Time
Ceci est un interÂmède musiÂcal, avec un morÂceau emblĂ©ÂmaÂtique, un des plus beaux de tous, d’un des albums les plus venÂdus de toute l’hisÂtoire. Pour vous remettre de vos Ă©moÂtions, quelles qu’elles soient…
Time, Dark side of the moon, 1973 (more…)
Read moreOf a fire on the moon
RaconÂter une misÂsion ausÂsi specÂtaÂcuÂlaire que celle qui a emmeÂnĂ© trois hommes sur la lune par une très chaude jourÂnĂ©e de l’éÂtĂ© 1969 n’éÂtait pas Ă la porÂtĂ©e de n’imÂporte qui et il falÂlait a miniÂma l’exÂpĂ©Ârience d’un ingĂ©Ânieur en aĂ©roÂnauÂtique, la plume d’un double Prix PulitÂzer et l’inÂsoÂlence d’un des plus grands Ă©criÂvains amĂ©ÂriÂcains, dĂ©cĂ©ÂdĂ© en 2007, NorÂman MaiÂler. L’inÂtelÂliÂgence de MaiÂler rĂ©side Ă mon sens surÂtout dans cette façon qu’il a de subliÂmer un Ă©vĂ©ÂneÂment dont on connait peu les desÂsous. En effet, l’exÂploit final a quelque peu masÂquĂ© toute l’énerÂgie qu’il a falÂlu dĂ©penÂser, dans une course folle — pour ne pas dire schiÂzoÂphrène —, Ă coups de milÂliards de dolÂlars et après un traÂvail de sape proÂfond sur les menÂtaÂliÂtĂ©s amĂ©ricaines.
Ce qui repoÂsait sur le sucÂcès du vol, c’éÂtait rien de moins que de voir dimiÂnuer la crainte chez les techÂniÂciens dont les libiÂdos Ă©taient priÂsonÂnières de tout le rĂ©seau serÂrĂ© des chiffres.
Tout l’inÂtĂ©ÂrĂŞt du rĂ©cit de MaiÂler se trouve condenÂsĂ© dans ce qu’il nous apprend du rĂ©seau d’énerÂgies ; Ă©nerÂgie cinĂ©Âtique lorsÂqu’il nous dĂ©crit avec prĂ©ÂciÂsion de poids de chaÂcun des modules et la psyÂchoÂloÂgie des machines, le poids d’une fusĂ©e absoÂluÂment Ă©norme — j’ai appris avec une cerÂtaine joie que la pousÂsĂ©e n’est pas la pousÂsĂ©e sur la terre, mais une force qui va Ă l’enÂcontre du poids des proÂpulÂseurs — , Ă©nerÂgies sociales lorsÂqu’un demi-milÂlion d’AÂmĂ©ÂriÂcains se retrouvent aux abords de HousÂton pour suivre le lanÂceÂment de Saturn V en direct, Ă©nerÂgies therÂmiques lorsÂqu’il nous dit pourÂquoi la capÂsule est recouÂverte de tuiles rĂ©fracÂtaires, et les comÂbiÂnaiÂsons de matĂ©Âriau desÂtiÂnĂ©s Ă Ă©viÂter les colÂliÂsions avec des micro-mĂ©tĂ©oÂrites, Ă©nerÂgies sexuelles lorsÂqu’il comÂpare la fusĂ©e au phalÂlus de l’AÂmĂ©ÂriÂcain moyen et la capÂsule Ă sa semence…
La phyÂsique Ă©tait une Ă©tude de l’ordre, du rafÂfiÂneÂment, de la splenÂdeur et du stuÂpĂ©Âfiant mysÂtère des lois qui rĂ©gisÂsaient la nature, une contemÂplaÂtion des forces qui l’aÂniÂmaient ; la construcÂtion mĂ©caÂnique c’éÂtait l’imÂmerÂsion dans le coefÂfiÂcient de glisÂseÂment de l’adhĂ©Âsif appliÂquĂ© Ă l’éÂcrou qui mainÂteÂnait le bouÂlon d’un dix milÂlioÂnième de la concepÂtion totale incarÂnĂ©e dans une machine, cette concepÂtion traÂcĂ©e tout d’aÂbord au tableau noir par un phyÂsiÂcien. D’un coup de craie ! « Ici, nous aurons l’inÂterÂface. Les Ă©tages se sĂ©paÂreÂront. » La phyÂsique Ă©tait donc l’aÂmour et la construcÂtion mĂ©caÂnique le mariage. La phyÂsique, c’éÂtait le sexe, la concepÂtion et la comÂmuÂnion de la famille ; la construcÂtion mĂ©caÂnique c’éÂtait