Jâaime bien lâiÂdĂ©e quâil y ait des livres autour de moi, des livres que jâai pris le temps de choiÂsir, parce que jâen ai lu la quaÂtriĂšme de couvâ et que quelque chose dans la prĂ©ÂsenÂtaÂtion quâen fait lâĂ©ÂdiÂteur me donne envie de lâaÂcheÂter, mais surÂtout de le lire. Jâaime bien cette idĂ©e rasÂsuÂrante quâil y a des livres dans le monde et quâils constiÂtuent un creuÂset inĂ©puiÂsable de culture, de rĂ©sisÂtance, de confronÂtaÂtion, en un mot, tout le contraire de la paresse. Se laisÂser entraĂźÂner est telÂleÂment facile que ceux qui prennent la plume ont dĂ©jĂ acquis une part dâĂ©ternitĂ©.
Jâaime lâiÂdĂ©e que les biblioÂthĂšques sont des matrices pleines dâune Ă©nerÂgie difÂfiÂciÂleÂment quanÂtiÂfiable, dans lesÂquelles Ćuvrent souÂvent des dames trĂšs rigides, engonÂcĂ©es dans des jupes en tweed ou des pulls ras du coup souÂliÂgnant quelque fois des formes quâil ne faut pas monÂtrer, mais quâon montre quand-mĂȘme. ParÂfois des hommes, lunettes sur le bout du nez, lâair embarÂrasÂsĂ© avec la derÂniĂšre bioÂgraÂphie de Mozart⊠Un monde en soufÂfrance, sans Ă©paÂnouisÂseÂment. Comme si la vie nâaÂvait pas dĂ©fiÂniÂtiÂveÂment pris corps ici, monasÂtĂšre rĂ©guÂlier⊠Ceux qui entrent ici doivent avoir laisÂsĂ© leur fanÂtaiÂsie dans le monde extĂ©rieur.
Moi qui tente au quoÂtiÂdien de rĂ©haÂbiÂliÂter lâuÂsage homĂ©oÂpaÂthique de la lecÂture Ă des jeunes en rĂ©inÂserÂtion, me voiÂlĂ bien embĂȘÂtĂ© avec ce porÂtrait assez pĂąlichon.
Les livres qui sortent dâiÂci ont souÂvent pas mal vĂ©cu, ils ont la couÂleur jauÂnasse du papier resÂtĂ© trop longÂtemps Ă lâair et une texÂture parÂtiÂcuÂliĂšre de vĂ©lin lusÂtrĂ©. ParÂfois mĂȘme le lecÂteur aura pris soin de noter dans la marge, au styÂlo, une recÂtiÂfiÂcaÂtion adresÂsĂ©e direcÂteÂment au corÂrecÂteur (ici la valeur expriÂmĂ©e en mÂČ aura dĂ» lâĂȘtre en kmÂČ !). Ces livres vivent de nâapÂparÂteÂnir Ă perÂsonne et dâĂȘtre un bien comÂmun et remarÂquez que peu dâobÂjets, autant que les livres, se prĂȘtent ainÂsi. On prĂȘte des voiÂtures, du matĂ©Âriel de briÂcoÂlage pour une quesÂtion de coĂ»t, mais le livre se prĂȘte car il est insÂcrit dans un proÂcesÂsus de transÂmisÂsion. ĂviÂdemÂment, il nâest pas ausÂsi intime quâun vĂȘteÂment, mais il revĂȘt ce caracÂtĂšre de parÂtage paraisÂsant tout Ă fait normal.
Je plonge dans les pages fines dâun PlĂ©iade, le preÂmier des six tomes de la corÂresÂponÂdance de GusÂtave FlauÂbert et tombe sur cette lettre, au hasard, Ă©crite Ă Louise Colet, de PonÂtorÂson le 14 juillet 1847.
