L’oÂrage du siècle
Oh oui bien Ă©viÂdemÂment, c’est touÂjours un peu excesÂsif parce que quand on est desÂsous, ou pas loin, c’est touÂjours un peu effrayant et tout de suite, ça devient l’oÂrage du siècle. Sauf que cette fois-ci de l’aÂvis-mĂŞme des spĂ©ÂciaÂlistes, c’éÂtait quand-mĂŞme un peu l’oÂrage du siècle. Huit heures de specÂtacle ininÂterÂromÂpu en bord de mer, le jour en pleine nuit, les oreilles qui bourÂdonnent Ă cause du tonÂnerre, les yeux qui resÂtent ouverts parce qu’on se demande Ă quel moment ça va tomÂber juste Ă cĂ´tĂ©, sur un arbre, et puis les yeux qui se ferment parce qu’on aimeÂrait quand mĂŞme bien dorÂmir borÂdel mais ce ne sera pas pour tout de suite, hein, on va attendre un peu et finaÂleÂment, on s’éÂcroule avec l’éÂpuiÂseÂment et puis l’anÂgoisse, et on se rĂ©veille toutes les dix minutes quand l’oÂrage revient et qu’on comÂprend enfin que c’est vraiÂment pas prĂŞt de s’arÂrĂŞÂter. Au petit matin, on se rĂ©veille avec des poches Ă glace sous les yeux, le regard hagard, le teint pâle et la bouche pâteuse et on ne peut que constaÂter qu’on est touÂjours en vie dans ce payÂsage dĂ©soÂlĂ©, dĂ©sorÂdonÂnĂ©, la moindre aiguille de pin qui n’est plus Ă sa place et tout qui dĂ©gouÂline d’une pluie Ă©paisse, un payÂsage ruisÂseÂlant, une ambiance sous-marine Ă quelques mètres au-desÂsus de la mer.
PhoÂto © AnaĂ«lle Collet
Tout comÂmence après un repas bien arroÂsĂ© par une soiÂrĂ©e chaude, les joues empourÂprĂ©es de la chaÂleur du soleil, si si, et en renÂtrant, je remarque que le ciel s’éÂclaire de temps Ă autre, très subrepÂtiÂceÂment, un lĂ©ger gronÂdeÂment se pointe Ă l’hoÂriÂzon et roule comme une poiÂgnĂ©e de dĂ©s sur la table de craps. Je dĂ©cide malÂgrĂ© l’heure tarÂdive, il est plus d’une heure de la nuit de prendre mon vĂ©lo et d’alÂler voir ça au bord de l’eau parce que ça doit vraiÂment ĂŞtre quelque chose. Je parÂcours Ă toute vitesse la forĂŞt infesÂtĂ©e de mousÂtiques dans le noir le plus total, la dynaÂmo peine Ă suivre et finit par me lâcher en plein milieu du cheÂmin alors je m’arÂrĂŞte pour lui laisÂser le temps et je repars dans la lumière. Deux voiÂtures me croisent Ă toute vitesse et j’éÂvite de jusÂtesse un connard qui tente de m’atÂtraÂper, surÂgi de l’obsÂcuÂriÂtĂ©. J’arÂrive enfin sur la plage batÂtue par le vent dans les oreilles, Ă©puiÂsĂ© d’aÂvoir mouÂliÂnĂ© comme Eddy MerÂckx, et je me rends compte qu’il y a plein de monde sur le sable, des jeunes qui font la fĂŞte Ă grand renÂfort d’alÂcool et de feux de joie, qui batiÂfolent dans les blockÂhaus, mais le vent et l’obsÂcuÂriÂtĂ© proÂjettent un voile entre cette rĂ©aÂliÂtĂ© fugace et la perÂcepÂtion que j’en ai. Je m’asÂsieds sur le sable humide, face Ă un horiÂzon estomÂpĂ© par la houle, qui se fond dans un savant mĂ©lange d’éÂcume et d’esÂsence de nuit. La lune ronde, Ă©claÂtante, m’éÂclaire encore quelques insÂtants avant le grand specÂtacle. (more…)
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