faire sorÂtir les Ĺ“ufs Ă temps. La phyÂsique c’éÂtait remarÂquer tranÂquilleÂment : « DonÂnez Ă un objet une vitesse de onze kiloÂmètres par seconde et il parÂvienÂdra Ă Ă©chapÂper au champ d’atÂtracÂtion de la Terre. » La construcÂtion mĂ©caÂnique, c’éÂtait les cinÂquante ans de fusĂ©es creuÂsant des sillons dans les champs de maĂŻs et preÂnant feu sur leur aire de lanÂceÂment Ă cause des souÂpapes qui n’éÂtaient pas Ă©tanches. La construcÂtion mĂ©caÂnique, c’éÂtait les cinq cent mille hommes qui avaient brĂ»ÂlĂ© leur libiÂdo et triÂmĂ© penÂdant des annĂ©es comme des esclaves pour rasÂsemÂbler un effort colÂlecÂtif sufÂfiÂsant pour ameÂner un vaisÂseau spaÂtial pesant deux mille neuf cents tonnes Ă se souÂleÂver et Ă acquĂ©Ârir une vitesse assez grande pour Ă©chapÂper aux deux mille neuf cents tonnes d’atÂtracÂtion que le champ de graÂviÂtaÂtion de la Terre faiÂsaient peser sur cet astronef.
Mais mieux que parÂtout ailleurs, MaiÂler joue son rĂ´le de gĂŞneur, de truÂblion en jetant sur le pauvre ArmÂstrong son voile noir et pourÂfend Ă coup de sarÂcasmes. Avec de longues phrases et cette souÂplesse dans les mots et leur artiÂcuÂlaÂtion, il dĂ©monte Ă l’éÂpoque dĂ©jĂ le rĂŞve amĂ©ÂriÂcain du banÂlieuÂsard classe moyenne dans son souÂhait de stanÂdarÂdiÂsaÂtion. Un grand moment.
La maiÂson des ArmÂstrong Ă©tait modeste, avec un toit poinÂtu de barÂdeaux bruns. C’éÂtait une maiÂson comme on en trouÂvait un demi-milÂlion d’autres dans les banÂlieues, comÂbiÂnant le style moderne et le style traÂdiÂtionÂnel tout neuf. On y perÂceÂvait des traces de l’auÂberge de camÂpagne anglaise, avec de petites fenĂŞtres et de longues avanÂcĂ©es. La maiÂson pourÂtant Ă©tait situĂ©e dans une rue dont la courbe ne devait rien aux dĂ©amÂbuÂlaÂtions d’une vache mais aux indices favoÂrables sur des tableaux monÂtrant le rapÂport entre le reveÂnu et le prix de revient pour des lotisÂseÂments Ă rues droites. El Lago — c’éÂtait le nom de cette banÂlieue, comme d’autres s’apÂpeÂlaient KingÂston, TimÂber Cove et NasÂsau Bay — Ă©tait un tranÂquille Ă©chiÂquier de petites aveÂnues aux virages soiÂgneuÂseÂment calÂcuÂlĂ©s qui couÂpaient suiÂvant des angles droits raiÂsonÂnaÂbleÂment approxiÂmaÂtifs d’autres aveÂnues pavĂ©es, une impasse par-ci par lĂ , une rue qui dĂ©criÂvait un cercle comÂplet. L’orÂdiÂnaÂteur de l’aÂgence immoÂbiÂlière qui avait fourÂni le plan, dans sa sage façon de disÂtriÂbuer suiÂvant un savant hasard la courÂbure des allĂ©es, avait conçu la logique de cet ensemble avec un tel souÂci de prendre en consiÂdĂ©ÂraÂtion la variĂ©ÂtĂ© des souÂhaits expriÂmĂ©s par les groupes de clients-rĂ©siÂdents situĂ©s Ă ce niveau prĂ©Âcis de reveÂnus-pouÂvoir d’aÂchat, que l’efÂfet gĂ©nĂ©Âral — quel coup pour la bonne volonÂtĂ© de l’arÂchiÂtecte qui avait dĂ©ciÂdĂ© sans doute pour une fois : faiÂsons quelque chose de mieux ! — Ă©tait ausÂsi agrĂ©able et stĂ©Ârile pour l’œil qu’un living-room modèle de grand magaÂsin pour jeunes mariĂ©s acheÂtant Ă crĂ©Âdit avec un budÂget moyenÂneÂment Ă©levĂ©.
