La val­lée des rubis #2

La val­lée des rubis #2

Je ne vous mène pas à l’in­té­rieur, dit Maung Khin Maung, et sa voix expri­mait une émo­tion sin­gu­lière. Il fau­drait des jours et des jours, et encore vous n’au­riez fait qu’une par­tie du che­min. Je ne crois pas qu’il existe aujourd’­hui un mineur, même par­mi les plus vieux, qui connaisse entiè­re­ment les gorges sou­ter­raines à quoi conduit cette cre­vasse. Toute la mon­tagne est creuse. On fouille là depuis des siècles. Aux gale­ries, aux caves et aux grottes natu­relles, les mineurs de rubis ont ajou­té par cen­taines, cou­loirs, niches, cel­lules, alvéoles. Dans tous les sens. A tous les niveaux. Sur le flan des abîmes obs­curs. Au fond des gouffres noirs. Là même où reposent les osse­ments immenses des bêtes qui n’existent plus sur terre… Les sque­lettes des Grands Élé­phants Morts.

Joseph Kes­sel

La val­lée des rubis, Gal­li­mard, 1955

Read more
La ten­ta­tion de l’Oc­ci­dent #3

La ten­ta­tion de l’Oc­ci­dent #3

Les formes suc­ces­sives d’une âme n’ont pas d’autre rap­port entre elles que celui qu’ont le nuage et les plantes que sa pluie fait croître. Vous savez que la créa­ture n’a aucun sou­ve­nir de ses états anté­rieurs. Il est dif­fi­cile de limi­ter cette idée avec des paroles d’Europe. Du moins puis-je dire que ce qui a été tra­duit par « Tu renaî­tras cha­cal » le serait moins mal par « de tes actes, à ta mort, un cha­cal naî­tra ». Car il s’agit là d’exprimer la pen­sée de races pour les­quelles le cha­cal ne sait pas qu’il fut homme, n’est sou­mis qu’à des lois ani­males ; pour les­quelles la des­ti­née n’est point mar­quée par la conscience que l’individu en prend, mais par l’infime chan­ge­ment qu’elle apporte au monde.

André Mal­raux

La ten­ta­tion de l’occident , Pléiade, 1926

Read more
Ang­kor #1

Ang­kor #1

De retour, dix ans plus tard, dans son musée d’en­fant, il sent la même odeur de mort. Même les rêves d’en­fant ne sont pas immor­tels et se couvrent de pous­sière. Cette triste décou­verte donne à Loti le sens du voyage d’Ang­kor comme d’une leçon de sagesse que le cré­pus­cule de la vie seul devait rendre lisible. Le voya­geur est deve­nu pèle­rin en accé­dant enfin à lui-même et au sen­ti­ment reli­gieux qui per­met de contem­pler la mort : la « Pitié suprême ».

Émi­lie Cappella

Le cré­pus­cule à Ang­kor, in Pierre Loti, Ang­kor, Édi­tions Magellan

Read more
La ten­ta­tion de l’Oc­ci­dent #3

La ten­ta­tion de l’Oc­ci­dent #2

Mal­gré sa puis­sance pré­cise, le soir euro­péen est lamen­table et vide, vide comme une âme de conqué­rant. Par­mi les gestes les plus tra­giques et les plus vains des hommes, aucun, jamais, ne m’a paru plus tra­gique et plus vain que celui par lequel vous inter­ro­gez vos ombres illustres, race vouée à la puis­sance, race désespérée…

André Mal­raux

La ten­ta­tion de l’occident , Pléiade, 1926

Read more