point le plus bas d’Ü­ç­hi­sar, on est déjà à près de 1300 mètres au-des­sus du niveau de la mer. Je m’en­gage sur le sen­tier qui emprunte un che­min der­rière une ancienne église recon­ver­tie en écu­ries ; le che­min monte sacré­ment et passe sur une crête un peu escar­pée. D’i­ci je peux voir toute la val­lée qui s’é­tend devant moi. Le coin est truf­fé d’é­glises dans la roche, mais je n’ai pas de carte suf­fi­sam­ment détaillée et exhaus­tive pour ima­gi­ner les visi­ter toutes un jour. Je m’en­gage sur le pla­teau de tuf où l’on trouve des champs culti­vés, des abri­co­tiers en nombre. Le soleil du matin rase ce pay­sage dont la blan­cheur écla­tante est à la fois un sup­plice et un régal pour les yeux. Mon che­min s’é­tend sur quelques dizaines de mètres, mais alors que je m’at­tends à tom­ber sur une indi­ca­tion, sur un pan­neau qui pour­rait m’ai­der, rien ne me laisse pré­sa­ger qu’il existe ici une église, et je me laisse fina­le­ment à croire que le mot « église cachée » ne soit fina­le­ment qu’un calem­bour indi­quant qu’elle est tel­le­ment bien cachée qu’on ne peut la trou­ver. Je finis par des­cendre dans la val­lée par un che­min hasar­deux et tente de repé­rer les lieux depuis le contre­bas mais je ne vois rien d’autre que des vignes, du tuf bien lisse et bien glis­sant. Il est pour­tant dit sur le guide que quelques mètres sur le pla­teau donnent accès à une volée de marches abruptes qui des­cendent à l’é­glise mais je ne vois rien et ça com­mence à m’é­ner­ver. Je décide alors de remon­ter sur le pla­teau par un che­min dans un gou­let d’é­tran­gle­ment en pas­sant mes pieds dans les creux entre les cônes de tuf. J’ar­rive à me débrouiller plu­tôt bien jusque là, jus­qu’à ce que je me retrouve avec le pied bien coin­cé dans la roche. Et là, je com­mence à avoir peur. Je suis tout seul, per­sonne ne sait que je suis là… Au mieux on retrou­ve­ra la voi­ture dans quelques jours et on se pose­ra la ques­tion… Je n’ar­rive plus à mon­ter et sous mes pieds il y a cinq bons mètres de vide, je ne peux pas me retour­ner et oser espé­rer sau­ter sans me cas­ser quelque chose, mais de toute façon, ma chaus­sure est tel­le­ment bien encas­trée que je ne peux pas bou­ger. Je com­mence à fati­guer, à m’es­souf­fler et pour ne rien cacher, je com­mence à avoir fran­che­ment peur. Je com­mence à rire ner­veu­se­ment en me disant que je suis un peu incons­cient par­fois, mais j’es­saie de gar­der la tête froide et je com­mence à réflé­chir pour me sor­tir de là. Et là, j’ai comme un coup de génie ; je dénoue mon lacet et arrive à reti­rer ma chaus­sure de mon pied endo­lo­ri, que j’ar­rive fina­le­ment à poser plus bas. Après avoir récu­pé­ré la chaus­sure, je redes­cends tout dou­ce­ment pour ne pas tom­ber et j’ar­rive fina­le­ment en contre­bas. Après ce gros coup de trouille, je finis par remon­ter par où je suis des­cen­du. Je dois me rendre à la réa­li­té, je n’ar­ri­ve­rai pas à trou­ver l’é­glise cachée et quit­ter la Cap­pa­doce sur cet échec me rend un peu amer.
Fina­le­ment, c’est quand je reviens sur mes pas que je vois sur le bord du pré­ci­pice une volée de marches taillées dans le roc et qui des­cendent vers une exca­va­tion. Je n’en crois pas mes yeux, je suis pas­sé devant peut-être trois ou quatre fois sans voir les marches. Voi­ci une église qui mérite bien son nom. Évi­dem­ment, elle est fer­mée, comme sou­vent appa­rem­ment, mais ce que j’ar­rive à en voir me per­met d’i­den­ti­fier les dif­fé­rentes scènes avec ma lampe torche (usten­sile fina­le­ment indis­pen­sable en Cap­pa­doce) : la Dei­sis, l’An­non­cia­tion, la Nati­vi­té, la Pré­sen­ta­tion de Jésus au temple, le Bap­tême, la Trans­fi­gu­ra­tion, la Cru­ci­fixion du Christ, La Dor­mi­tion de Marie et quelques saints. Les cou­leurs sont encore vives et la pein­ture pas trop abi­mée. J’au­rais fina­le­ment trou­vé cette belle église cachée et je reviens à l’hô­tel fier de moi, même si j’ai presque failli ne pas en reve­nir vivant…

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 021 - Göreme - Saklı Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 025 - Göreme - Saklı Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 028 - Göreme - Saklı Kilise

Je suis accom­pa­gné jus­qu’à la voi­ture par des nuées de mous­tiques qui viennent de se réveiller et me dévorent les jambes. C’est mon der­nier jour ici, je reprends l’a­vion dans la soi­rée pour Istan­bul, mais j’ai le cœur gros et je n’ai pas vrai­ment envie de par­tir d’i­ci. C’est sans pré­ci­pi­ta­tion que je me douche et que je finis de bou­cler ma valise avant de des­cendre déjeu­ner sur la ter­rasse, une der­nière fois. Le lieu est si magique que je sais qu’il y aura quoi qu’il en soit une deuxième fois.

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 035 - Paşabağ Vadisi

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 041 - Paşabağ Vadisi

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 043 - Paşabağ Vadisi

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 046 - Paşabağ Vadisi

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 048 - Paşabağ Vadisi

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 054 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 055 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 058 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 062 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 065 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 069 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 071 - Aktepe-Ürgüp Yolu

Une fois le ventre plein, je laisse mes valises à l’ac­cueil après avoir conve­nu d’un accord tout à fait inté­res­sant avec Abdul­lah par l’in­ter­mé­diaire de l’an­glais rudi­men­taire de Fatoş. En fin de jour­née, je ramène la voi­ture — que je paie dans le prix de la chambre — et je pars avec et le pro­prié­taire jus­qu’à l’aé­ro­port de Nevşe­hir qui me dépose là-bas. Seule contre­par­tie, je paie le plein d’es­sence arri­vé près de l’aé­ro­port. C’est plus qu’­hon­nête. Nous nous ser­rons la main et je repars sur les routes, pro­fi­ter un der­nier ins­tant des pay­sages. Je me dirige vers la val­lée de Devrent et je m’ar­rête à un endroit que m’a­vait chau­de­ment recom­man­dé Adbul­lah : Paşa­bağ (le jar­din du Pacha). Plu­tôt qu’un jar­din, c’est un immense champ de che­mi­nées de fée où tous les Turcs des envi­rons semblent s’être don­nés ren­dez-vous en famille. Cer­taines anciennes cel­lules des moines sont acces­sibles par la roche, mais sont lit­té­ra­le­ment enva­his de petits enfants Turcs un peu bruyants et désor­don­nés. Un superbe ter­rain de jeu pour eux, mais je n’ar­rive pas vrai­ment à goû­ter l’en­droit, que je trouve sans charme. Il y a, paraît-il, une église, que je n’ai pas vue, mais pour tout dire je ne m’é­ter­nise pas ici. A part quelques poly­chro­mies, une val­lée soli­taire et la pré­sence d’un énorme lézard à la peau lar­dée de piquants, je ne retiens pas grand-chose de l’en­droit. Je file et m’ar­rête sur un pla­teau d’où je peux voir la Cap­pa­doce à 360° ; d’un côté, le pla­teau de Çavuşin avec ses jolies val­lées, de l’autre la plaine qui s’é­tend jus­qu’à Orta­hi­sar et Ürgüp. C’est une terre acci­den­tée, tein­tée de rouges là où poussent les vignes qui servent aux vins (répu­tés) d’Ürgüp, de jaune souffre là où la caillasse effleure, de roses là où sortent de terre les cônes de tuf, de blancs lorsque la terre est rin­cée par les pluies et la neige de l’hi­ver, de verts pâles là où poussent des touffes dis­pa­rates et des buis­sons ché­tifs, par­fois dans la terre aus­si qui arbore ces étranges teintes qu’on trouve incroyables en ces lieux…

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 072 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 073 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 075 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 077 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 081 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 085 - Pancarlık Kilise

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 089 - Pancarlık Vadisi

Je reprends la voi­ture pour aller voir la fameuse Pan­carlık Kili­se­si que j’ai failli voir il y a trois jours si je n’é­tais pas arri­vé aus­si tard… Je passe par la route qui part d’Or­ta­hi­sar ; c’est une vieille route cabos­sée, étroite et pous­sié­reuse, pleine de trous. Je déplace des tonnes de pous­sière et de sable qui ne me font pas pas­ser inaper­çu sur cette route iso­lée. Rien de tel pour signa­ler sa pré­sence. Je pense aus­si que je finis de rui­ner la voi­ture qui va en prendre un sacré coup dans les amortisseurs.
Cette fois-ci, c’est ouvert, mais le type qui garde l’é­glise n’est vrai­ment pas débor­dé, à tel point qu’il dort, en toute sim­pli­ci­té. Je suis obli­gé de tous­ser, ce qui ne le réveille pas. Je lâche fina­le­ment un petit éclat de rire qui le bous­cule ; il se met debout comme si de rien n’é­tait et d’un sou­rire franc sous sa belle mous­tache poivre et sel, il me demande les 4TL de droits d’en­trée — dört lira. L’é­glise est toute simple, avec une domi­nante de cou­leurs vertes et ocres. La marche de l’au­tel est sculp­tée en onde, ce qui est extrê­me­ment rare et qui sym­bo­lise cer­tai­ne­ment l’eau du bap­tême, et le chœur est une demi-cou­pole où est peint un Christ en majes­té, ain­si que le tétra­morphe et des séra­phins. Les saints repré­sen­tés le sont sous forme de bandes historiées.
Des ouver­tures creu­sées dans la pierre laissent pas­ser un petit cou­rant d’air agréable, tan­dis que deux hommes sont vau­trés sur les tapis à l’en­trée de l’é­glise, pre­nant un thé qui a dû refroi­dir depuis long­temps. Je pro­fite de ces der­niers ins­tants, car je sais que je ne revien­drai pas tout de suite ; alors j’im­prime dans mes sou­ve­nirs les cou­leurs et les formes de ce pay­sage dans lequel je me sens comme en ter­rain connu, les odeurs de tabac et d’eau de rose, d’herbes cuites par le soleil et de terre crayeuse, les chants des muez­zin de la région qui sont comme des can­tiques anciens dont la mélo­pée se retient comme une chan­son entêtante.