PhoÂto © Chris GulÂker
MainÂteÂnant, je me demande simÂpleÂment ce que je vais lire…
Bivouac sur la lune, NorÂman Mailer,
EdiÂtion Robert LafÂfont, colÂlecÂtion Pavillons poche.
La perÂsonne la plus soliÂtaire sur et en dehors de la planète
La lune, les USA, la misÂsion ApolÂlo, les astroÂnautes, l’esÂpace ; autant de sujets auxÂquels je ne me suis jamais de près ou de loin intĂ©ÂresÂsĂ©. PourÂtant cet Ă©tĂ©, Ă la libraiÂrie des PerÂtuis, mon Ĺ“il a Ă©tĂ© attiÂrĂ© par un couÂverÂture pour le moins oriÂgiÂnale, et sans le savoir, j’alÂlais verÂser dans une avenÂture qui me dĂ©passe comÂplèÂteÂment et qui eut lieu cinq ans avant que je ne vienne au monde. J’ai dĂ©couÂvert le livre de Johan HarsÂtad, Buzz Aldrin, oĂą es-tu donc pasÂsĂ© ? et attiÂrĂ© par le petit perÂsonÂnage en pâte Ă modeÂler, j’ai pourÂsuiÂvi en lisant la quaÂtrième de couv’ et j’ai fini par acheÂter le livre.
Quelques jours plus tard, Ă la libraiÂrie GwaÂlarn — mes vacances resÂsemblent finaÂleÂment Ă une pèleÂriÂnage dans les libraiÂries de France —, je tombe sur un livre de NorÂman MaiÂler, le chant du bourÂreau, plus de 1100 pages, un pavĂ© Ă©norme, peu digeste tanÂdis que le soleil resÂplenÂdit dehors. Je le repose et trouve un peu plus loin un autre livre de MaiÂler, Bivouac sur la lune, je lis la quaÂtrième de couv’ et je suis conquis. J’aÂchète le livre. Ce n’est qu’une fois chez moi que je comÂprends pourÂquoi les deux couÂverÂtures m’ont titillĂ©es.
PourÂquoi deux maiÂsons d’éÂdiÂtion ont-elles utiÂliÂsĂ© la mĂŞme image (Ă peu de choses près) ? Un mysÂtère ausÂsi proÂfond pour moi que ceux de la lune. Alors je me plonge dans le livre de MaiÂler, auteur mythique dont j’ai souÂvent confonÂdu le nom avec celui de HenÂry MilÂler, et d’Arthur MilÂler ausÂsi, et que je m’éÂtais proÂmis de lire un jour. Je dĂ©couvre tout, le CapÂcom, HousÂton, Neil ArmÂstrong, Buzz Aldrin et Michael ColÂlins (je ne connaisÂsais mĂŞme pas ce nom), ApolÂlo XI (il y a en a eu d’autres avant, mais d’autres après Ă©gaÂleÂment), Saturn V, le LM…
Je dĂ©couvre des uniÂvers, un pasÂsĂ© pas si loinÂtain, 40 ans derÂrière et j’exulte face Ă l’éÂcriÂture que je quaÂliÂfieÂrais de volÂcaÂnique de MaiÂler ; riche, abonÂdante, coloÂrĂ©e, chaÂleuÂreuse. Devant mon ignoÂrance, je cherche Ă savoir Ă quoi resÂsemblent les deux hommes qui ont marÂchĂ© sur la lune et le troiÂsième homme, celui dont on dira « la perÂsonne la plus soliÂtaire sur et en dehors de la plaÂnète » — quand le module de comÂmande volait au-desÂsus de la face oppoÂsĂ©e de la Lune, il Ă©tait Ă au moins 3 200 kiloÂmètres de ses colÂlègues astroÂnautes, et Ă plus de 350 000 kiloÂmètres du reste de la popuÂlaÂtion terÂrestre. (WikiÂpeÂdia) Je trouve ces deux photographies.
