Sep 26, 2010 | Passerelle |
L’automne aidant, le souffle du changement se fait ressentir. Dans mon paysage blogophérique, un grand bouleversement se prépare puisque Bloglines va arrêter définitivement son service le 1er octobre prochain. L’invention de Google Reader lui avait fait un mal incroyable et sa version bêta sera restée bêta jusqu’à la fin. Le rachat par Ask.com n’a pas suffit à pérenniser le meilleur agrégateur de flux en ligne et aujourd’hui, les milliers d’habitués dont je faisais partie vont devoir s’en passer, et cette fois-ci, je vais devoir me rabattre sur GReader puisque sa technologie a tout emprunté au futur défunt. Sur Presse-Citron, on se demande si l’émergence des réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook n’a pas définitivement asséné le coup de grâce aux agrégateurs en général, mais c’est une confusion des genres qui prétend que l’information peut passer par ces simili-agrégateurs. La vocation n’est pas la même, l’utilisation non plus, ce n’est pas le même registre.
L’émergence des agrégateurs a accompagné les fantômes du web 2.0, mais c’était sans compter l’intérêt primordial que les lecteurs de blogs pouvaient y trouver avec des outils simples. Le web 2.0 n’a jamais vécu, et sa mort correspond à la date de sa naissance, mais ce qui se passe aujourd’hui, symptomatiquement et en corrélation avec l’émergence des réseaux sociaux, c’est la dilution de l’information. Là où les agrégateurs permettait de sélectionner l’information, Twitter et Facebook déversent à nouveau un flot inclassable.
Si Bloglines n’a pas résisté, c’est qu’une fois de plus on a confondu l’information avec la donnée.
PS: le changement de décor est purement temporaire
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Sep 25, 2010 | Architectures, Histoires de gens |
Commencer sa soirée en regardant le chemin tortueux de l’Alice de Tim Burton (une bien belle histoire presque antique servie par une réalisation approximative et des effets spéciaux pour le moins bâclés) et la terminer par un documentaire sur les fractales de Benoit Mandelbrot a quelque chose de surréaliste, d’autant que je me suis réveillé sur le canapé avec les images d’un documentaire sur la retraite.
Les fractales de Mandelbrot, un univers que les mathématiciens traditionnels rejettent, une nouvelle théorie qui attira à son fondateur les foudres de ses collègues scientifiques. Dans ce nouvel objet de la science, il y avait pour moi la part de mystère que des gens comme Stephen Hawking venaient de révéler, une science nouvelle qui philosophiquement, mais également pour tous les domaines de la connaissance humaine, remettait en cause les notions de finitude, introduisant la possibilité d’une part d’infini dans le fini, et pourquoi pas, l’œuvre de Dieu, Stephen Hawking qui vient d’affirmer que finalement, Dieu avait bien crée l’univers, mais selon les lois de la physique…
Je suis resté captivé par ce documentaire où Mandelbrot explique comment il a eu la première intuition concernant l’existence des figures fractales en regardant les estampes d’Hokusai. Dans la grande vague de Kanagawa, comme dans cette autre estampe nommée Fuji dans l’orage, on comprend que les motifs des vagues et des nuages sont tous identiques et que la structure de l’ensemble n’est que la répétition d’un seul motif. Hokusai avait donné à son œuvre, aux alentours de 1830, un systématisme applicable à la nature. La nature ne serait donc pas tant que ça inspirée par le chaos.
Les travaux de Mandelbrot s’appuie sur plusieurs travaux antérieurs :
Le paradoxe d’Achille et de la tortue
Zénon d’Élée, mathématicien grec, tenta de soutenir la thèse parménidienne et sophistique de la non-existence du mouvement. Pour cela il rédigea ses célèbres paradoxes selon lesquels notamment, Achille ne pourra jamais parcourir la même distance que la tortue.
La poussière de Cantor
Figure géométrique simple, c’est la répétition d’une forme qui ne trouve pas sa place dans la géométrie euclidienne (définie comme un espace vectoriel ou de dimension finie) puisque qu’en prenant un segment 0–1, en le séparant en trois espaces égaux et en enlevant le morceau médian, on se retrouve avec une figure qui, si elle est réitérée, tend toujours vers 0, sans pour autant l’atteindre.
Le flocon de Von Koch
Figure géométrique dessinée bien avant les fractales par le mathématicien Helge Von Koch, le flocon (ou la courbe) de Von Koch est une figure dégradée sur chacun de ses segments par la représentation de l’ensemble. Contournée de manière récursive, la figure peut ainsi se reproduire à l’infini, en conservant comme motif spécifique le motif initial.
L’ensemble de Julia
Popularisés avec la publication des œuvres de Mandelbrot, les travaux de Gaston Julia étaient tombés dans l’oubli. Mandelbrot ne fera qu’étendre la définition de l’ensemble de Julia qui est une représentation graphique de la récursivité d’une équation sur son propre résultat.
