La Phry­gie fait par­tie des anciennes régions de l’ac­tuelle Tur­quie, située à l’ouest d’Anka­ra, au sud de Bur­sa et au nord de Konya. Les ori­gines du peuple phry­gien demeurent incer­taines, même si ce qu’on sait d’eux, c’est qu’ils ont réoc­cu­pé d’an­tiques sites hit­tites comme Hat­tu­sa (Hat­tuşaş), Ala­cahöyük ou Alişar, situés un peu plus à l’est de cette aire géo­gra­phique. Glo­ba­le­ment on attri­bue à la Phry­gie l’es­pace situé entre la Lydie et la Cap­pa­doce et une his­toire s’é­ta­lant entre le XXè et le VIIè siècle av. J.-C.

Tumulus de Gordion (Midas Tümülüsü). Photo © Sarah Murray

Tumu­lus de Gor­dion (Midas Tümülüsü). Pho­to © Sarah Mur­ray

Dans la Table des Nations, le peuple phry­gien est asso­cié à Méshek (Moshek), le sixième fils de Japhet (Gn 10:2; 1 Ch 1:5) et l’on pense qu’ils ont par­ti­ci­pé aux grandes des­truc­tions liées aux mys­té­rieux Peuples de la mer. Sa capi­tale est la ville de Gor­dion, fon­dée par un per­son­nage dont on ne sait que la légende ; Gor­dias. Le roi phry­gien, selon cer­tains mythes grecs et selon des textes assy­riens du VIIè siècle av. J.-C, aurait dédié un cha­riot, sym­bole de royau­té, sur lequel il aurait lié autour du timon un nœud d’une com­plexi­té extrême que seul le futur maître de l’A­sie pour­rait défaire ; le fameux nœud gor­dien dési­gnant par ana­lo­gie un pro­blème com­plexe. Celui qui défit le nœud, tou­jours selon la légende aurait été Alexandre le Grand, qui de son épée le tran­cha net, cer­tai­ne­ment un peu éner­vé de n’a­voir pu réus­sir à le dénouer selon les méthodes tra­di­tion­nelles ; en effet, pour défaire un nœud, il faut en trou­ver au moins une des extré­mi­tés, mais celui de Gor­dias était un nœud ren­tré. Tou­jours selon la légende. On ima­gine par­fai­te­ment que cette légende soit venue s’ag­glo­mé­rer au fait qu’A­lexandre ait conquis l’A­sie, lequel n’a cer­tai­ne­ment pas eu besoin de cette his­toire de nœud à tran­cher pour accom­plir ses exploits. On ima­gine aus­si Arthur décou­pant le rocher à la dis­queuse pour s’emparer d’Excalibur.

Tumulus de Gordion lors de son excavation en 1957

Tumu­lus de Gor­dion lors de son exca­va­tion en 1957

Un autre Phry­gien célèbre n’est autre que le fils de Gor­dias, por­tant le nom de Midas (Mita). La légende raconte que la ville de Gor­dion est mise à sac par les armées des Cim­mé­riens et que le bon tyran se sui­cide en buvant du sang de Tau­reau (Pline l’An­cien rap­porte que le sang de tau­reau frais coa­gule et dur­cit rapi­de­ment lors­qu’il est encore frais). La légende la plus connue par­lant de Midas est celle selon laquelle il aurait ren­con­tré le satyre Silène ivre mort, l’au­rait recueilli le temps de cuver son vin et l’au­rait rame­né auprès de Dio­ny­sos, son com­pa­gnon de bois­son et acces­soi­re­ment fils adop­tif du satyre. En récom­pense, le dieu lui aurait don­né la pos­si­bi­li­té de réa­li­ser son vœu le plus cher : Midas, un peu vénal, vou­lut trans­for­mer tout ce qu’il tou­chait en or et fut exau­cé, mais lors­qu’il se ren­dit compte que sa nour­ri­ture et sa bois­son se trans­for­maient éga­le­ment en or, il implo­ra Dio­ny­sos de le gué­rir. Il invi­ta le roi à se laver les mains dans la rivière Pac­tole (Πακτωλός), un petit tor­rent de mon­tagne aux pro­prié­tés auri­fères appe­lé aujourd’­hui Sart Çayı, éga­le­ment à l’o­ri­gine de la richesse du mythique Cré­sus.

 Façade de la tombe de Midas, planche tirée de G. Semper, Der Stil, Munich, 1860


Façade de la tombe de Midas, planche tirée de G. Sem­per, Der Stil, Munich, 1860

La ville de Gor­dion pré­sente éga­le­ment un immense tumu­lus funé­raire dont le riche conte­nu atteste que la richesse de Midas n’est pas qu’une légende, même si on attri­bue de manière qua­si­ment cer­taine cette tombe à son père. A l’in­té­rieur de cet édi­fice funé­raire, on trouve éga­le­ment des élé­ments de main­tien d’é­poque, en bois dans un état de conser­va­tion remar­quable, d’arbres dont on ne trouve plus aujourd’­hui trace dans la région.

L'archéologue Federico Halbherr devant le mur du Code de Gortyne vers 1900

L’ar­chéo­logue Fede­ri­co Halb­herr devant le mur du Code de Gor­tyne (écrit en bous­tro­phé­don) vers 1900

La langue qu’ont adop­té les Phry­giens est lisible sans être par­fai­te­ment com­prise et pro­vient des prin­ci­pau­tés hit­tites et plus anté­rieu­re­ment du phé­ni­cien, tout en adop­tant des simi­li­tudes avec l’al­pha­bet grec. La par­ti­cu­la­ri­té de cette gra­phie consiste dans son écri­ture en bous­tro­phé­don. Ce mot bar­bare venant du grec  βουστροφηδόν signi­fie lit­té­ra­le­ment « bœuf qui tourne », sous-enten­du le mou­ve­ment que fait le bœuf lors­qu’il laboure le champ, qui une fois arri­vé à l’ex­tré­mi­té, repart dans l’autre sens. Une ins­crip­tion en bous­tro­phé­don pré­sente la carac­té­ris­tique de pré­sen­ter une pre­mière ligne écrite à l’en­droit et d’une seconde ligne com­men­çant de la droite et par­tant vers la gauche, en adop­tant de plus un ren­ver­se­ment des lettres en miroir, la troi­sième repart de gauche à droite et écrite à l’en­droit, et ain­si de suite.

Inscription en boustrophédon sur le code de Gortyne - © Agon S. Buchholz

Ins­crip­tion en bous­tro­phé­don sur le code de Gor­tyne — © Agon S. Buchholz

Quant au bon­net phry­gien por­té par les révo­lu­tion­naires fran­çais, il semble que son ori­gine remonte à l’exis­tence d’une tiare en pointe por­tée par le dieu hit­tite de l’o­rage, dont la pointe s’est affais­sée au cours du temps et qui s’est répan­due sur le pour­tour médi­ter­ra­néen. Les Grecs, peu au fait de cette ori­gine, col­por­tèrent cette légende qui veut que le roi Midas qui por­tait cette tiare, le fai­sait pour mas­quer les oreilles d’âne qui lui avaient pous­sé sur la tête. Autant pré­ci­ser que le terme « Phry­gien » dans la bouche d’un Grec ancien n’est pas por­té par la sympathie…

SourcesFatih CimokAna­to­lie biblique, de la Genèse aux Conciles
A Turizm Yayın­ları, İst­anb­ul, 2010

Loca­li­sa­tion sur Google Maps (les noms antiques sont sui­vis de leur nom turc moderne) :

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