Retour à Göreme pour déjeu­ner en plein milieu d’a­près-midi, au Mac­can Café, sur le grand place près de la gare rou­tière. J’y déjeune d’une coban sala­ta faite à la com­mande et d’un mene­mem bien rele­vé avec un ayran pour éteindre le feu. Il est temps de par­tir ; je retourne à l’hô­tel où attend le chauf­feur. Ma valise attend sage­ment dans un coin et je sens déjà que quit­ter cet hôtel va être un vrai déchi­re­ment. C’est la pre­mière fois de ma vie que je pars un mois loin de chez moi, dans un pays étran­ger qui plus est, et ma déchi­rure se mesure à l’im­pré­gna­tion de mon âme par ces terres étranges, empreintes de mys­ti­cisme et de reli­gion aux contours un peu flous, d’his­toire grecque rele­vée à la sauce otto­mane, tein­tée de la dou­leur des dépla­ce­ments de popu­la­tions et d’une his­toire récente pas tou­jours très drôle. Abdul­lah est là, ain­si que Fatoş. Bukem est absente aujourd’­hui. Les adieux me déchirent le ventre, sur­tout lorsque je sais que ce n’est pas sim­ple­ment une rela­tion com­mer­ciale, et que der­rière ce qu’on voit, des gens qui se plient en quatre pour leurs clients, ce n’est pas une vaine obsé­quio­si­té, mais quelque chose qu’on a, me semble-t-il par chez nous, défi­ni­ti­ve­ment per­du et dont le nom lui-même res­semble à une vaste blague au par­fum sur­an­né de naph­ta­line ; l’hospitalité. Tout a été fait pour me faci­li­ter la vie, et cela, sans sur­coût. Je me rap­pelle encore ces moments où en plein milieu de la nuit Abdul­lah me deman­dait de patien­ter un peu pour me pré­pa­rer des tranches de pas­tèque alors que la fatigue m’é­trillait ou lors­qu’il par­ta­geait avec moi ses noi­settes (fındık) et ses abri­cots (kayısı) avant que je ne parte pas­ser la jour­née dans la pous­sière. Il était hors de ques­tion que je sorte de son hôtel sans avoir pris une petite bou­teille d’eau dont le meuble à l’en­trée regor­geait. Ce n’est presque rien, mais c’est une rela­tion ins­tau­rée qui ne souffre pas le refus, et dont j’ai vu sur place peu de Fran­çais se saisir…

Je monte à côté du chauf­feur, ma valise dans le coffre, et après avoir embras­sé Abdul­lah qui m’en­toure lit­té­ra­le­ment dans ses bras puis­sants, mon nez four­ré dans le tis­su de sa che­mise qui sent l’eau de rose, après avoir ser­ré la main à Fatoş (oui, on n’embrasse pas les femmes comme ça…) et à un autre type qui était là mais dont je ne savais rien, je leur fais signe par la fenêtre. Abdul­lah se sai­sit d’une petite jarre rem­plie d’eau qu’il jette d’un mou­ve­ment de la main vers la voi­ture… il me dit que c’est une tra­di­tion pour sou­hai­ter bonne route. Je trouve l’at­ten­tion ter­ri­ble­ment char­mante et ma gorge se serre.

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 092 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 093 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 095 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 097 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 098 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 099 - Nevşehir Kapadokya Havalimanı

La voi­ture file vers Nevşe­hir que nous tra­ver­sons à toute vitesse, les rues sont désertes et le soleil com­mence à décroître. Après avoir dépas­sé la ville, le chauf­feur qui ne parle ni fran­çais ni anglais m’in­dique la rivière qui file le long de la route et me dit « Kızılır­mak »…
Le fleuve rouge conti­nue donc de m’ac­com­pa­gner jus­qu’à l’aé­ro­port. Nous dépas­sons Gülşe­hir, l’aé­ro­port se trouve à la sor­tie de la ville, au milieu de rien. Ce n’est qu’un bâti­ment tout en lon­gueur où l’on ne sent pas une grosse acti­vi­té. Der­nier sur­saut avant de pas­ser les contrôles, je passe aux toi­lettes avec un petit sachet en plas­tique dans lequel j’a­vais récol­té de la terre rouge de Cap­pa­doce. Sor­tir des élé­ments miné­raux, natu­rels ou vivants de Tur­quie est pas­sible de pri­son, alors plu­tôt que de prendre des risques inutiles, je pré­fère me déles­ter de cette poudre dans les entrailles de la terre avant de prendre l’avion.

Après les contrôles, je patiente dans une grande salle vitrée don­nant sur la piste et der­rière, de courtes mon­tagnes éro­dées. L’embarquement est annon­cé. Je me rends compte que l’aé­ro­port de Nevşe­hir (Nevşe­hir Kapa­do­kya Havaa­lanı) ne pro­pose des vols que pour Istan­bul, deux fois par jour avec Tur­kish Air­lines. C’est vrai­ment le strict mini­mum, bien loin du gros aéro­port de Kay­se­ri. Une fois le vol par­ti, je pense que tout fer­me­ra jus­qu’au len­de­main midi. L’a­vion se poste devant les portes qui donnent direc­te­ment sur le tar­mac et lorsque les portes s’ouvrent, on nous invite à nous diri­ger vers l’a­vion à pied. C’est la pre­mière fois que je marche sur un tar­mac et ce sera loin d’être la der­nière. Le soleil se couche sur la piste dans une atmo­sphère irréelle de fin du monde comme on aime­rait en vivre tous les soirs, le vent char­riant une odeur salée d’herbes riches. Avant de m’en­gouf­frer dans l’a­vion, je déguste cet ins­tant tant que per­sonne ne me presse. Le bon­heur ne tient pas à grand-chose. Ce sont ces petits moments de tran­sit qui vous extraient un moment de l’en­crou­te­ment dans lequel on se vautre lors­qu’on prend ses aises dans une ville et qu’on a l’im­pres­sion que le temps s’arrête.

Dans l’a­vion, puisque c’est Rama­dan et que le soleil ne va pas tar­der à se cou­cher, on me pro­pose un pla­teau repas spé­cial rama­dan, une boîte sur laquelle est ins­crit iyi Rama­zan­lar (Bon Rama­dan). Tout le monde a droit de goû­ter à ces petites dou­ceurs, du riz au sésame, des galettes salées et de l’ay­ran. Le bak­la­va finit de me faire fondre. L’a­vion est un A321 qui porte le nom de Saka­rya, une pro­vince à proxi­mi­té d’Izmit.

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 100 - İstanbul'da Ramazan

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 102 - İstanbul'da Ramazan

Turquie - jour 22 - Dernier jour en Cappadoce - 103 - İstanbul'da Ramazan

L’ar­ri­vée à Istan­bul de nuit est magique. Le taxi m’emmène dans le quar­tier de Sul­ta­nah­met mais ne connait pas l’hô­tel Sul­tan Hill. A proxi­mi­té, comme c’est l’u­sage, il demande au pre­mier venu où se trouve l’hô­tel. C’est un petit hôtel der­rière une façade de bois, une grande mai­son otto­mane, dont la par­ti­cu­la­ri­té est de se trou­ver juste der­rière les murs de la Mos­quée Bleue. Après avoir dîné, je monte sur la ter­rasse pour pro­fi­ter de la vue… d’un côté Sul­ta­nah­met Camii, la superbe mos­quée dont le muez­zin a déjà chan­té le der­nier chant du jour, de l’autre la mer de Mar­ma­ra, la pointe du Sérail, le tout dans une lumière bru­meuse et sur­na­tu­relle. Avant d’al­ler me cou­cher, je fais un tour sur l’hip­po­drome, lieu de vie extra­or­di­naire où tout le monde mange dans une ambiance bon enfant, au milieu des cris des enfants, des femmes qui rient et des hommes qui fument sous leurs mous­taches. Istan­bul est une ville qui se laisse prendre au creux de la main. Vivre le rama­dan à Istan­bul dans la cha­leur des soirs brû­lants est une expé­rience qu’on aime­rait pou­voir éti­rer à l’in­fi­ni et je me dis qu’il fau­dra que j’at­tende douze ans pour revivre un mois d’août dans les mêmes condi­tions. Istan­bul en août 2024… Le ren­dez-vous est pris.

La chambre de ce petit hôtel en bois est toute petite mais je m’en­dors sans deman­der mon reste, en son­geant déjà à cette heure tar­dive de la nuit (ou du matin) où le muez­zin de Sul­ta­nah­met me réveille­ra avec son chant.