En comÂbiÂnaiÂson spaÂtiale lĂ©gère (la verÂsion lourde pèse 82 kg), les trois hommes ont chaÂcun une expresÂsion difÂfĂ©Ârente et sur ce cliÂchĂ© comme sur l’autre, ArmÂstrong (le ArmÂstrong, le comÂmanÂdant de l’éÂquipe) a l’air parÂfaiÂteÂment abruÂti (c’est mon resÂsenÂti immĂ©Âdiat), un bon gars du Middle West, genÂtil, mais pas très finaud. Aldrin, lui, c’est l’efÂfaÂceÂment, la chambre stĂ©Ârile, rien ne passe, rien ne transÂpire. ColÂlins, lui, est debout. PourÂtant, c’est le troiÂsième homme, on le croiÂrait le plus imporÂtant de la misÂsion, il tient son casque Ă deux mains et a l’air pĂ©nĂ©ÂtrĂ©, sinÂcère. C’est ma preÂmière opinion.
MĂŞme phoÂto, pas de casques, les mains penÂdant molÂleÂment sur les cuisses comme d’enÂcomÂbrants appenÂdices, je trouve ça fasÂciÂnant. ColÂlins, lui, sait poser avec ces mains, qu’il a jointes. ArmÂstrong me fait penÂser Ă un craÂpaud. Le regard d’AlÂdrin a dĂ©viĂ© de quelques degrĂ©s, sinon c’est le mĂŞme.
ImmĂ©ÂdiaÂteÂment, je me prends d’afÂfecÂtion pour ColÂlins qui m’a l’air d’être un type symÂpa. Je fais bien, je suis parÂti pour les suivre penÂdant plus de 600 pages. Sur cette phoÂto encore, on voit les trois hommes encaÂdrant l’autre abruÂti. ColÂlins Ă gauche, W., ArmÂstrong puis Aldrin (chiÂrurÂgie esthĂ©Âtique ?). ColÂlins n’est plus au milieu, forÂcĂ©Âment, mais Ă gauche et mĂŞme lĂ , c’est lui qui a la silÂhouette la plus harÂmoÂnieuse, le cosÂtume le mieux taillĂ©, le plus beau mainÂtien et comme par un fait du hasard, il est nimÂbĂ© d’un halo de lumière proÂveÂnant de la fenĂŞtre derÂrière lui. Je revienÂdrai sur l’œuvre elle-mĂŞme, mais Ă prĂ©Âsent, je m’inÂtĂ©Âresse Ă ColÂlins, dont le desÂtin aura Ă©tĂ© quelque peu frustrant.
Ça ne devait pas ĂŞtre facile d’aÂvoir attenÂdu si longÂtemps pour si peu. Mais ColÂlins rĂ©agit en souÂriant et dit : « Ma femme et mes enfants ont signĂ© une dĂ©claÂraÂtion d’aÂprès laquelle ils ne sont pas porÂteurs de germes et… en effet ce sera le derÂnier week-end que nous pasÂseÂrons chez nous avec nos familles. » Ce n’éÂtait pas une plaiÂsanÂteÂrie Ă se rouÂler par terre, mais la confĂ©Ârence de presse n’aÂvait guère Ă©tĂ© amuÂsante non plus et on vit les visages s’éÂclaiÂrer parÂmi les jourÂnaÂlistes, ils se mirent Ă rire. ColÂlins, prompt Ă ne pas vexer l’homme qui avait posĂ© la quesÂtion, ajouÂta alors : « SĂ©rieuÂseÂment, on ne prend aucune prĂ©ÂcauÂtion particulière.»
