Il est sor­ti comme ça, tout dis­crè­te­ment, une semaine où les navets étaient à l’hon­neur, et c’est à peine si on en a enten­du par­ler. Isao Taka­ha­ta vient de sor­tir son der­nier film en France, Le conte de la prin­cesse Kaguya (Kaguya-hime). Contrai­re­ment à ses pré­cé­dents films, celui-ci n’est pas une ani­ma­tion colo­rée dans le droit style du stu­dio Ghi­bli comme on a pu le voir dans Pom­po­ko par exemple, un de ses films les plus colo­rés, à la fois enga­gé et très tra­di­tio­na­liste, mais un chef‑d’œuvre épu­ré à l’ex­trême ; tout ici est des­si­né au fusain, image par image et colo­ré au pas­tel, puis mon­té dans une volon­té claire de faire au plus simple. Les habi­tués des ani­ma­tions Ghi­bli y per­dront peut-être leur latin, mais ce qui en res­sort est un film qui fina­le­ment s’af­fran­chit vrai­ment du conte pour enfant et reste cruel comme savent l’être les contes tra­di­tion­nels japonais.

Le conte de la princesse Kaguya (Kaguya hime no monogatari)

Un cou­peur de bam­bou trouve un jour dans la bam­bou­se­raie du vil­lage, une toute petite fille à l’in­té­rieur d’une grosse pousse. Il la recueille et très vite elle gran­dit, beau­coup plus rapi­de­ment qu’une petite fille nor­male, et son père adop­tif, convain­cu que cette fillette lui a été envoyée pour qu’il en fasse une prin­cesse, va l’ex­traire de sa pau­vre­té et du vil­lage dans lequel elle gran­dit pour qu’elle devienne la plus grande prin­cesse de la cour. A l’aide d’or et de tis­sus qu’il trouve éga­le­ment dans la bam­bou­se­raie, il va la faire se parer des plus beaux atours du Japon afin qu’elle puisse trou­ver le plus beau par­ti de la région. Seule­ment, la jeune fille reste une petite fille de la cam­pagne et elle ne songe qu’à s’a­mu­ser et à cou­rir en tous sens. Devant la pres­sion de son père, elle fini­ra par abdi­quer et à faire ce qu’on attend d’elle.

Isao Takahata par Nicolas Guérin

Isao Taka­ha­ta par Nico­las Guérin

Dans ce film un peu long (ce qui me fait dire aus­si que 2h17 c’est un peu long pour une ani­ma­tion pour des enfants), on est fina­le­ment assez trou­blé de voir à quel point cette jeune fille aux pou­voirs sur­na­tu­rels résiste dans un pre­mier temps, abdique ensuite, pour fina­le­ment se rendre compte que son atti­tude désin­volte n’a fait que semer le trouble et la mort autour d’elle. Pour­tant, il est impos­sible de lui repro­cher quoi que ce soit, tant elle est belle et mutine. Celle qui devien­dra la prin­cesse Kaguya fini­ra par refu­ser la mis­sion qui était la sienne et ne pour­ra faire autre­ment que de retour­ner de là où elle vient.
Loin de la farce bur­lesque de Pom­po­ko ou du tra­gique allé­go­rique du Tom­beau des lucioles, ce film reste comme une perle fine, dont le des­sin empor­té est comme un pied-de-nez à la haute tech­no­lo­gie uti­li­sée en dépit du bon sens. Un très beau film qui néces­site une écoute silencieuse.

Une ver­sion du conte du Cou­peur de bam­bou.

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