La jalou­sie est un sen­ti­ment atroce. Atroce parce que dévas­ta­teur et sur­tout parce qu’il est incon­trô­lable et qu’il mène à la vacui­té la plus pro­fonde. Je parle de la vraie jalou­sie, pas ce truc mala­dif d’a­do­les­cent qu’é­prouvent cer­taines per­sonnes qui ne sup­portent pas qu’on s’ap­proche de trop près de l’être aimé, mais cette vague de néant qui nous sub­merge quand l’être aimé en aime un autre. C’est une construc­tion com­plexe qui impose de s’af­fran­chir du réel pour se réfu­gier dans une par­celle incon­nue de l’ac­ti­vi­té habi­tuelle, dans laquelle plus rien n’a de jus­ti­fi­ca­tion et où l’on peut fomen­ter les plans les plus hor­ribles. Là où la jalou­sie prend la forme la plus laide, c’est lors­qu’on s’ac­croche à une espé­rance qui dis­pa­raît de manière défi­ni­tive, de telle sorte qu’on doive faire son deuil de l’être aimé.

C’est éga­le­ment une incroyable bles­sure à l’a­mour propre. C’est sur­tout l’é­go qui en prend un coup. Un coup de poing dans le dia­phragme qui coupe net la res­pi­ra­tion. Rien de moins. Et ensuite il faut apprendre à arrê­ter les nau­sées, sen­tir ses doigts bou­ger, se faire une rai­son (se faire un shoot ?), rete­nir les larmes, recom­men­cer depuis le début, se tordre les doigts, se dire que c’est fini, ne pas trop s’u­ser, reprendre un peu de cette joyeuse souf­france qui gratte sous les os, se dire qu’il faut avan­cer, s’at­te­ler à l’ar­chi­tec­ture du néant mais pour aller où, pour s’en­fer­mer dans l’in­con­sis­tance, les nour­ri­tures ter­restres n’y suf­fi­ront pas, toutes les lec­tures du monde ne vous ramè­ne­ront pas cette femme. Et pour reprendre une expres­sion que je lis tous les jours, il faut in fine se résoudre à vali­der encore et encore cette forme de renoncement.

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