Le soir m’a livré corps et bien aux tourbillons de tourments, une altercation avec mes rêves et je suis au regret de devoir refuser la proposition de mon lit, décliner poliment l’invitation au sommeil. C’est décidé, l’insomnie aura toute autorité sur mon esprit, jusqu’à preuve du contraire. Je me suis réveillé au beau milieu de la nuit pour fêter la vacuité des instants calmes à grands renforts de demi croches silencieuses, le ventre sommé de souffrir d’un mal qui ressemble à de la déception. Les minutes s’égrènent au rythme d’un chant léger et lointain, un oiseau à l’allure attendrie, perché certainement sur une des plus hautes branches d’un peuplier dormant, volatile dont le nom est inconnu jusqu’au prémices du jour. Nous sommes le quatorze juillet, jour de gloire nationale qui marque chez moi tous les ans le départ de pensées que je ne m’explique pas, des sales souvenirs, des secrets dont on ne parle à personne d’autre qu’aux pages de son journal intime… que je brade au nom des principes de l’effacement ; encore une fois, esthétique de la disparition. A force de disparaître, je vais bien finir par m’évanouir, que ce soit dans les bras de Morphée ou dans les rues poussiéreuses d’un souk, une grande ville de l’Orient qui me tend les bras, me bande les muscles. La nuit n’en est qu’à ses débuts et ce que je fais est proche de la folie, je m’étais dit qu’un jour je cesserais d’écrire, laisser couler le poison le laisser venir jusqu’au cœur dans une étreinte de passions oppressantes et puis non un dernier sursaut toujours déjà en train de tarir les sources de l’affliction, je me retrouve nu devant mon clavier à fournir encore et toujours des prétextes à une écriture que je ne pensais plus pouvoir maîtriser ; volontairement en processus d’acculturation, je voulais me désengager, redevenir idiot, tomber au fond déposer les armes mourir d’un coup et l’envie est toujours là, intacte, même plus belle qu’auparavant comme ces gloires passées que la patine du temps a cru bon de devoir polir comme les flancs d’une lampe à huile découverte dans les sables du désert.
Il s’en est fallu de peu, j’étais prêt à tout laisser tomber, dépôt de bilan factuel signifiant que les temps étaient révolus, résolu que j’étais à ne plus jamais reprendre du service, l’écriture trop lointaine déjà avait quitté son corps comme la vie qui s’en va dans un dernier souffle presque tangible. J’entends les touches de mon clavier brinqueballer au beau milieu de la nuit et de cette incongruité passagère me naissent des idées. Tout d’abord la faim, combler la faim d’une insomnie que je vide à coup de restes de pommes de terre cuites à l’eau que j’écrase avec un peu de beurre pour le laisser fondre et puis quelques verres d’eau pétillante, peur de rien. Mes lectures m’ont tenu en éveil, m’ont gardé au creux de leurs mains. Je continue. Je tente encore de croire qu’il y aura toujours plus d’après, autant d’après qu’il y eut d’avant. La nuit me tient chaud et me ligote à ses désirs. Il y a une vie pour ceux qui osent encore rêver, c’est la seule chose tangible qu’il m’ait été donné d’apprendre ces dernières années, même si c’est toujours aussi éprouvant et d’une terrifiante torture que de vouloir s’extirper des mains du marasme, lorsqu’enfin, j’en arrive à vouloir sourire encore, même si mes yeux ne cessent de s’embuer des souvenirs de celui qu’on m’a enlevé.
Très beau texte !
l’abandon à la Vie, .…. jusque dans le coeur du coeur …
Merci postscriptum…
Dom : Oui s’abandonner à la vie est le meilleur moyen de ne pas se laisser submerger, j’atteste !