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En train d’at­tendre mon fils qui tente avec dif­fi­cul­té de trai­ner l’ar­chet de crin sur les cordes de son vio­lon­celle, un vieux mon­sieur assis à côté de moi me demande avec un léger accent du sud-ouest si j’ai suf­fi­sam­ment de lumière pour lire. Il a la peau tan­née, ridée, le nez rose de soleil et de beaux che­veux blancs bien propres, de grandes jambes fines que son short découvre. Son fils le rejoint. Tout aus­si grand, élé­gant. L’un attend son fils, l’autre son petit fils. Le grand-père a une gâte­rie dans sa poche pour le petit mais le père ne le sait pas, il me montre le sachet de bon­bons en me fai­sant un clin d’œil com­plice. Je lui sou­ris ten­dre­ment. C’est tou­jours gen­til les pépés. Sinon ils n’au­raient pas de petits enfants. A l’é­tage du des­sous joue Isa­belle. Elle me confie qu’au­jourd’­hui elle n’a per­sonne, ses élèves ne sont pas venus, mais les musi­ciens ça ne perd pas son temps le nez en l’air à regar­der les mouches, alors elle joue du vieux fla­men­co espa­gnol, si vieux qu’on le croi­rait ara­bo-anda­lou, une main leste et pré­cise qui frappe le corps de la gui­tare et caresse les cordes à toute vitesse. C’est une dame d’un cer­tain âge que j’ai sou­vent vue trai­ner au bis­trot, des manières de bon­homme et quelques kilos en trop. Elle a le cou raide, des che­veux roux fri­sés et un regard vif qui voit par en-des­sous. Elle me parle de son grand-père qui était méde­cin et musi­cien, du fla­men­co qu’elle jouait près de la fron­tière au nez et à la barbe de son pro­fes­seur, de for­ma­tion plus clas­sique qui lui disait qu’elle lui fai­sait des infi­dé­li­tés avec sa gui­tare espa­gnole, mais elle me dit que la musique est un plai­sir alors vaya con dios… Elle parle du luth comme per­sonne et me dit qu’elle se fout de tout, elle a de l’argent, un appar­te­ment, une rési­dence secon­daire et qu’elle fait ce qu’elle veut sans rendre de comptes à per­sonne. Tout ce qu’elle aime c’est par­ta­ger son goût de la gui­tare, alors elle ne fait que ça, don­ner des cours. Alors moi, moi qui ai fait de la gui­tare, je me dis ben tiens, quoi de mieux que de reprendre. Autant par­tir avec quel­qu’un de pas­sion­né dans cette nou­velle aven­ture. Les cours du Louvre s’ar­rêtent, je m’en vais de ce pas m’a­che­ter une fla­men­ca, et c’est reparti…

Là haut, John McLaugh­lin, Paco de Lucia, Al di Meo­la, Medi­ter­ra­nean Sun­dance / Rio Ancho sur l’al­bum Fri­day night in San Fran­cis­co, 1980
Et puis bon, quand on voit les trois lou­lous jouer ensemble

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