Les choses sérieuses com­mencent à Java. Ce matin, après un bon petit déjeu­ner, je com­mande un taxi pour un lieu qui se trouve à une ving­taine de kilo­mètres de Jog­ja. En réa­li­té, le lieu a été tota­le­ment absor­bé par la ville, de la même manière qu’on peut dire que les pyra­mides de Gizah font désor­mais par­tie du Caire. Le lieu que je vais visi­ter a quelque chose de par­ti­cu­lier en cette île à majo­ri­té musul­mane, puisque que c’est le plus grand monu­ment hin­douiste du pays.

A l’o­ri­gine, j’ai deman­dé un taxi pour me rendre à l’Of­fice du Tou­risme, qui est à peu près le seul point de repère pour un type per­du comme moi dans une ville pareille. Le taxi qui est venu me cher­cher à l’hô­tel m’y emmène en met­tant le meter. Pen­dant qu’il roule, je cal­cule le prix auquel la course jus­qu’à Pram­ba­nan pour­rait me reve­nir, alors je lui demande si c’est pos­sible. Il me dit que oui, mais par contre que la course se fait sans le meter et qu’il me pren­dra 200 000 rps, l’é­qui­valent de 12 euros, ce qui énorme pour ici. Il me dit un mot que je ne com­prends pas… “di tun­gu, di tun­gu”. Je finis par regar­der sur mon tra­duc­teur qui me dit “en attente”, alors je le remer­cie mais je lui dit non, et là il me fait une autre offre puis­qu’il me pro­pose de m’at­tendre pour 250 000 rps. Alors je fais le cal­cul et je me dis que si je dois repayer 200 000 pour le retour, autant que j’ac­cepte son offre. C’est par­ti, tope là, même si c’est trop cher pour la course. Au moins ça lui paie­ra sa jour­née com­plète s’il veut se repo­ser un peu…

J’a­vais été pré­ve­nu : le site de Pram­ba­nan n’est ouvert qu’en par­tie puis­qu’à cause de l’é­rup­tion du Kelud, il est recou­vert de cendres, m’a-t-on dit. Une fois sur place, je ne vois pas la moindre cendre, sur les feuilles, sur l’herbe, etc. Mais le temple prin­ci­pal est fer­mé. Je peux tour­ner autour, m’ex­ta­sier sur les cen­taines de temples construit autour, tous ter­ras­sés par le trem­ble­ment de terre de 2006, il n’en reste plus que 2 debout, ou alors c’est qu’ils ont été rebâ­tis, en sachant que tous ces temples ont été construits sans ciment, qu’ils ne tiennent, ou ne tenaient que grâce à la gra­vi­té. Les anciens n’a­vaient pas ima­gi­né que lorsque la terre tremble, la gra­vi­té ne suf­fit plus. Peu importe, le temple est magni­fique. Cha­cun des can­di a une fonc­tion. Le plus grand et le plus beau est dédié à Çiva, les deux autres de part et d’autre à Brah­ma et Vish­nu. Les trois plus petits sont consa­crés à leur véhi­cules (vâha­na). Nan­di le tau­reau pour Çiva, Ham­sa le cygne pour Brah­ma et Garu­da, mi-homme mi aigle pour Vishnu.

Ils sont construits de cette pierre noire qu’on trouve par­tout ici, et dont à Bali on construit la moindre mai­son, le moindre temple, cette pierre vol­ca­nique tendre et pour­tant solide, sur laquelle les mousses s’ins­tallent si faci­le­ment et donnent un aspect antique très rapi­de­ment. Je n’ar­rive pas à savoir pour­quoi on ne peut fina­le­ment pas entrer dans les can­di et je trouve ça très frus­trant d’être venu jus­qu’i­ci pour ne voir fina­le­ment qu’une par­tie du temple. Je ne m’a­voue pas vain­cu pour autant.

Au bout du parc se trouve un autre temple, le can­di Sewu. Celui-ci a une autre par­ti­cu­la­ri­té ; c’est le second plus grand temple boud­dhiste de l’In­do­né­sie, après Boro­bu­dur, mais si l’on consi­dère, comme ce qui semble être le cas que Boro­bu­dur n’est pas vrai­ment un temple, il serait alors le plus grand. Ici, tout est ouvert, même si c’est en réno­va­tion. Beau­coup de temples écrou­lés sur les flancs, mais le temple prin­ci­pal a été remis debout par une équipe d’ar­chéo­logues hol­lan­dais. L’en­trée dans le temple est impres­sion­nante. On arrive dans le temple prin­ci­pal par une grande porte qui donne sur une salle sombre et haute de pla­fond dans laquelle trône un grand autel vide. Je me demande bien ce qui pou­vait se trou­ver là aupa­ra­vant. Une sta­tue colos­sale du Bouddha ?

Il fait très chaud aujourd’­hui et le cou­rant d’air frais que je trouve à la croi­sée des cour­sives fait un bien fou… Tous ces temples sont superbes et sont les ves­tiges d’un pas­sé gran­diose. Alors pour­quoi cri­bler le pay­sage de ces hor­ribles pou­belles bleues que per­sonne n’u­ti­lise de toute façon ?

Retour en ville, sur Malio­bo­ro. De gen­tils étu­diants veulent par­ler anglais avec moi et puis être pris en pho­to avec moi. Celui qui me parle a un anglais très hési­tant, mais j’es­saie de le mettre à l’aise. Nous rigo­lons bien, et après ils veulent me faire visi­ter la ville. Je décline gen­ti­ment. Je visite le mar­ché du batik (Berin­ghar­jo), celui qu’un gen­til mon­sieur m’a­vait conseillé près du Taman Sari, et dès l’en­trée, on me dis­suade d’en­trer en me disant qu’il n’y a rien après, juste fina­le­ment des com­mer­çants plus hon­nêtes que les autres qui vendent leur pro­duits au prix juste. C’est infer­nal cette manie de vou­loir vendre plus cher au tou­riste… Tout le monde me regarde, me scrute, cer­tains sou­rient, d’autres me disent “hel­lo mis­ter”, à quoi je réponds “sela­mat sore”, alors on rit beau­coup parce que je dis deux mots de baha­sa, cer­tains me touchent, peut-être pour éprou­ver ma réa­li­té phy­sique. Un tou­riste, ici, quelle idée saugrenue !!

Retour à l’hô­tel à l’heure du thé, avec un bei­gnet de banane au fro­mage rapé, sous une lumière jaune de fin de journée.

Je mange au res­to de l’hô­tel, un gudeg mang­gar (jeunes fleurs de coco, pou­let cuit dans le lait de coco et légumes cuits à la vapeur) accom­pa­gné d’un gin fizz (qu’i­ci on pro­nonce guine fisse). Ici on boit de l’al­cool et on vend aus­si des pré­ser­va­tifs aux caisses des super­mar­chés, tenues par des jeunes filles voilées.