Voir les 103 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

Etape sui­vante : Car­net de voyage en Tur­quie : Balades poé­tiques et visages stambouliotes

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Car­net de voyage en Tur­quie : Les val­lées aux églises de Çavuşin et la route des thermes de Bayramhacı

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Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 15 août) : La Cap­pa­doce vue des airs et les cités sou­ter­raines de Tat­la­rin et Derinkuyu

Bul­le­tin météo de la jour­née (jeu­di 16 août 2012) :

10h00 : 24°C / humi­di­té : 49% / vent 4 km/h
14h00 : 28°C / humi­di­té : 19% / vent 15 km/h
22h00 : 21°C / humi­di­té : 30% / vent 4 km/h

Il est encore tôt lorsque j’ouvre les yeux. Le calme mati­nal de la Cap­pa­doce m’en­va­hit et creuse en moi un abîme de bon­heur sourd. Ni volets, ni rideaux, mon regard tombe sur les myriades de bal­lons qui enva­hissent la plaine dans la lumière du soleil levant. Un bal­let silen­cieux emplit le ciel rou­geoyant, des dizaines de bulles flot­tant dans un air frais, tan­dis que je reste la tête sur l’o­reiller à admi­rer la suc­ces­sion de pla­teaux de tuf qui s’é­tend à perte de vue sur l’ho­ri­zon. Je me suis endor­mi hier soir sur les pages d’A­min Maa­louf ; ce ne serait pas éton­nant que mes rêves aient vaga­bon­dé aux côtés de Saladin.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 001 - Ballons depuis la chambre

L’hô­tel est inté­gra­le­ment en pierre vol­ca­nique, une pierre à la fois rugueuse et cha­leu­reuse et je ne manque à aucun ins­tant de poser ma main des­sus pour en sen­tir la rugo­si­té. Je me fais cou­ler un bain chaud pour dérouiller mes muscles abi­més par la des­cente de la val­lée, avant de des­cendre déjeuner.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 003 - Çavuşin

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 008 - Çavuşin, la citadelle

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 010 - Çavuşin

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 016 - Çavuşin, le cimetière

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 018 - Çavuşin, le cimetière

Je me rends à Çavuşin, à quelques kilo­mètres seule­ment de la sor­tie de Göreme en pre­nant la route vers Ava­nos, avec la ferme inten­tion de mar­cher dans les grandes val­lées que l’on voit du ciel et dans les­quelles se cachent des petites églises creu­sées à l’é­cart du monde dans le tuf de la mon­tagne. C’est une ran­don­née qui s’en­vi­sage sur la jour­née, sur­tout si l’on veut prendre le temps. Je pen­sais, en ce mois d’août ren­con­trer pas mal de monde mais encore une fois, j’ai l’im­pres­sion d’être seul au monde. Je n’au­rai ren­con­tré dans la Güllü Dere (la val­lée aux roses, le mot dere dési­gnant plus le lit d’un ruis­seau assé­ché qu’une val­lée à pro­pre­ment par­ler) en tout et pour tout qu’un couple d’Al­le­mands avec leur môme dans leur pous­sette (inutile de dire qu’ils ont vite fait demi-tour…) et un couple de Fran­çais avec leur fils avec qui j’ai fait un bout de chemin.
Çavuşin, ça signi­fie pour moi un bourg pai­sible, une grande place avec une épi­ce­rie, des camions et des remorques pein­tur­lu­rés et sur les pare-brises, au-des­sus des poi­gnées de portes des voi­tures, sur les auto­col­lants des pare-soleil, une ins­crip­tion sup­po­sée atti­rer la chance, ici écrite en alpha­bet latin : Bis­mil­la­hir­rah­ma­nir­ra­him. Mais c’est aus­si la cita­delle, avec ses habi­ta­tions tro­glo­dytes, et tout en haut la basi­lique Saint-Jean Bap­tiste, qui a peut-être conte­nu un jour les reliques de l’A­gneau de Dieu… Peut-être… Cette par­tie de la ville était encore habi­tée jus­qu’en 1964, date à laquelle elle a été éva­cuée. En 1975, une grande par­tie de l’é­di­fice s’est effon­drée. Çavuşin c’est aus­si une petite mos­quée où j’ai rare­ment enten­du le muez­zin chan­ter et des petites églises dans la ville, ouvertes aux quatre vents, et des mai­sons grecques en pierre, déco­rées d’or­ne­ments en forme de coquillage ou d’é­toiles. Sur la grande place, lors­qu’on conti­nue le che­min sur la droite, on arrive en bor­dure d’un cime­tière, un très vieux cime­tière où par endroits ne sub­sistent plus que des stèles fichées en pleine terre, sans ins­crip­tions, ron­gées par le vent et la pous­sière, d’autres sont amar­rées sur la pente de la col­line, tour­nées vers La Mecque. Au milieu des tombes musul­manes, des stèles chré­tiennes sur­mon­tées d’une croix, dont une porte un nom pour­tant bien turc : Ali Kara mort en 1952. Ali le noir.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 021 - Çavuşin

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 022 - Çavuşin, le cimetière

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 028 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Cette val­lée porte le nom de Zin­danönü et mène vers les trois val­lées qui sont comme un Graal au terme de ce voyage ; Güllü Dere (la val­lée aux roses), Kızıl Çukur (le fos­sé rouge) et Mes­ken­dir. On y voit d’é­normes mame­lons ren­flés de tuf blanc, des pics, des cou­lées d’oxydes qui ont colo­ré la roche de roses et de verts. Je retourne sur mes pas pour aller cher­cher la voi­ture que j’ai lais­sée dans le centre pour la garer sur un immense par­king vide. Cela me vau­dra de faire une ren­contre sur­pre­nante avec la gen­dar­me­rie (jan­dar­ma) à mon retour.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 031 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses) - üç haçlı kilise (église des trois croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 034 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses) - üç haçlı kilise (église des trois croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 039 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses) - üç haçlı kilise (église des trois croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 043 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses) - üç haçlı kilise (église des trois croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 050 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses) - üç haçlı kilise (église des trois croix)

Je m’en­gouffre dans la val­lée ; il fait déjà chaud, le soleil est haut dans le ciel. Quelques arbres ché­tifs, des abri­co­tiers sur­tout, pro­mettent une ombre qu’il est de bon ton d’ac­cep­ter. Le che­min se rétré­cit, passe sous des arches de pierre creu­sées par la main de l’homme. J’ar­rive devant la pre­mière église, l’église des Trois Croix (Üç haçlı kilise), laquelle me laisse un peu per­plexe. En dehors d’un écri­teau, rien ne laisse pen­ser qu’on est ici au pied d’une église, laquelle n’est visible depuis le che­min que par la pré­sence d’une ouver­ture sur l’ex­té­rieur qui per­met de voir une immense croix insé­rée dans une man­dorle gra­vée au pla­fond, ouver­ture cau­sée par l’ef­fon­dre­ment d’une par­tie de la façade. L’ac­cès se fait par une pente ardue et c’est pra­ti­que­ment allon­gé sur le sol que j’ar­rive à esca­la­der en met­tant les pieds dans les encoches. J’a­voue ne pas être tota­le­ment ras­su­ré et la pers­pec­tive de tom­ber cinq mètres plus bas ne m’en­chante guère, mais le spec­tacle en vaut la peine. A l’in­té­rieur, ce sont des gra­vures datant du VIIè siècle et des pein­tures ulté­rieures (fin IXè siècle) qui ornent ses parois, notam­ment une vision triom­phante du Christ, entou­rée de ché­ru­bins tétra­morphes et de séra­phins, des élé­ments au plus proche de la tra­di­tion paléo­chré­tienne et byzan­tine. C’est un tra­vail d’une rare finesse, ron­gé par le temps, abî­mé par des mains indé­li­cates, hos­tiles à l’i­ma­ge­rie chré­tienne. L’im­pres­sion d’être coin­cé dans ce lieu tota­le­ment impro­bable, iso­lé du monde, donne une belle idée de la manière dont vivaient reclus les moines qui habi­tait ces trous de sou­ris pour se pro­té­ger de leurs per­sé­cu­teurs. Dans cette val­lée pas com­plè­te­ment iso­lée au final, on trouve des ter­rasses culti­vées, des ceps de vignes taillés, des petits abri­co­tiers, tout un monde de cultures à l’a­bri du vent dans ces édens naturels.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 054 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 061 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 063 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Je des­cends de l’é­glise par le gou­let et manque de déva­ler plus vite que pré­vu, mais heu­reu­se­ment que j’ai de bonnes chaus­sures. Un peu plus loin se trouve une autre église, l’église Saint-Jean (Ayvalı kilise), mais elle est mal­heu­reu­se­ment fer­mée en ce moment pour res­tau­ra­tion. Le val­lon se referme, le che­min devient de plus en plus étroit. Il y a des pigeon­niers par­tout, et cer­taines falaises montrent des striures qui laissent pen­ser que des ouver­tures ont été creu­sées, mais rien n’est moins certain.
Le guide bleu dit qu’on peut faire demi-tour pour atteindre la val­lée sui­vante, ou alors prendre le che­min de crête pour arri­ver de l’autre côté. C’est ici que je tombe sur un couple de Fran­çais avec leur fils d’une ving­taine d’an­nées, visi­ble­ment pas très content d’être là, qui se deman­daient s’ils allaient faire demi-tour ou ten­ter la crête. Lui regarde vers le haut et estime que c’est pos­sible. Elle, pas très spor­tive, me dit que son mari a l’ha­bi­tude de faire des treks et qu’il est content dès que ça grimpe. Le fils, lui, est beau­coup plus sur la réserve, et il souffle comme un ado à qui on demande de se lever un dimanche matin, et ne se voit pas du tout grim­per. Allez, on va faire un bout de che­min ensemble. On s’en­traide pour grim­per dans les endroits les plus glis­sants, on se donne la main et on finit par se rendre compte qu’en étant mon­té si haut, on ne pour­ra plus redes­cendre de ce côté-là. Quitte ou double. D’au­tant que je n’ai pas vrai­ment l’im­pres­sion que le che­min soit si pra­ti­cable que ça. Tant pis, on y est. Le che­min devient de plus en plus étroit et raide, les gra­villons glissent sous les chaus­sures. Lui monte à toute vitesse et der­rière je traîne la patte pour essayer de le suivre. Une fois qu’il est sur la crête, il estime qu’on peut redes­cendre faci­le­ment de ce côté. On attend sa femme et son fils qui peinent. Une fois arri­vé en haut, j’ai une sur­pre­nante vision, à la lisière de ces deux val­lées, je vois devant moi toute la plaine de Göreme. Je reste là quelques ins­tants et nous déci­dons avec les autres de nous sépa­rer. Lui a envie de trot­ter, moi j’ai juste envie de prendre mon temps dans ce décor à cou­per le souffle, d’au­tant qu’un petit vent me rafrai­chit après la mon­tée. Je ne sais pas com­bien de temps je reste assis là, sur la crête, avant de redes­cendre, mais je me laisse enva­hir par la dou­ceur de cet air, de la fra­grance d’herbes incon­nues et rares, et sur­tout le silence… Un silence incom­pa­rable, mys­tique, presque d’ins­pi­ra­tion divine. Je com­prends pour­quoi des hommes sont venus jus­qu’i­ci pour se reti­rer du monde.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 067 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 069 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 074 - Çavuşin, Güllü Dere (vallée aux roses)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 076 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 079 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Il faut bien redes­cendre main­te­nant. Je pen­sais que ce serait plus simple de mon­ter, mais ce n’est qu’une blague… alors que les Fran­çais sont des­cen­dus comme s’ils avaient un train à prendre, je me rends compte que je n’ar­ri­ve­rai pas à aller au même rythme. Je des­cends quand-même une par­tie des gou­lets sur les fesses tel­le­ment ça glisse. Et puis soyons hon­nête, je suis un peu pris par le ver­tige… La val­lée s’ouvre à nou­veau, cer­tains endroits sont lit­té­ra­le­ment brû­lés par le soleil, il n’y a plus que de l’herbe sèche, des cailloux qui roulent sous les chaus­sures, pay­sage qui s’ef­frite sous mes pas et que je contri­bue lar­ge­ment à éro­der. J’i­ma­gine sans dif­fi­cul­té ce que repré­sen­te­rait une averse dans ce pay­sage. L’eau qui n’est pas absor­bée par le soleil doit ruis­se­ler en tor­rents dans les gou­lets et se concen­trer dan­ge­reu­se­ment. Dans cette val­lée au nom évo­ca­teur, le fos­sé rouge (Kızıl Çukur), les falaises prennent des teintes colo­rées étranges, de rouge, de jaune vif cou­leur de souffre, de vert tendre, de rose doux.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 080 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 083 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 087 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Ici et là, on trouve des croix taillées dans les parois de la roche, des ouver­tures creu­sées pour conte­nir une simple pièce minus­cule dont on peut se poser la ques­tion de l’usage.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 097 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 100 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 102 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Je prends tout mon temps pour des­cendre et admi­rer ce pay­sage sen­sa­tion­nel… pour tom­ber sur un bar… Après cette des­cente impro­bable, tom­ber sur un bar avec une ter­rasse où se pré­lassent quelques per­sonnes, dont les Fran­çais, en train de siro­ter un jus d’o­range et de pam­ple­mousse à l’ombre d’un para­sol, cela a quelque chose de sur­réa­liste. Le type qui monte ici à pied ses caisses de fruits me demande d’où je viens. Quand je lui dis que je suis pas­sé la crête, il me féli­cite mais me dit qu’un che­min en contre­bas est beau­coup plus facile pour relier les deux val­lées. D’un côté, je me mau­dis, mais de l’autre, je n’au­rais pas vu ce superbe spec­tacle à che­val entre les deux val­lons. Je lui prends un grand jus et lui demande s’il connaît le che­min pour aller voir la Direk­li Kilise, une des plus belles églises de la val­lée, mais qui reste appa­rem­ment dif­fi­cile à trou­ver. Il me dit qu’un Fran­çais lui en a deman­dé le che­min un peu plus tôt, mais il était tel­le­ment aimable qu’il l’a envoyé dans une autre direc­tion. Il est en train de me dire que je suis plus aimable que l’autre et que peut-être je mérite de voir ça… Je ver­rai bien une fois sur place ce qu’il pen­sait de moi.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 104 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 105 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 106 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 107 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 109 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 112 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - haçlı kilise (église à la croix)

