À l’heure de Sapporo
[audio:be.xol]Be with…
Elle, aux environs de Sapporo… Pourquoi pas après tout…
Be with…
Elle, aux environs de Sapporo… Pourquoi pas après tout…
Elle porte un joli prénom la donzelle, de ceux qui retiennent l’attention mais décidément, non désolé mais je n’arrive pas à m’en souvenir… Eurydice, Eulalie, Perséphone… Non. Physalie. Physalie du grec — Physalie nous fait réviser nos racines grecques à moindres frais — φυσαλίς qui signifie bulle d’eau, ce qui est faux puisque ce n’est pas une bulle d’eau mais bien plutôt une bulle d’air flottant sur l’eau. On l’appelle également Galère portugaise (Portuguese man-of-war en anglais), allez savoir pourquoi, je ne l’ai pas vue arborer pavillon rouge et vert, ni même chanter un air triste de fado. Je l’ai connue sur les bords du rivage sur une plage sableuse d’Oléron en la confondant d’abord avec une bouteille en plastique. Malheureusement, rien n’est plus banal que de trouver, flottant sur l’onde légère, une bouteille en plastique sur les côtes, presque plus banal qu’un animal marin. J’aurais pu être pris dans ses filaments, mais c’est à croire que mon heure n’était pas venue, elle a jeté son dévolu sur un ado en lui scarifiant les bras.
La physalie n’est pas une méduse mais un siphonophore, et ce n’est pas non plus un animal mais réellement plusieurs, c’est une sorte de colonie sur mer, un kibboutz flottant. Constituée de plusieurs sortes d’organismes, les polypes et les médusoïdes, qui s’agrègent entre eux pour former une véritable communauté d’intérêt, c’est une étrange chose que cette bestiole qui vient s’aventurer jusque chez nous. La partie haute, flottante, est en réalité un pneumatophore (encore une petite révision de grec ancien, pneuma = air et phoros, phorein = contenir ou porter) qui permet à l’organisme de se maintenir à la surface de l’eau (ce biotope est nommé neuston, interface entre l’eau et l’atmosphère) et de se faire pousser par le vent. La physalie se nourrit grâce aux filaments, des polypes nommés nématocystes, qui dérivent dans l’eau et paralysent leurs proies grâce au venin de leurs cellules urticantes. Les nématocystes ramènent les petits poissons jusqu’au polypes nommés gastrozooïdes, faisant office d’estomac pour la colonie. Le quatrième type de polype composant la colonie sont les gonozoïdes, en charge de la reproduction.
L’animal est peu sympathique d’autant que sa capacité de nuisance est grande. Sa brûlure est tellement douloureuse qu’elle peut provoquer une syncope, voire la mort par noyade si celle-ci intervient en pleine nage. La présence de ces physalies sur les côtes atlantiques est pour l’instant anecdotique, bien réelle malgré le fait que les communes de bord de mer communiquent peu sur le phénomène (on peut se demander pourquoi), mais elle tend à augmenter par une triste série de réactions en chaîne. En effet, la tortue caouanne, son principal prédateur est elle-même en voie de disparition. Se nourrissant principalement de petits mollusques et crustacés, elle confond souvent physalies et sacs en plastiques flottant à la surface, avec lesquels elle s’étouffe facilement. Les populations augmentent ainsi de manière impressionnante et certains spécimens vivant spécifiquement sous les tropiques arrivent à dériver jusque chez nous, dans des eaux sans prédateurs sérieux…
Retour des Atlantiques, la fleur au fusil et des larmes de joie dans les yeux. J’étais parti en pensant mitrailler, écrire, filmer, lire, et je n’ai pas fait la moitié de ce que je m’étais prévu.
Rien écrit. Deux pages, autant dire rien.
Je n’ai pas photographié, ou très peu en fin de séjour sur les côtes bretonnes entre chien et loup lorsque la vie prenait fin sur le littoral.
Je me suis reposé. Après avoir fait filer le sable entre mes doigts de pied, j’ai eu un besoin de rochers et de petits cailloux.
Je n’ai rien fait du tout.
Beaucoup lu. C’est sympa les vacances avec moi. La plupart des livres que j’avais emmené ont été lus mais j’ai quand-même écumé toutes les librairies que j’avais à proximité. Librairie des Pertuis à Saint-Pierre d’Oléron, à deux pas de la maison des aïeules où git la dépouille de Loti, librairie du renard à Paimpol, librairie le bel aujourd’hui à Tréguier, librairie Gwalarn à Lannion, je les ai toutes visitées, dépouillées, et je suis revenu, une fois de plus avec quatre fois plus de livres qu’au départ.
J’ai mangé des moules poisson-rouge, chorizo et poivrons, sauce tomate et vin blanc.
J’ai diné chez Sophie, dans sa maison face à la baie, bu ses paroles, écouté chanter sa voix douce.
Je me suis laissé pousser la barbe et puis je l’ai rasée, elle me chatouillait.
J’ai bronzé, je me suis laissé dorer au soleil.
J’ai lu les cartes marines.
J’ai rêvé. J’ai parlé en songe à mon grand-père, c’était chaud et doux. J’ai su alors que ce serait une autre fois sans lui.
C’était des vacances, je n’étais pas là, je me suis vraiment absenté, il fallait bien ça. A présent, j’ai du mal à remettre les pieds dans les étriers, mais je suis revenu avec un nouveau travail, une rage de dents, des migraines ophtalmiques et quelques mots griffonnés sur mon carnet :
Tout ce silence ondule sur toi, comme de longues herbes.
Tu me fais me sentir poète.
A présent, plus rien ne sera pareil.
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