Je reprends le maquis quelques ins­tants, comme un acci­dent au beau milieu de la nuit. Il est 4h03.
Je suis réveillé depuis 2h30 envi­ron, la gorge en feu, l’en­vie de dor­mir s’est évanouie.
L’es­pace de quelques minutes, je décide de ter­mi­ner enfin la lec­ture de Tout bouge autour de moi de Dany Lafer­rière que j’a­vais com­men­cé avec pré­ci­pi­ta­tion et délec­ta­tion, mais com­ment peut-on se délec­ter d’un livre qui parle d’une tra­gé­die, sans fata­lisme ni pathos, mais avec des mots simples et des phrases courtes qui vous remuent les tripes à chaque page ? Même en n’ayant aucun rap­port avec Haï­ti, on ne peut que s’in­cli­ner face à la dou­leur des vic­times et au cou­rage des gens. Au-delà de la beau­té du chant, on ne célèbre plus les res­ca­pés mais des bribes de cette ten­dresse du monde dont parle Lafer­rière. Haï­ti est ce parent pauvre dont on ne par­lait pas, par pudeur, et qui a fini par atter­rir sur le devant la scène par la mau­vaise porte.
Un oiseau chante dehors, il est beau­coup trop tôt pour lui, comme pour moi.

silence

Je n’aime pas me lever au milieu de la nuit lors­qu’au fond résonne la pro­messe d’un som­meil qui ne s’a­chè­ve­ra pas. On y pense beau­coup trop et j’ai de la peine à lire long­temps lorsque le jour n’est pas là et je romps le rituel qui consiste à lire pour m’en­dor­mir, calé dans mes oreillers. 4h00 de la nuit, une sale heure. Je n’aime plus la nuit pour y faire autre chose que dor­mir, alors je me bats avec mes pen­sées, je refais ma jour­née et je pré­pare la pro­chaine, sans convic­tion, dans une année qui com­mence sans cou­leurs, engon­cée dans un som­meil gris.
Je n’at­tends rien et me demande bien ce que je pou­voir lire en atten­dant. En atten­dant qui ?
Il n’y a per­sonne alentour.

On m’a inter­pel­lé same­di en me deman­dant si les livres de ma vie n’é­taient pas un rem­part, une bar­rière de corail entre le monde exté­rieur et mon cocon, une manière aus­si de nier le monde qui m’en­toure. Je n’ai pas su quoi répondre ; il y avait cer­tai­ne­ment du vrai.

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