Avant de repar­tir, je prends le temps de visi­ter la petite église qui sur­plombe le bar, Haçlı kilise (église à la croix) où l’on trouve une très belle abside en forme de quart de sphère et des pein­tures excep­tion­nel­le­ment conser­vées. Une énorme croix est gra­vée au pla­fond de la nef. Je redes­cends le che­min en pre­nant soin de bien suivre les expli­ca­tions du tenan­cier du bar. Des pans entiers de rochers se sont effon­drés, lais­sant place à des creux taillées, des pièces désor­mais éven­trées, expo­sées aux quatre vents, patri­moine irré­cu­pé­rable qui va s’é­teindre avec la val­lée. De nom­breux pigeon­niers par­courent les falaises à des hau­teurs hal­lu­ci­nantes et on a du mal à s’i­ma­gi­ner com­ment font les pro­prié­taires pour aller récu­pé­rer la fiente qui ser­vi­ra d’en­grais. Cer­tains sont peints de très jolis motifs arabes, quelques mots écrits à la pein­ture verte, cou­leur de l’is­lam, achèvent de don­ner un air tendre à ces petites niches. Des damiers, des fleurs, des motifs cir­cu­laires, contournent l’in­ter­dic­tion des repré­sen­ta­tions humaines ou ani­males dans l’art de l’islam.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 118 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 124 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 129 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 137 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 145 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Direkli Kilise (église aux colonnes)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 146 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Direkli Kilise (église aux colonnes)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 147 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Direkli Kilise (église aux colonnes)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 149 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Direkli Kilise (église aux colonnes)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 150 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Direkli Kilise (église aux colonnes)

En conti­nuant ma des­cente, j’ar­rive devant l’é­glise superbe. De dehors, une simple falaise, quelques ouver­tures, rien qui ne laisse sup­po­ser le tré­sor qui se trouve der­rière la paroi ; une église blanche, toute blanche, imma­cu­lée, plon­gée dans l’obs­cu­ri­té des siècles. Ici, aucune fresque, pas un seul récit biblique des­si­né sur les murs, mais des colonnes ! Plus récente que les autres, elle a été construite en pleine période ico­no­claste et c’est la rai­son pour laquelle aucune image n’y figure. L’es­pace déga­gé est immense au vu de la struc­ture de la roche. Une colon­nade monte sur deux étages, avec des fenêtres don­nant sur l’ex­té­rieur. Cette église aux colonnes (Direk­li Kilise ou Sütun­lu Kilise) est un tel bijou qu’on pour­rait sans com­plexe lui don­ner le titre de cathé­drale de Cap­pa­doce ! L’im­pres­sion d’es­pace du lieu, sa blan­cheur, sa lon­gueur, font de ce lieu un havre de paix incroyable, à des kilo­mètres de la vie des hommes. Un cou­rant d’air mys­tique me par­court l’é­chine, une sorte d’ex­tase sen­suelle qui me dit de ne plus par­tir d’i­ci. La magie opère com­plè­te­ment. Dehors il fait chaud, et ici il fait si bon que je me repose un peu avant de reprendre la route. Je me sens comme un pèle­rin sur la route de Jéru­sa­lem, érein­té par la route, mais tel­le­ment heureux.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 139 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 142 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 159 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 164 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 167 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 170 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Au dehors, ce ne sont que pigeon­niers peints… A ma grande sur­prise, sur l’un deux, je vois des­si­né un che­val, et un homme !!! C’est à peine croyable ! Et puis sur un autre, un oiseau et un homme et une femme se fai­sant face ! Je n’en reviens pas. Cer­taines églises ont vu les visages de leurs repré­sen­ta­tions bif­fés, sca­ri­fiés, effa­cés, et ici dehors des musul­mans peignent des êtres humains sur leurs pigeon­niers… Je sou­ris à cette idée par­fai­te­ment… ico­no­claste. Plus loin, je tombe sur une église effon­drée. Ici c’est sur quatre étages que sont construites les colon­nades !!! Les hommes n’ont pas man­qué d’au­dace. Les bâtis­seurs (ou plu­tôt les exca­va­teurs) se sont sur­pas­sés dans ces chefs‑d’œuvre sou­ter­rains… Plus j’a­vance vers le début de la val­lée, plus il y a d’ombre, de plus en plus d’a­bri­co­tiers s’en­che­vêtrent dans la val­lée étroite. Des pieds de vigne portent sur eux de petites grappes d’un rai­sin sombre. La falaise fait des vagues blanches cré­meuses, et cer­taines me font pen­ser à des mon­tagnes de polen­ta… La falaise haute est creu­sée de cen­taines de trous. La fin de la val­lée est lar­dée de cônes de tuf.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 176 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge) - Pigeonniers

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 182 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 187 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 197 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 208 - Çavuşin, Kızıl Çukur (vallée rouge)

J’ar­rive au bout de ma ran­don­née, épui­sé, un peu triste presque de voir cet épi­sode se ter­mi­ner, tel­le­ment il fut intense et riche en émo­tions spi­ri­tuelles. Je n’au­rai pas le temps de visi­ter la troi­sième val­lée (Mes­ken­dir) qui vaut appa­rem­ment le coup aus­si avec son tun­nel et l’é­glise aux rai­sins (Üzümlü Kilise). Mais rien ne m’empêchera de reve­nir un jour accom­plir une seconde fois cette ran­don­née magique. Je rejoins ma voi­ture, seule sur le par­king, je jette mon sac sur le siège pas­sa­ger, délace mes chaus­sures pour chan­ger de chaus­settes et his­toire de m’aé­rer les pieds. J’en­tends une voi­ture s’ar­rê­ter à côté de moi, les por­tières claquent, bruits de chaus­sures… En rele­vant le nez, je suis sur­pris de voir un uni­forme. Deux types armés, ran­gers et béret, me parlent en anglais. Sur le 4x4 qui est garé à côté est écrit en blanc « Jan­dar­ma ». C’est votre voi­ture ? Je lui répon­drai bien quelque chose, mais non, je la joue humble, mieux vaut ne pas rigo­ler avec eux. Il me demande les papiers de la voi­ture. Évi­dem­ment je ne sais pas où ils sont, mais j’es­saie quand-même le pare-soleil ; ils tombent sur le siège. Après avoir regar­dé l’é­tat des pneus d’un air dis­trait, il me tend les papiers en me disant de ne pas garer ma voi­ture ici, il y a des voleurs qui s’en prennent aux voi­tures iso­lées. Je ne dis rien mais la voi­ture est pas­sa­ble­ment pour­rie, c’est un tacot, une Renault Sym­bol (oui, je sais) hors d’âge, c’est une voi­ture de loca­tion imma­tri­cu­lée à Deniz­li et je n’y avais rien lais­sé du tout. Mais je les remer­cie et leur dit que de toute façon j’ai fini ma jour­née, que je rentre. Ils me saluent en tou­chant leur béret et je ne demande pas mon reste.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 212 - Avanos

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 214 - Avanos

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 215 - Avanos

Je file vers Ava­nos où je me pro­mène un peu dans le ville et où je retrouve les Fran­çais, dou­chés, chan­gés, en train de boire une Efes Pil­sen à la ter­rasse d’un café. Per­son­nel­le­ment je sens la trans­pi­ra­tion et j’ai de la pous­sière par­tout col­lée sur la peau, les chaus­sures dans un état lamen­table ; ma jour­née n’est pas ter­mi­née. Je passe voir Meh­met dans son ate­lier ; il m’offre un thé. Son fils Oğuz est en train de creu­ser des motifs à main levée dans la terre “consis­tance cuir” des pho­to­phores qui seront bien­tôt cuits.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 217 - Bayramhacı

