Prends ton manteau et on y va qu’elle dit – oula mais où ça donc ? Ben on va voir le ptit hein mais quel petit je réponds ben celui qui vient de naître y’a trois mois – waow génial, j’avais pas noté ça dans mon agenda et la perspective de passer mon samedi après-midi à aller voir le ptit qui vient de naître y’a trois mois me revitalise d’un seul coup, sur le coup je me dis qu’on va bien se marrer mais je sais que je vais vite déchanter et puis m’ennuyer ferme – on arrive, on sonne ouais c’est nous, entrez allez‑y donc, c’est à quel étage déjà ça fait une éternité, merde je sais plus attends je re-sonne ouais c’est à quel étage, ben pfff deuxième ah ok pardon, on arrive, c’est nous. La porte au deuxième s’ouvre, il est derrière la porte, salut toi, je te serre la main ou bien. Allez‑y entrez qu’il dit, il a les yeux rouges et des valises sous les yeux asseyez-vous on se fait une bisounette avant ? Ben désolé hein mais le ptit qui vient de naître y’a trois mois est en train de dormir il a mal dormi cette nuit et nous aussi enfin surtout lui parce que moi ça va je dors bien.
Lui : Ouais…
En attendant on va prendre un tithé non qu’est-ce que vous en pensez avec des tigâteaux et puis des titrucs à grignoter parce que moi j’ai faim pas vous ? Alors j’ai plus de thé mais on va en boire un quand-même chéri tu peux faire chauffer de l’eau s’il te plait pour un tithé… blablabla
L’heure tourne et y’a toujours pas de ptit qui vient de naître y’a trois mois, parce qu’il dort toujours et moi je m’endors sur mon fauteuil, y’a pas de raison, le soleil me chauffe le visage derrière les vitres et lui me raconte sa vie et tu te rends compte avec le ptit qui vient de naître y’a trois mois qui a sa chambre pour lui tout seul, soixante centimètres de long dans dix mètres carrés, c’est pas un peu exagéré j’avance, ben non qu’il me répond il faut bien qu’il ait sa chambre ben oui mais vous vous dormez où bon dieu dans les chiottes ? Pfff mais non, on déplie le canapé et hop là on met les draps et on se couche et comme on fait son lit on se couche – rire con. Moi je le regarde indubitablement perturbé nan tu déconnes, ben non qu’il me fait où veux-tu qu’on dorme ? Dans les chiottes je dis avec le même rire con que lui. Pfff toi alors t’es con, ouais je réponds. Tu veux dire que mon cul est assis sur votre lieu de couchage mais c’est débile cette histoire et pendant ce temps là le ptit qui vient de naître y’a trois mois il nage dans son couffin perdu au milieu de murs dix fois grands comme lui, je rêêêêêêêêêve mazette. Mais il a besoin d’être un peu tout seul ce ptit qui vient de naître y’a trois mois…
Bon ben désolé hein, le ptit qui vient de naître y’a trois mois il dort jamais aussi longtemps, je vais peut-être aller le voir – moi : ouais quand-même, on sait jamais des fois qu’il se soit étouffé – sourire niais de ma part et hop je mange un cookie avec mon thé froid.
Ben non, le ptit qui vient de naître y’a trois mois il dort encore je suis désolée, nan spa grave je lui dis, on a tout notre temps, de toute façon on n’avait rien d’autre à faire, on a simplement décommandé un week-end aux Maldives – sourire niais. Attendez, elle se lève brusquement les yeux fous et le doigt en l’air, j’ai les photos, les photos, oh non merde que je me dis et on passe une heure à regarder toutes les photos, ah la vache il est beau il ressemble à qui le ptit qui vient de naître y’a trois mois ? Pffff – bruit de baudruche qui se dégonfle – j’en sais rien du tout moi (et puis si vous saviez à quel point je m’en contrefous). Euh et sinon le ptit qui vient de naître y’a trois mois il est toujours en vie ? Nan parce que là on va finir par croire qu’il est en train de se les geler dans un congélo à la cave – sourire niais de ma part – j’adore mon sourire niais.
Ah ben justement le voilà… Hein ? Qui ? Ben le ptit qui vient de naître y’a trois mois, mais comment ça il marche déjà ? Mais non (moue bêtifiante) je l’ai entendu chouiner et elle amène le ptit qui vient de naître y’a trois mois il est petit et frippé et très petit et bon, c’est un bébé quoi, et dire que j’ai attendu tout l’après-midi pour voir ça, rien que d’y penser j’en ai des furoncles.
Heureusement, j’ai toujours mon Opinel sur moi. Bon c’est bon là on y va ?
J’habille les gosses et on y va.
Écrit le 17 avril 2008. Photo d’en-tête © Hernán Piñera