Je tâenÂvoie, ma chĂšre amie, une fleur que jâai cueillie hier au soleil couÂchant sur le tomÂbeau de ChaÂteauÂbriand. La mer Ă©tait belle, le ciel Ă©tait rose, lâair Ă©tait doux. CâĂ©Âtait un de ces grands soirs dâĂ©ÂtĂ© tout flamÂblants de couÂleurs, dâune splenÂdeur si immense quâelle en est mĂ©lanÂcoÂlique, un de ces soirs ardents et tristes comme un preÂmier amour. La tombe du grand homme est sur un rocher, en face des flots. Il dorÂmiÂra Ă leur bruit, tout seul, en vue de la maiÂson oĂč il est nĂ©. Je nâai guĂšre penÂsĂ© quâĂ lui tout le temps que jâai pasÂsĂ© Ă Saint-Malo.
JâĂ©Âcoute ausÂsi le bruit du tremÂbleÂment de terre que raconte Dany LaferÂriĂšre (Tout bouge autour de moi), mais je tiens Ă prendre mon temps. Je prends mon temps pour tout, je ne parle pas, je ne pense Ă rien.
Le temps dâun batÂteÂment de cils, lĂ©ger comme un papillon, je prends un peu le large et revienÂdrai Ă lâheure du loup, quand les temps seront plus clĂ©Âments et lâesÂprit plus lĂ©ger.
A bientĂŽtâŠ
Un livre, ça sâaÂchĂšte, ça sâemprunte, ça se prĂȘte, ça se donne, ça se transÂmet. Câest drĂŽle que tu parles de cela aujourdâÂhui, car jâai trouÂvĂ© lâautre jour sur un banc, dans un square, un exemÂplaire du livre âLe cercle litÂtĂ©Âraire des amaÂteurs dâĂ©ÂpluÂchures de patatesâ avec, colÂlĂ© sur la page de garde, une petite fiche : âjâai adoÂrĂ© ce livre, lisez-le et transÂmetÂtez-le vous ausÂsiâ. Je lâai lu et lâai adoÂrĂ©, moi ausÂsi. Et je lâai posĂ© Ă mon tour sur un banc, dans un autre square.
Je me souÂviens de ce proÂjet, comÂment ça sâapÂpelle dĂ©jĂ ? Ce nâest pas le passe-livre ?
tu dois confondre avec le passe-plat đ
bonne pause de blog mon Romuald. JâesÂpĂšre que tu vas trouÂver un semÂblant de sĂ©rĂ©ÂniÂtĂ© dans les pages des autres. Et surÂtout nâouÂblie pas de lever le nez rĂ©guÂliĂšÂreÂment et de resÂpiÂrer lâair du large Ă pleins poumons.
En lâocÂcurÂrence, je ne pense pas que câĂ©Âtait dans le cadre du passe-livre, qui a lâair dâĂȘtre quelque chose de trĂšs orgaÂniÂsĂ© (un peu trop peut-ĂȘtre). En tout cas je nâai rien vu qui y fasse rĂ©fĂ©Ârence. Quoi quâil en soit, je lâai âlibĂ©ÂrĂ©â Ă mon tour.
Fabienne, ou peut-ĂȘtre alors le passe-monÂtagne đ Ne tâinÂquiĂšte pas, câest surÂtout pour avoir le temps de resÂpiÂrer que jâarrĂȘte.
SerÂval, je trouve trĂšs bonne cette iniÂtiaÂtive, je vais peut-ĂȘtre mây mettre tiensâŠ
câest le âbookÂcrosÂsingâ y comÂpris en franÂçais, il y a mĂȘme un site qui rescense les livres car norÂmaÂleÂment tu laisses ton livre en indiÂquant oĂč
le livre a ainÂsi sa âfiche de voyageâ sur le site : on a son itiÂnĂ©Âraire, pour peu que chaque lecÂteur pense Ă donÂner son avis et Ă le âlibĂ©Ârerâ aprĂšs lecÂture Ă son tour et ainÂsi de suite
je prĂ©ÂfĂšre les passe-murailles
Oui câest ça le cross-bookingâŠ