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 218 - Bayramhacı

Quelque chose a atti­ré mon atten­tion sur le guide tou­ris­tique. A quelques kilo­mètres de là, on trouve des sources chaudes situées dans un com­plexe ther­mal, dans une toute petite ville por­tant le nom de Bay­ram­hacı. Je n’ai pour me repé­rer que les vagues indi­ca­tions du guide. Le GPS n’est pas aus­si fin pour trou­ver l’en­droit et la nuit com­mence à tom­ber. Par chance, l’en­droit est ouvert tard le soir. Je m’en­fonce dans le pay­sage lunaire à l’est d’A­va­nos, sur la route qui se dirige vers Kay­se­ri. La route est nue, plate, elle ne dit rien qui vaille. Tout ici me semble étran­ger, ne res­semble à rien de ce que je connais et l’i­dée de m’é­car­ter des routes prin­ci­pales pro­voque tou­jours chez moi une sorte d’an­goisse qui me décom­pose de l’in­té­rieur. Mais il me semble que j’aime cette sen­sa­tion puisque je la recherche, je me nour­ris de mes propres peurs et les trans­cende à chaque fois en pas­sant à l’acte. Ce n’est pas une angoisse blo­quante, mais la sen­sa­tion de se construire grâce au saut dans l’in­con­nu. Un simple pan­neau sur le bord de la route indique la direc­tion de Bay­ram­hacı et me fait tour­ner brus­que­ment. C’est une route pous­sié­reuse qui finit par se réduire à un simple che­min de terre. Le gou­dron dis­pa­raît tout bon­ne­ment sous les roues de la voi­ture. Le pay­sage change du tout au tout. Sur l’autre rive de ce qui me paraît être au pre­mier abord un lac se trouve un pay­sage lunaire, un pla­teau de tuf colo­ré. En fait, je vais me rendre compte assez vite que c’est une rete­nue d’eau arti­fi­cielle assez récente. Tel­le­ment récente qu’elle n’ap­pa­raît pas sur les cartes d’é­tat-major, mais seule­ment sur les pho­tos satel­lites. Le jour tombe, ren­dant l’at­mo­sphère du lieu impro­bable. Je conti­nue ma route et arrive dans le petit bourg de Bay­ram­hacı, à l’en­trée duquel se trouve un cali­cot au-des­sus de la route : Bay­ram­hacı Köyüne Hoş Gel­di­niz (Bien­ve­nue dans le vil­lage de Bay­ram­hacı). La ville est toute blanche, abso­lu­ment déserte, les mai­sons de pierre blanche, des mai­sons grecques, sont ornées de grilles en fer for­gé peint en bleu. Rien n’est indi­qué, il n’y a de pan­neaux nulle part, si ce n’est pour indi­quer des direc­tions qui me semblent presque fan­tai­sistes. J’ar­rive à la porte d’un hôtel qui pour­rait bien être ma des­ti­na­tion, mais tout semble fer­mé. L’en­droit ne manque pas de charme, il donne sur le lac et après un bon rafrai­chis­se­ment pour­rait avoir du charme. Le pro­blème c’est l’i­so­le­ment. Il faut vrai­ment se perdre pour arri­ver ici. Mais je ne désarme pas, je conti­nue de cher­cher et je finis par trou­ver un pan­neau qui indique (un comble dans un endroit aus­si recu­lé) Hot Springs. C’est un grand bâti­ment peint en jaune au bout de la route. Un chien m’ac­cueille en aboyant. Je prends un sac dans lequel je mets mon maillot de bain et une ser­viette et je me dirige vers la bâtisse.

Un type m’ac­cueille dans un anglais bal­bu­tiant et me fait payer le droit d’en­trée. 5TL. Il me dit que les cabines se trouvent au bord du bas­sin et me laisse entrer. C’est une immense pis­cine où nagent une dizaine de Turcs. Nagent ou bar­botent plu­tôt. Évi­dem­ment, tous les regards se tournent vers moi. Sou­rire. Je m’en­gouffre dans la cabine et je mets mon maillot de bain. Il com­mence à faire un peu frais. Der­rière le mur, on a une vue superbe sur le lac, le vil­lage tout blanc et sa mos­quée au mina­ret jaune qui pour­fend le ciel. Un pay­sage sublime vu d’un lieu impro­bable. Le bas­sin est divi­sé en deux par­ties ; un bas­sin à 35°C, l’autre, plus grand à 30°C. Se détendre là après une bonne jour­née de marche, c’est appa­rem­ment une idée que je ne suis pas le seul à avoir eu puisque peu de temps après, une dizaine de jeunes Fran­çais (et de Fran­çaises) enva­hit le bas­sin. C’est cer­tai­ne­ment le seul endroit du coin où les femmes sont accep­tées dans le même espace que les hommes. Bien évi­dem­ment, cela n’é­vite en rien aux hommes de se rin­cer l’œil au contact des belles étran­gères et je soup­çonne que le lieu soit répu­té pour ça.

A l’in­té­rieur du bâti­ment se trouve le ham­mam. Un car­ré car­re­lé de plaques de ce très beau marbre blanc qu’on trouve par­tout s’ouvre sur un bas­sin noir dont on ne voit pas le fond, ce qui le rend assez inquié­tant. Une forte odeur d’œuf pour­ri prend à la gorge, ce qui est signe que les sources sont char­gées en souffre. L’en­droit est étrange, énig­ma­tique. On s’at­ten­drait presque à voir sur­gir de là une bête vis­queuse venant des entrailles de la terre. Il y a deux hommes au bord de la pis­cine, qui me regardent. J’es­saie de ras­sem­bler toute la digni­té dont je suis capable en entrant tout dou­ce­ment dans l’eau dont la tem­pé­ra­ture oscille en 40 et 45°C, mais à un moment, je dois lâcher quelques mots de fran­çais, du style “putain qu’elle est chaude…” puisque le type le plus jeune me dit : « Vous êtes Français ? »
— Oui ! La sur­prise doit se lire sur mon visage. Vous aus­si, lui demandé-je ?
— Non, nous sommes Belges. Je vous pré­sente mon père, Mehmet.
Je dois avouer que je suis un peu sur­pris. Tous les deux vivent en Bel­gique, ils sont venus pas­ser leurs vacances ici, et le fils m’ex­plique qu’ils viennent sou­vent ici, lui depuis qu’il est tout petit, et qu’un peu plus haut, il y a une autre source chaude où l’eau jaillit à plus de 60°C. Le père ne parle pas un mot de fran­çais, pas plus qu’il ne parle fla­mand. Le fils me demande si j’ap­pré­cie les Turcs, ce à quoi je réponds que je les trouve tel­le­ment gen­tils… Et je rajoute qu’ils sont tel­le­ment plus agréables que les Français.
— Ça, ce n’est pas très com­pli­qué… me dit-il en se marrant.
— Je suis bien d’ac­cord avec vous. J’ai par­fois honte de dire que je viens de France de peur qu’on me mette une éti­quette “pas aimable” dans le dos.
Nous res­tons là à dis­cu­ter au bord de la pis­cine où la cha­leur est dif­fi­ci­le­ment supportable.
Je retourne prendre un peu le frais dans la pis­cine exté­rieure, je prends mon temps, je flotte, je fais des bulles. Le temps s’est arrê­té dans cette pis­cine chaude, per­due au milieu de la Cap­pa­doce. La nuit est tom­bée désor­mais. Je retourne faire un tour dans le ham­mam ; le fils et son père sont par­tis, ils ont été rem­pla­cés par deux hommes et un bébé. Je ne sais pas pour­quoi mais le plus grand des deux me parle tout de suite en fran­çais. Celui-ci vient de Trappes, dans les Yve­lines. C’est bien le comble ça, de retrou­ver un Turc qui vit à côté de chez moi. Il m’ex­plique qu’il met deux jours à venir ici en voi­ture et qu’il passe par la Grèce désor­mais et arrive en bateau, ça lui revient moins cher que de pas­ser par la route, car dans ce cas il tra­verse la Bul­ga­rie et n’ar­rête pas de se faire racket­ter par les auto­ri­tés. Son frère est en train de man­ger un fruit sur le bord de l’eau, alors que le soleil n’est pas encore cou­ché et que le muez­zin n’a pas encore fait l’ap­pel à la rup­ture du jeûne. Il me dit qu’il n’y a que les vieux qui font le ramadan…

Je finis de faire trem­pette dehors, sous un ciel étoi­lé et les puis­sants halo­gènes qui éclairent la pis­cine. Les fran­çaises nagent tan­dis que les Turcs tentent de les imi­ter en bavant… C’est assez drôle de les regar­der se côtoyer dans cet endroit. La situa­tion est assez coquasse. Main­te­nant qu’il fait nuit, je retourne sur Ava­nos où je cherche un endroit pour dîner. Sur la route, je passe devant un pan­neau qui indique le pas­sage de tor­tues… Je trouve un petit res­tau­rant encore ouvert, Ava­nos Top­kapı Res­to­ran, à la déco­ra­tion vert anis, où flotte une bonne odeur de viande mari­née et grillée. Le corps déten­du, fati­gué, j’en­gouffre un Ada­na Kebap savou­reux avec un verre de thé.