Il s’exÂpriÂmait avec aisance. On senÂtait parÂfaiÂteÂment que des trois, c’éÂtait le seul avec qui on pouÂvait prendre un verre agrĂ©aÂbleÂment. Comme la posÂsiÂbiÂliÂtĂ© de prendre un verre avec le sujet de votre reporÂtage est tout ausÂsi imporÂtant pour un jourÂnaÂliste que le poids de son marÂteau pour un charÂpenÂtier, un senÂtiÂment de consterÂnaÂtion traÂverÂsa les jourÂnaÂlistes rasÂsemÂblĂ©s : pourÂquoi la NASA n’aÂvait-elle pas eu sufÂfiÂsamÂment le sens des relaÂtions publiques pour en charÂger ColÂlins ? Quelle joie ç’auÂrait Ă©tĂ© de couÂvrir cet aluÂnisÂsage avec un homme qui donne des chiffres prĂ©Âcis, au lieu d’être obliÂgĂ© d’aÂvoir Ă faire Ă ArmÂstrong qui lâchait des mots Ă peu près ausÂsi volonÂtiers qu’un limier se laisse arraÂcher un quarÂtier de viande d’entre les dents. ColÂlins aurait Ă©tĂ© parÂfait. Outre son air, son aisance Ă©viÂdente en face d’un marÂtiÂni, il avait la svelÂtesse, le front chauve et les traits sans comÂpliÂcaÂtion d’un boxeur de colÂlège, d’un joueur de base-ball ou d’un demi de mĂŞlĂ©e. […] Le regarÂder, l’enÂtendre, c’éÂtait dĂ©jĂ de la copie, et ArmÂstrong avait l’air triste et esseuÂlĂ© d’un couÂreur de cross-counÂtry. Bien sĂ»r, puisÂqu’il avait Ă©gaÂleÂment l’air furÂtif et rĂ©serÂvĂ© d’un homme dont, peut-ĂŞtre, on ne lira jamais les penÂsĂ©es — quelle bĂ©nĂ©ÂdicÂtion pour la presse ! — on pouÂvait, si on se reprĂ©ÂsenÂtait ArmÂstrong comme un athÂlète, l’iÂmaÂgiÂner jouer troiÂsième ligne. Il pourÂrait ainÂsi, avec son mainÂtien furÂtif et rĂ©serÂvĂ©, ĂŞtre difÂfiÂcile Ă suivre dans les passes.
L’inÂtĂ©ÂrĂŞt de l’hisÂtoire cepenÂdant rĂ©siÂdait dans les deux hommes qui allaient se poser sur la Lune — il ne pouÂvait rĂ©siÂder nulle part ailleurs — mais comme ColÂlins avec quelques souÂrires et une remarque ou deux Ă©tait deveÂnu le favoÂri de la presse,vers la fin de l’inÂterÂview on lui posa une quesÂtion, puis une autre. Enfin la vraie quesÂtion arriva.
« ColoÂnel ColÂlins, pour des gens qui ne sont pas des astroÂnautes, vous semÂblez avoir la tâche la plus ingrate de toute la misÂsion en n’alÂlant pas jusÂqu’au bout. Qu’est ce que vous en penÂsez ? » La contraÂdicÂtion impliÂcite dans le fait d’être un astroÂnaute Ă©tait prĂ©ÂciÂsĂ©Âment lĂ , comme piquĂ©e sur une broÂchette. S’ils Ă©taient des astroÂnautes, ils Ă©taient des hommes qui traÂvaillaient pour l’éÂquipe, mais aucun homme ne deveÂnait astroÂnaute s’il n’éÂtait pas assez excepÂtionÂnel pour nourÂrir parÂfois le soupÂçon qu’il pourÂrait bien ĂŞtre le meilleur de tous. PerÂsonne ne gagne au handÂball s’il n’est dĂ©terÂmiÂnĂ© Ă l’emporter.
MaiÂler dĂ©crit ArmÂstrong comme un type très intelÂliÂgent, dont la vie est toute entière tourÂnĂ©e vers le vol, mais ausÂsi gai que la surÂface aluÂmiÂniÂsĂ©e d’un casque lunaire. Aldrin, lui, c’est le cĂ©rĂ©Âbral, l’homme-machine, le ratioÂnaÂliste, la calÂcuÂlaÂtrice de poche encomÂbrante, presÂbyÂtĂ©Ârien, mysÂtique, obsÂcur, contraÂdicÂtoire et sans grande fanÂtaiÂsie. Michael ColÂlins lui, appaÂrait comme le type symÂpa qui balance quelques bons mots dans les confĂ©Ârence de presse chiantes comme la pluie, penÂdant lesÂquelles ArmÂstrong est monoÂpoÂliÂsĂ© par les quesÂtions, dont les rĂ©ponses sont entreÂcouÂpĂ©es de silences astroÂnoÂmiques et de paraÂsites comme au milieu d’une converÂsaÂtion avec Capcom.
