Je me pose sou­vent des ques­tions. En fait, je me réfère sou­vent au pas­sé pour me poser des ques­tions et lorsque je regarde dans le rétro­vi­seur, je me demande sou­vent si ce n’é­tait pas mieux avant. Bien sûr que c’é­tait mieux avant, parce que sinon on ne s’en sou­vien­drait pas. Les mau­vais sou­ve­nirs se jettent à la pou­belle comme de vieux klee­nex, à quoi bon gar­der ce qui fait tâche ? Mais quand-même, si c’é­tait mieux avant, pour­quoi ne pas essayer de retrou­ver cette ambiance qui m’ap­por­tait tant de bien-être.
Du bien-être, tu es cer­tain ? Rap­pelle-toi tout ce qu’il y avait à côté, es-tu cer­tain de vou­loir rame­ner à ton sou­ve­nir toutes ses sco­ries qui tour­naient en satel­lite sur le même plan d’existence ?
Alors essaie, reviens quelques années en arrière, replonge-toi dans ces sou­ve­nirs et ces moments de bien-être, vêts-toi à nou­veau de ce man­teau de confort et regarde autour de toi. Que vois-tu ? Tu vois ces ombres ? Tu vois ces fan­tômes ? Ton bon­heur est-il aus­si vierge que tu le pré­tends ? Est-ce que tu arrives à voir tout ça ? Les figures gri­ma­çantes qui se moquent de toi et te ren­voient aux limbes ? Si tu les vois bien, alors conti­nue de vivre ton pré­sent et ne garde du pas­sé que la stricte beau­té des ins­tants de bon­heur, cela te suf­fi­ra pour avancer.
Le pas­sé, lui, sera tou­jours une référence…

Japan night

Pho­to © tiarescott

Quand j’étais fati­gué de contem­pler mes fan­tasmes, je me met­tais debout devant la fenêtre et regar­dais le pay­sage. De temps en temps, il me sem­blait que j’avais été aban­don­né dans un désert pri­vé de vie. Mes hordes de visions avaient aspi­ré toutes les cou­leurs du monde autour de moi, ne lais­sant que le vide. Tous les objets, tous les pay­sages, parais­saient plats et vides comme des décors éphé­mères en car­ton-pâte, pous­sié­reux, cou­leur de sable. Je repen­sais à cet ancien cama­rade de lycée qui m’avait un jour don­né des nou­velles d’Izumi. Il m’avait dit : “Il y a dif­fé­rentes façons de vivre, et dif­fé­rentes façons de mou­rir. Mais c’est sans impor­tance. La seule chose qui reste en fin de compte, c’est le désert”.

Haru­ki Mura­ka­mi, Au sud de la fron­tière, à l’ouest du soleil
10/18, 2008

Kok­kyô no mina­mi, taiyô no nishi…