Turquie - jour 21 - Vallées de Cappadoce  - 220 - Avanos de nuit

La ville est calme le soir, il fait doux dans ces mon­tagnes. Le pont qui tra­verse le Kızılır­mak est illu­mi­né de bleu et la belle mos­quée toute neuve res­plen­dit dans la nuit. Il est tard, je suis rom­pu. A l’hô­tel, c’est Abdul­lah qui tient la récep­tion. Il me demande d’at­tendre cinq minutes et revient avec un sou­rire énorme et une assiette de pas­tèque cou­pée en mor­ceaux. Nous man­geons ensemble notre pas­tèque sur le bal­con, sous le ciel déli­cat de la Cap­pa­doce, heu­reux comme s’il venait de neiger…

Voir les 221 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

Épi­sode sui­vant : Car­net de voyage en Tur­quie : L’église cachée (Saklı Kilise), la val­lée de Pan­carlık et le rama­dan à İstanbul 

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 14 août) : Çavuşin, Ava­nos, Mus­ta­fa­paşa et en dehors des routes tracées

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 14 août) : Çavuşin, Ava­nos, Mus­ta­fa­paşa et en dehors des routes tracées

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 13 août) : Üçhi­sar, Göreme et les églises rupestres

Bul­le­tin météo de la jour­née (mar­di) :

10h00 : 24°C / humi­di­té : 56% / vent 6 km/h
14h00 : 30°C / humi­di­té : 21% / vent 9 km/h
22h00 : 23°C / humi­di­té : 35% / vent 7 km/h

Au lever, je n’es­père qu’une seule chose, me remettre les pieds sous la table pour pro­fi­ter de ce petit déjeu­ner de prince, où l’on me pro­pose du mene­men et de l’omlet (comme ça se pro­nonce). Tan­dis que je suis en train de bâfrer, je fais la connais­sance d’Abdul­lah, le patron de l’hô­tel. Il se pré­sente ; Abdul­lah Şen ; c’est un grand bon­homme por­tant bésicles rondes, barbe de trois jours et che­veux poivre et sel. Son port et sa façon de s’ha­biller tra­hissent le bon vivant, une bonne culture et un cer­tain niveau de vie. J’ap­pren­drai par la suite qu’Ab­dul­lah est phar­ma­cien et qu’il dirige une liste élec­to­rale conser­va­trice laïque dans la ville d’Üçhi­sar. Au début, ses manières sont volu­biles, il parle fort et fait de grands gestes, ne manie que quelques mots d’an­glais et a l’in­tel­li­gence de m’ap­prendre quelques mots turcs puis­qu’il voit que je sai­sis bien. Dès le soir, lorsque je retourne à l’hô­tel, il me demande Nasılsın ? A quoi je réponds Iyiyim et à quoi je fini­rai par répondre à la fin du voyage Çok iyiyim. Je vois qu’il appré­cie et je compte sur lui pour apprendre quelques mots. Je dois avouer qu’au début, je pen­sais qu’Ab­dul­lah était un patron, un com­mer­cial, mais je me suis vite aper­çu qu’il avait sim­ple­ment le goût du ser­vice ren­du et que sa gen­tillesse avait un goût nature. Plu­sieurs fois je l’ai vu dans la jour­née assis avec ses employés devant la mai­son, sous la ton­nelle de vigne, en train de prendre du bon temps avec eux, de devi­ser sim­ple­ment comme on le fait dans ces pays où le temps n’a pas la même saveur. C’est ain­si que je me retrou­ve­rai aus­si assis avec lui en train de man­ger des fruits dont il m’ap­prend le nom en turc, abri­cots du jar­din (kayısı), noi­settes (fındık), rai­sin (üzüm). Jamais je n’ai quit­té l’hô­tel sans qu’il me donne une ou deux petites bou­teilles d’eau. Je me rends compte que je n’ai même pas pen­sé à prendre en pho­to les gens l’hô­tel, ni Abdul­lah, ni Bukem, ni Fatoş…

Le matin, je retourne à Göreme pour ter­mi­ner la visite du musée en plein-air. Il se trouve qu’à la sor­tie du musée se trouve une der­nière église, pour laquelle mon billet fonc­tionne encore et qui, paraît-il, vaut le coup d’œil. C’est la Tokalı Kilise, l’é­glise à la boucle, la plus grande de Göreme. Mal­heu­reu­se­ment (ou heu­reu­se­ment), elle est en pleine res­tau­ra­tion et des quatre pièces et de la crypte, je ne pour­rais voir que les par­ties les moins inté­res­santes. La voûte cou­leur lapis-lazu­li est presque entiè­re­ment invi­sible, mais ce que je vois est réel­le­ment impres­sion­nant. La hau­teur de cette voûte déjà, pas­sa­ble­ment plus haute que les autres, en font une église dont les dimen­sions se rap­prochent plus de bâti­ments exté­rieurs, et les cou­leurs, écla­tantes, des bleus puis­sants, des verts pro­fonds, des rouges san­guins. Il y aus­si ces colonnes puis­santes et hautes qu’on ne voit nulle part ailleurs. C’est un endroit à mi-che­min entre la beau­té d’une église tra­di­tion­nelle et le mys­tère d’une tombe égyptienne…

Tokalı Kilise - Photo Ker & Downey http://kerdowney.com

Tokalı Kilise — Pho­to © Ker & Downey

Je file ensuite vers le nord, vers la petite ville de Çavuşin, que je ne fais que frô­ler puisque je m’ar­rête sur le par­king de l’église de Nicé­phore Pho­cas, à deux pas de la route entre Göreme et Ava­nos. Nicé­phore II Pho­cas (Νικηφόρος Β΄ Φωκᾶς) est un géné­ral byzan­tin, né en 912 et mort en 969, qui fini­ra empe­reur de Byzance. Homme valeu­reux, on l’a­du­le­ra sur­tout pour avoir repous­sé à maintes reprises les Arabes dont les coups de bou­toir pour conqué­rir cette par­tie de l’A­na­to­lie furent mis à mal par sa téna­ci­té. C’est en par­tie dans cette atmo­sphère que les Chré­tiens se sont ter­rés dans les val­lées et les habi­ta­tions tro­glo­dy­tiques de la Cappadoce.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 004 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 011 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 017 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas - Lézard

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 028 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas

L’é­glise de Nicé­phore Pho­cas est construite à flanc de falaise et fait par­tie d’un ensemble plus grand com­pre­nant un monas­tère et un réfec­toire qu’on peut encore visi­ter aujourd’­hui. Dans cette superbe église qu’on ne peut pho­to­gra­phier (j’ai tou­jours un peu de mal à com­prendre com­ment on arrive à retrou­ver sur inter­net des pho­tos de lieu qu’il est inter­dit de pho­to­gra­phier, sur­tout quand trois gardes-chiourmes mous­ta­chus vous regardent d’un air méfiant), les dimen­sions et le pro­gramme ico­no­gra­phique sont com­pa­rables à ce qu’on trouve dans la Tokalı Kilise, même si l’ar­chi­tec­ture en est moins impres­sion­nante. Les cou­leurs à domi­nantes vertes sont un peu endom­ma­gées, mais on peut lire encore ses fresques, où l’on peut voir le por­trait de l’empereur Pho­cas mais aus­si les por­traits de l’empereur Constan­tin et d’Hé­lène tenant la Vraie Croix.

Pho­to © Antoine Sipos

Ce qu’on peut voir à l’en­trée de l’é­glise, c’est le reste d’une par­tie de cette même église qui s’est effon­drée avec la falaise. C’est mal­heu­reu­se­ment le sort qui attend l’en­semble des églises de cette région si rien n’est fait à grande échelle. Si les cou­leurs sont encore si vives, c’est parce que l’ef­fon­dre­ment n’est pas si ancien que ça. Il reste tou­te­fois une grande par­tie du monas­tère, dans lequel on peut mon­ter et avoir une belle vue d’en­semble de la val­lée. De l’ex­té­rieur, on peut admi­rer les motifs d’ocre rouge ou terre de sienne des ouver­tures. A mi-che­min entre l’é­poque chré­tienne et la période musul­mane, on ne sait plus vrai­ment où se situent les motifs, car cer­tains ont été des­si­nés par ceux qui trans­for­mèrent ces églises en pigeon­niers, ou par­fois en ruches.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 034 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 036 - Çavuşin - Cheminées de fées

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 038 - Çavuşin - Eglise de Nicéphore Phocas

Je fais le tour de ce piton rocher pour aller voir les che­mi­nées de fée qu’on aper­çoit depuis la route. Le pay­sage est envoû­tant, soli­taire, pous­sié­reux. J’aime la cha­leur douce qui se dégage de ces pay­sages qui passent une par­tie de l’an­née ense­ve­lis sous la neige.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 042 - Avanos - Mosquée

Je reprends la route sans pas­ser dans le vil­lage de Çavuşin (qui ne pro­nonce tcha­vou­chine) et je file vers Ava­nos. La ville d’A­va­nos a l’air assez grande sur la carte, mais ce n’est en réa­li­té qu’un gros vil­lage, une ville moderne construite au pied d’un ancien vil­lage à flanc de col­line, sur­plom­bant le cours majes­tueux du fleuve nour­ri­cier, le Kızılır­mak (keu­zeu­leur­mak, lit­té­ra­le­ment : rivière rouge) dont le nom tra­hit le fait qu’il char­rie des tonnes de terre d’un rouge pro­fond, que les potiers de la région exploitent direc­te­ment pour leur pro­duc­tion. Trop peu pro­fond, il n’est pas navi­gable, mais c’est le plus long fleuve de Tur­quie, avec ses 1150km. J’ai mis un peu de temps à com­prendre qu’en turc, il y avait deux mots pour décrire la cou­leur rouge ; Kızıl et Kırmızı, et j’a­voue que la dif­fé­rence n’est pas évi­dente à per­ce­voir. Kızıl évoque ce qui est rouge par réfé­rence : le fleuve rouge, la mer rouge, l’ar­mée rouge, les bri­gades rouges. Kırmızı évoque ce qui est rouge par nature : un oiseau rouge, une peau rouge, un pois­son rouge.