MaiÂler nous prĂ©Âsente ColÂlins comme l’homme fort de la misÂsion, derÂrière l’inÂgraÂtiÂtude de sa position.
Mais c’est ColÂlins qui s’est charÂgĂ© des trois quarts des comÂmuÂniÂcaÂtions avec la Terre. Le module de comÂmande c’éÂtait son fief. S’il ne devait pas se poser sur la Lune, c’éÂtait quand mĂŞme lui qui piloÂtait le module. Alors qu’ArmÂstrong Ă©tait le comÂmanÂdant et techÂniÂqueÂment son supĂ©Ârieur, il avait exerÂcĂ© très disÂcrèÂteÂment son autoÂriÂtĂ©. C’éÂtait ColÂlins qui avait assuÂrĂ© le contact avec le CapÂcom, ColÂlins qui faiÂsait les plaiÂsanÂteÂries, Ă©chanÂgeait les reparÂties, maniÂfesÂtait son inquiĂ©Âtude Ă proÂpos de l’éÂquiÂpeÂment, rĂ©claÂmait de nouÂveaux chanÂgeÂments, proÂpoÂsait des comÂpaÂraiÂsons pour ce qui touÂchait au mĂ©nage d’AÂpolÂlo XI, faiÂsait des comÂmenÂtaires sur la quaÂliÂtĂ© de la nourÂriÂture et se prĂ©ÂocÂcuÂpait de chaque dĂ©tail. Il Ă©tait comme un acteur qui a toutes les preÂmières scènes de la pièce et qui pourÂtant est condamÂnĂ© dans son rĂ´le, car il n’est pas dans les grandes scènes Ă venir et elles seront si grandes que ses scènes Ă lui seront nĂ©cesÂsaiÂreÂment noyĂ©es dans leur sillage : un acteur ambiÂtieux dans de telles cirÂconsÂtances traÂvaille plus dur, comme si les Ă©moÂtions accuÂmuÂlĂ©es par sa prĂ©Âsence risÂquaient de faire intruÂsion dans les rĂ©sultats.
Mais ArmÂstrong Ă©tait resÂtĂ© praÂtiÂqueÂment muet. Bien dĂ©crit par la presse qui souÂliÂgnait ses silences, son air esseuÂlĂ©, son dĂ©sir d’aÂvoir la paix, ArmÂstrong donÂnait l’imÂpresÂsion d’atÂtiÂrer le silence autour de lui, mĂŞme dans le module de comÂmande, oĂą il regarÂdait par son hublot durant des heures, ou penÂdant les minutes qui allaient faire des heures dans les pauses entre les diverses corÂvĂ©es du long voyage vers la Lune.
Cette phoÂto rĂ©taÂblit un peu tout ce que j’ai pu dire sur les trois hommes, lisse leur visage, et leur rĂ©puÂtaÂtion… Pour l’aÂnecÂdote, c’est Michael ColÂlins qui a desÂsiÂnĂ© le logo de la misÂsion.
MaiÂler, qui Ă©tait ingĂ©Ânieur en aĂ©roÂnauÂtique a rĂ©usÂsi le pari de me pasÂsionÂner pour un sujet qui en appaÂrence n’aÂvait vraiÂment rien de sĂ©duiÂsant pour moi. Et pourÂtant, je me suis retrouÂvĂ© comÂplèÂteÂment immerÂgĂ© dans cette folle Ă©quiÂpĂ©e, qu’elle soit un mythe ou non ; la dĂ©meÂsure des moyens sufÂfit Ă elle seule Ă captiver.
- La vidĂ©o du lanÂceÂment de SatuÂrun V‑Apollo XI Ă HousÂton.
- Le très beau site We choose the Moon.