Le plus gros de la ville s’é­tend au sud de la rivière, dans d’im­menses zones pavillon­naires très “classes moyennes” tan­dis que le centre est beau­coup plus authen­tique et tra­di­tio­na­liste. Autant dire que si les tou­ristes s’ar­rêtent ici pour appré­cier les pote­ries d’ins­pi­ra­tion hit­tite et les kilim, peu d’entre eux en pro­fitent pour prendre un repas. Lorsque je revien­drai un soir dîner ici, ce sera un peu com­pli­qué et cocasse. La mos­quée de la ville est toute récente, avec son toit de plomb tout neuf et brillant sous le soleil haut. Sur la place prin­ci­pale du vil­lage (je per­siste) s’é­grènent les échoppes des potiers et des bar­biers. Je gare la voi­ture ici, au milieu de la place. J’ai cru remar­quer qu’il fal­lait payer le sta­tion­ne­ment mais je ne vois per­sonne. Je remarque qu’un type assis devant le maga­sin de kilims en siffle un autre, qui lui-même en appelle un autre et arri­vant à suivre la scène, je com­prends que celui à qui je dois payer est celui qui s’a­vance vers moi.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 048 - Avanos -Mehmet Körükçü le potier

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 050 - Avanos -Mehmet Körükçü le potier

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 052 - Avanos -Mehmet Körükçü le potier

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 053 - Avanos -Mehmet Körükçü le potier

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 058 - Avanos -Mehmet Körükçü le potier et son fils Oğuz

Je monte jusque dans le vieux pays où l’on peut appré­cier les pote­ries de Meh­met Körük­çü dans sa petite échoppe humide. Meh­met est un homme déli­cieux qui parle quelques mots de fran­çais et adore racon­ter ce qu’il fait. Ce que je ne sais pas encore, c’est que Meh­met, parce que je suis reve­nu le voir au mois de mai sui­vant, devien­dra un ami avec qui j’ai pas­sé beau­coup de temps et grâce à qui j’ai pu connaître d’autres per­sonnes à Istan­bul, avec qui je suis encore en contact aujourd’­hui. Meh­met fait visi­ter son ate­lier, explique qu’il va cher­cher lui-même sa terre avec son trac­teur sur les hau­teurs d’A­va­nos, qu’il la fait sécher dans son ate­lier, qu’il la bou­dine tout seul et qu’il la fait cuire ici même, plu­sieurs fois par an. Il offre le thé, pose beau­coup de ques­tions, remonte ses lunettes, sou­rit de toutes ses dents du bon­heur, me regarde en me sou­riant, avec ses yeux en amande qui tra­hissent ses ori­gines d’A­sie Cen­trale. Meh­met est un des­cen­dant de guer­rier tur­co-mon­gol, ça se voit sur sa figure, ce n’est pas un Ana­to­lien, il parle un fran­çais haché, prend le temps d’ex­pli­quer com­ment on tourne ; je le prends en pho­to, nous rigo­lons tous les deux, il me parle de son frère à Istan­bul, Emin, de sa vie ici, me pré­sente son fils Oğuz (pro­non­cer o‑ouz) qui tra­vaille avec lui quand il n’est pas au lycée, qui découpe des pho­to­phores pour en faire de belles den­telles de terre. Je reste long­temps avec lui, le temps que plu­sieurs per­sonnes passent, le temps de plu­sieurs verres de thé qu’il fait chauf­fer sur une plaque élec­trique. Il se passe quelque chose entre nous et je lui pro­mets de reve­nir le voir avant de repar­tir, et dès que je revien­drai dans les parages.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 061 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 063 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 064 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 068 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 072 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 075 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 077 - Avanos - Yeni Kayseri Yolu - Sarıhan Kervansaray

Ne sachant pas vrai­ment où je vais, je prends la route vers l’est, n’ayant pas vrai­ment de but. J’en­quille la D300 qui est cen­sée se diri­ger vers Kay­se­ri, et je tombe sur un grand bâti­ment aus­tère dont je recon­nais immé­dia­te­ment le style seld­jou­kide. Un bâti­ment de pierre jaune dans un décor de sable jaune. Les Sel­çuk­lu viennent du Tur­kes­tan et ont colo­ni­sé la Cap­pa­doce jus­qu’à Konya. Je m’ar­rête pour étu­dier les lignes pures des octa­èdres qui com­posent les tours d’angles ain­si que la tour cen­trale. Ce bâti­ment est un des der­niers cara­van­sé­rails (ker­van saray, litt. palais des cara­vanes) de la région, et même si l’on voit qu’il a été res­tau­ré récem­ment, il conserve toute sa superbe. La cou­leur de sa pierre lui a don­né son nom qui du coup sonne comme un pléo­nasme. Sarı han, c’est le cara­van­sé­rail jaune, han étant le nom qu’on donne aux cours inté­rieures qu’on peut trou­ver par­tout dans les vieux quar­tiers d’Is­tan­bul, qu’on peut tra­duire par auberge, car géné­ra­le­ment les com­mer­çants iti­né­rants pou­vaient s’y res­tau­rer et y dor­mir. Par exten­sion, le han est deve­nu cara­van­sé­rail. Sur ses murs, d’é­normes lézards se réchauffent au soleil, tan­dis qu’un gros chien à l’o­reille éti­que­tée comme celle d’une vache tente de trou­ver de l’ombre au pied de la muraille. Cer­tains de ces lézards ont la peau lar­dée de piquants, d’autres ont une queue verte déme­su­rée ; sur les murs dansent des dizaines de ces bes­tioles qui détalent dès que j’en approche. Dans ce cara­van­sé­rail, on peut voir aujourd’­hui la sema, la céré­mo­nie des der­viches tour­neurs. Je me suis juré que je retour­ne­rai ici un jour pour voir ce spectacle.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 079 - Ürgüp Yolu

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 082 - Ürgüp Yolu

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 087 - Ürgüp Yolu

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 091 - Ürgüp Yolu

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 092 - Ürgüp Yolu

La route conti­nue vers Kay­se­ri, mais je fais demi-tour pour retour­ner sur Ava­nos et j’en­quille une route qui des­cend retourne vers le sud, passe par un lieu-dit, une ancienne ville por­tait le nom évo­ca­teur d’Aktepe (litt. la col­line blanche). C’est un immense pla­teau où le soleil se réflé­chit, dans une lumière qui fait plis­ser les yeux et qui se pour­suit par une val­lée (Devrent vadi­si) assez étrange, faite de pics et de che­mi­nées de fée allant de l’ocre au blanc, en pas­sant par le rose, le vio­let et le vert, à perte de vue. Ici aus­si un jour je revien­drai regar­der le soleil se cou­cher sur cette Cap­pa­doce sau­vage. J’i­ma­gine aus­si qu’il serait indis­pen­sable de reve­nir ici en plein hiver, sous une neige épaisse et duveteuse.

J’ar­rive ensuite à Ürgüp, pour le coup est une ville énorme com­pa­rée à Ava­nos. En réa­li­té, elle n’est pas tel­le­ment plus éten­due, mais plus connue, et c’est un centre tou­ris­tique impor­tant (pour les Turcs sur­tout), une grande ville com­mer­çante, où on ne peut voir que quelques habi­ta­tions tro­glo­dytes, mais pas com­plè­te­ment dénuée de charme. Il y fait bon pas­ser en tout cas. Le temps de m’ar­rê­ter cinq minutes pour me ravi­tailler au super­mar­ché, quelques conne­ries, des tranches de pastır­ma et des pis­taches, et me voi­là déjà repar­ti pour rejoindre Mus­ta­fa­paşa.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 096 - Mustafapaşa

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 099 - Mustafapaşa - Ayos Konstantin ve Helena Kilisesi

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 101 - Mustafapaşa

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 105 - Mustafapaşa

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 113 - Mustafapaşa

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 122 - Mustafapaşa - Medersa Şakir Mehmet Paşa

Cette petite ville, l’an­cienne Sina­sos, un vil­lage pour le coup, porte un nom qui ne laisse pas son­ger que jus­qu’aux échanges de popu­la­tion entre la Grèce et la Tur­quie (en 1924) vou­lus par Atatürk, que la ville était presque inté­gra­le­ment habi­tée par des Grecs orthodoxes.
Sur la place du vil­lage, on trouve une église basse, construite en contre­bas de la route, une église por­tant le patro­nyme de Constan­tin et Hélène (Ayos Kons­tan­tin ve Hele­na Kili­se­si), ornée de feuilles de vignes et de sym­boles paléochrétiens.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 129 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 128 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 133 - Monastère Ayios Nikolaos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 139 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 138 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Une route monte dans un recoin de la ville après une sorte de por­tail de pierre consti­tué de trois arches, de part et d’autre de laquelle se dressent des habi­ta­tions, pour nombre d’entre elles déser­tées, comme si quelque chose avait fait fuir les gens qui vivaient là, il y a long­temps appa­rem­ment. Beau­coup s’é­croulent, d’autres ont leur ouver­tures murées par de gros blocs mal dégros­sis. La route semble s’en­fon­cer dans la cam­pagne, par­mi les champs, mais un pan­neau attire mon atten­tion, indi­quant en anglais trois églises (Sinas­sos, St Nicho­las, St Ste­fa­nos), dont le nom me laisse croire en de nou­veaux tré­sors cachés, à l’a­bri des regards. La jour­née est bien avan­cée et tout est déjà fer­mé, mais si j’en crois mon guide tou­ris­tique, seule une d’entre elles est ouverte et gar­dée en temps nor­mal. Pour aller voir les autres, il faut en deman­der la clef au propriétaire.
Avant d’al­ler voir le monas­tère Saint Nico­las qui s’é­tend der­rière un enclos où l’en­trée est signa­lée par une ins­crip­tion en grec, je pro­fite du soleil bas pour admi­rer le pay­sage de tuf qui prend des teintes vio­la­cées, presque roses, sous un man­teau de terre jaune d’ocre virant en quelques endroits à un vert fadasse ; des cou­leurs qu’on croit d’or­di­naire impos­sible pour la terre. L’on­du­la­tion créée par la pluie fait pen­ser à des ani­maux, peut-être des cha­meaux, dont les bosses seraient enche­vê­trées, et donne aux lieux un je-ne-sais-quoi d’organique.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 146 - lieuMustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 134 - Monastère Ayios Nikolaos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 136 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 145 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Le monas­tère Saint Nico­las est construit autour d’un grand cône à l’in­té­rieur duquel se trouve l’é­glise, fer­mée en cette heure tar­dive. Flan­quée d’un fron­ton récent, où alors récem­ment res­tau­ré, l’en­clos est fer­mé par un bâti­ment qu’on pour­rait pen­ser être les salles conven­tuelles des moines ; le sol est jon­ché de tombes faites de dalles plates à la tête des­quelles poussent un rameau de plantes mai­gri­chonnes au feuillage tirant vers le pourpre. Je ne ver­rai pas plus aujourd’­hui de ce monu­ment qui me semble récent et qui tra­hit la pré­sence grecque jus­qu’à il y a peu.
A l’en­trée de la val­lée, l’é­glise de Saint Ste­fa­nos. Toute petite, fer­mée par une grille, on ne dis­cerne dans le cône de tuf dans lequel elle est dis­si­mu­lée que son arcade prin­ci­pale et le dôme décré­pi, les parois encore blanches recou­vertes des graf­fi­tis de ceux qui sont pas­sés par là.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 147 - Mustafapaşa - Vallée de Sinassos

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 148 - Mustafapaşa

Le pay­sage tout autour est splen­dide et on a du mal à croire qu’il peut y avoir du monde qui vient jus­qu’i­ci admi­rer ces petites églises retran­chées. D’au­tant que le che­min ne mène nulle part et se perd dans les cir­con­vo­lu­tions qu’on pour­rait croire creu­sées par une rivière depuis long­temps assé­chée. Un âne brait tout seul, atta­ché à une corde courte autour d’un arbre, une grosse bourre de poils lui pen­dant sous le ventre.
Les mai­sons sur les flancs de la val­lée, toutes déser­tées, sont per­chées de manière impro­bable dans un triste fatras de tous per­cés dans la pierre et de murs mon­tés à la va-vite. On a du mal à ima­gi­ner des gens vivant ici, dans ces habi­ta­tions ouvertes aux quatre vents dans ces régions mon­ta­gneuses où les hivers peuvent se mon­trer rigou­reux et sou­vent ennei­gés. Par­tout dans la ville, ces motifs d’or­ne­ments accro­chés aux lin­teaux, sous les fenêtres, des formes de coquilles qui font par­fois pen­ser à un ersatz d’art isla­mique, mais qui vient en réa­li­té en droite ligne de l’hé­ri­tage grec.

Je m’ar­rête quelques ins­tants dans la ville pour ache­ter deux très belles nappes en tis­sus épais,  une rouge et une bleue, nappe ou jeté de cana­pé, c’est du pareil au même. Le vieil homme qui tient la bou­tique a la même tête que son fils, pas fran­che­ment turque… Le fils me dit que son père s’ap­pelle Cavit (dja­vit), et que c’est la trans­crip­tion turque de David, un pré­nom qui ne sonne pas fon­ciè­re­ment musulman…

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 156 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 157 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 158 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 159 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

La lumière décroit et je sais que dans ces régions de mon­tagne le soleil tombe brus­que­ment, la nuit encore plus et je suis loin de mon point d’at­tache, alors je reprends un peu à contre-cœur la route. Je remonte sur Ürgüp, seule route que je connais pour reve­nir sur mes pas, et par un heu­reux hasard, je tombe sur un pan­neau que je n’ai pas vu dans l’autre sens, pour la simple et bonne rai­son qu’il n’y en a pas quand on vient d’Ürgüp. Un simple pan­neau indique Pan­carlık Kili­se­si. J’a­voue être intri­gué par ce nom dont je sais qu’il signi­fie bet­te­rave. Il fait encore un peu jour, alors j’y vais. Un je-ne-sais-quoi de fris­son me par­court l’é­paule, quelque chose qui ne pour­rait me faire recu­ler pour rien au monde et qui me pousse en avant. Un vent ter­rible souffle dans cette val­lée. Je tombe sur un autre pan­neau, au pied d’une grosse pro­tu­bé­rance de tuf, por­tant le nom de Sarı­ca. Un petit par­king en contre­bas, un che­min qui par­court l’é­pine dor­sale sur un che­min de revê­te­ment qu’on sent récent et je tombe devant l’en­trée d’une église (fer­mée bien évi­dem­ment) mais dont je pressent qu’on a tout fait pour la main­te­nir en bon état. Un coup de lumière à l’in­té­rieur me révèle sur un sol propre et nive­lé, de très jolies cou­leurs, des rouges sang appli­qués sur les murs sous forme de motifs ornant des arcades nettes et des cha­pi­teaux fine­ment tra­vaillés. Un pan­neau annonce que la Sarı­ca kilise a été récem­ment réno­vée, un revê­te­ment imper­méable pro­té­geant le cône sous lequel elle se trouve des infil­tra­tions qui pour­raient conti­nuer à rava­ger l’église.
En contre­bas, un champ noir­ci. Quelque chose a brû­lé ici, sous l’ef­fet d’une volon­té ou par la grâce de la séche­resse. Au bout de quelques minutes je m’a­per­çois que les deux pro­émi­nences face à moi ne sont pas que de simple cônes de tuf, mais ce sont encore des églises, creu­sées, dont on peut voir les colonnes et les arcades ouvertes, lieux de culte éven­trés par le vent, rava­gés par le temps, c’est Byzance à ciel ouvert. Je prends un malin plai­sir à m’im­pré­gner du lieu sous une lumière rosée, un chape de char­bon à l’ho­ri­zon déco­rée d’une guir­lande de fes­tons oscil­lant entre le rose et le jaune dans une coton­nade de nuages moel­leux, cou­vrant le pay­sage d’une onde rou­geoyante tan­dis que le vent souffle de plus belle et finit par faire mal aux oreilles. Au loin, un champ brûle. Poli­tique de la terre brû­lée ? Je n’ar­rive pas à savoir si c’est une pra­tique cou­rante ici où si quelque chose déclenche ces incen­dies sur ces terres pous­sié­reuses et sèches.

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 163 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 162 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 165 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 174 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 176 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 181 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 184 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 187 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 195 - Mustafapaşa - Eglises de Sarıca

Je visite les deux petites églises, dra­ma­ti­que­ment éro­dée par l’eau qui est venue dans les moindres inter­stices, ron­ger les parois et les poly­chro­mies lais­sées au vent ; autant dire qu’elles n’en ont plus pour long­temps. C’est à la fois le drame et la belle par­ti­cu­la­ri­té de ces églises… A l’a­bri de la lumière, les cou­leurs ont gar­dé tout leur mor­dant et leur fraî­cheur, mais la roche qui per­met ceci est aus­si friable et instable qu’elle accroche par­fai­te­ment le pig­ment. Dans quelques années, l’eau aura tout ron­gé, et à part quelques pièces dignes d’in­té­rêt, elles ne seront pas pro­té­gées et lais­sées dans cet état jus­qu’à ce qu’elles finissent dis­soutes comme un cachet d’as­pi­rine dans un verre d’eau…

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 203 - Mustafapaşa - Pancarlık Vadisi ve Kilisesi

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 207 - Mustafapaşa - Pancarlık Vadisi ve Kilisesi

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 208 - Mustafapaşa - Pancarlık Vadisi ve Kilisesi

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 210 - Mustafapaşa - Pancarlık Vadisi ve Kilisesi

Turquie - jour 19 - De Çavusin à Mustafapasa - 211 - Mustafapaşa - Pancarlık Vadisi ve Kilisesi

Je reprends la voi­ture et je conti­nue mon che­min un peu plus loin. je vois des pan­neaux indi­quant d’autres églises : Kepez, Kara­kuş… que je ne visi­te­rai pas. Je des­cends vers le lieu que poin­tait le pan­neau à l’en­trée de la val­lée, Pan­carlık. L’é­glise aux bet­te­raves est fer­mée à cette heure-ci, il fau­dra que je revienne un autre jour pour la voir. Je m’ex­ta­sie sur la petite cabane qui se trouve à l’en­trée et qui doit abri­ter le gar­dien pour ses jour­nées de visite. Un lieu char­mant. Un petit cana­pé devant une table, le tout orien­té vers le monas­tère dépen­dant de l’é­glise, sous un auvent de for­tune, un porte cartes pos­tales où se débattent au vent une dizaine de cartes dif­fé­rentes, aux cou­leurs pas­sés, lais­sées là. Der­rière, une cabane d’où dépasse un tuyau de poêle, des bon­bonnes d’eau, un petit pan­neau cloué sur la poutre indique le prix de l’en­trée : 4.00 TL, très pré­ci­sé­ment. A côté du cana­pé, une pelle qui a ser­vi à faire un tas de déchets, une âtre creu­sée dans la pierre porte une grille sous laquelle des paquets de ciga­rettes vides ser­vi­ront à amor­cer le feu pour pré­pa­rer le thé dans la théière qui, elle, attend sage­ment sur la grille. J’aime ces lieux vivants qui racontent la vie d’une jour­née, même lorsque les occu­pants ont tout lais­sé là et s’en sont allés chez eux, comp­tant sur la bien­veillance des visi­teurs éven­tuels pour ne rien van­da­li­ser. J’aime ces lieux qu’on peut tra­duire en gestes du quotidien.

Il est tard à pré­sent, les lumières des villes alen­tours com­mencent à poindre dans la soli­tude de cette val­lée iso­lée. Je prends une pho­to de la voi­ture dans ce pay­sage de rêve, qui achève cette jour­née fabu­leuse, pleine de sur­prises et de rebon­dis­se­ments, des jour­nées comme j’ai­me­rais en vivre des cen­taines par an, des jour­nées qui rem­plissent l’âme.

Je finis ma jour­née au Fırın Express à Göreme, d’un ada­na kebap (le plus épi­cé de tous) et d’un jus de cerise (vişne suyu). J’ai remar­qué que cer­taines per­sonnes qui vivent ici ne disent pas gueu­ré­mé, mais gueu­rèm. Peut-être l’in­fluence du fran­çais, seconde langue mater­nelle de la Cappadoce.

Ce soir, je me couche tôt, car demain, je me lève à 4h00…

Voir les 211 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

Loca­li­sa­tion sur Google maps :

  1. Eglise de Nicé­phore Pho­cas à Çavuşin
  2. Ava­nos, ate­lier de Mehmet
  3. Sarı­han Kervansaray
  4. Aktepe
  5. Devrent vadi­si
  6. Mus­ta­fa­paşa
  7. Val­lée des églises à Mus­ta­fa­paşa (monas­tère Saint-Nicolas)
  8. Pan­carlık et Sarı­ca (l’emplacement n’est pas tout à fait exact, j’ai déjà eu du mal à retrou­ver le lieu sur place une deuxième fois, alors sur une carte satel­lite, hein…)

Liens :

  1. Vidéo (en turc, déso­lé) sur le Sarı­han Kervansaray
  2. Site sur la conser­va­tion de la Sarı­ca Kilise
  3. Site (en turc, encore) sur le patri­moine de la val­lée de Pancarlık

Épi­sode sui­vant : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 15 août) : La Cap­pa­doce vue des airs et les cités sou­ter­raines de Tat­la­rin et Derinkuyu

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