Les travaux de Mandelbrot donneront lieu à la théorie des fractales. Lorsqu’il travaillait chez IBM, c’est lui qui le premier a compris d’où venaient les problèmes de transmission de données par liaison téléphone en découvrant que les signaux étaient eux-même sujets à des fluctuations dont la répétition de la fréquence était manifeste et reproductible. Il s’attacha également à tenter de comprendre comment mesurer les longueurs des côtes d’un littoral et détermina que la mesure pouvait fluctuer en fonction de l’échelle utilisée. Plus l’échelle est petite, plus on se rapproche de la mesure exacte, sans pour autant atteindre une mesure réelle. On introduit à la place de la longueur, la notion de « rugosité ».
Mandelbrot, sur la base du travail de Julia, mettra en forme sa propre équation dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’ensemble de Mandelbrot, une icône mondialement connue, qui a même inspirée dans une certaine mesure le graphisme de la génération psychédélique, qui met en évidence le principe d’auto-similarité, de récursivité de la figure géométrique et qui surtout introduit la notion d’infini dans le champ d’étude du fini. L’avantage de ces travaux n’est pas qu’une simple innovation intellectuelle de la pensée mathématique ; en effet on trouve dans le champ de la science et de l’industrie des applications pratiques, comme notamment la découverte des antennes fractales par Nathan Cohen, qu’aujourd’hui on trouve à grande échelle… dans nos téléphones portables.
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Sep 25, 2010 | Passerelle |
Oh oui bien évidemment, c’est toujours un peu excessif parce que quand on est dessous, ou pas loin, c’est toujours un peu effrayant et tout de suite, ça devient l’orage du siècle. Sauf que cette fois-ci de l’avis-même des spécialistes, c’était quand-même un peu l’orage du siècle. Huit heures de spectacle ininterrompu en bord de mer, le jour en pleine nuit, les oreilles qui bourdonnent à cause du tonnerre, les yeux qui restent ouverts parce qu’on se demande à quel moment ça va tomber juste à côté, sur un arbre, et puis les yeux qui se ferment parce qu’on aimerait quand même bien dormir bordel mais ce ne sera pas pour tout de suite, hein, on va attendre un peu et finalement, on s’écroule avec l’épuisement et puis l’angoisse, et on se réveille toutes les dix minutes quand l’orage revient et qu’on comprend enfin que c’est vraiment pas prêt de s’arrêter. Au petit matin, on se réveille avec des poches à glace sous les yeux, le regard hagard, le teint pâle et la bouche pâteuse et on ne peut que constater qu’on est toujours en vie dans ce paysage désolé, désordonné, la moindre aiguille de pin qui n’est plus à sa place et tout qui dégouline d’une pluie épaisse, un paysage ruisselant, une ambiance sous-marine à quelques mètres au-dessus de la mer.
Photo © Anaëlle Collet
Tout commence après un repas bien arrosé par une soirée chaude, les joues empourprées de la chaleur du soleil, si si, et en rentrant, je remarque que le ciel s’éclaire de temps à autre, très subrepticement, un léger grondement se pointe à l’horizon et roule comme une poignée de dés sur la table de craps. Je décide malgré l’heure tardive, il est plus d’une heure de la nuit de prendre mon vélo et d’aller voir ça au bord de l’eau parce que ça doit vraiment être quelque chose. Je parcours à toute vitesse la forêt infestée de moustiques dans le noir le plus total, la dynamo peine à suivre et finit par me lâcher en plein milieu du chemin alors je m’arrête pour lui laisser le temps et je repars dans la lumière. Deux voitures me croisent à toute vitesse et j’évite de justesse un connard qui tente de m’attraper, surgi de l’obscurité. J’arrive enfin sur la plage battue par le vent dans les oreilles, épuisé d’avoir mouliné comme Eddy Merckx, et je me rends compte qu’il y a plein de monde sur le sable, des jeunes qui font la fête à grand renfort d’alcool et de feux de joie, qui batifolent dans les blockhaus, mais le vent et l’obscurité projettent un voile entre cette réalité fugace et la perception que j’en ai. Je m’assieds sur le sable humide, face à un horizon estompé par la houle, qui se fond dans un savant mélange d’écume et d’essence de nuit. La lune ronde, éclatante, m’éclaire encore quelques instants avant le grand spectacle. (more…)
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Sep 22, 2010 | Histoires de gens, Passerelle |
Il y avait ce soir-là un air de provocation, une température déraisonnable, un je-ne-sais-quoi dans l’air qui annonce un été qui n’est jamais vraiment arrivé. Pendant que mon fils prenait son cours de musique, je me suis assis à califourchon sur le banc en pierre dans le parc, ma bouteille d’eau et mon magazine posés devant moi. Les enfants criaient et jouaient sur l’herbe pendant que les mères avec leur petit engoncé dans leur poussette, dans un ballet dégoulinant de rires et de paraître, déblatéraient sur telle ou telle mère de famille, absente évidemment. Les hautes branches commençaient à jaunir sérieusement alors qu’il faisait encore chaud.
Je n’ai pu m’empêcher de sourire à la lecture de ces mots d’Alain Badiou.
Les rencontres sont si faciles, si nombreuses, que l’intensité du changement qu’on peut accepter à partir d’elles n’est plus la même. On introduit un système de précaution : je prends quelqu’un de suffisamment semblable à moi pour espérer faire un chemin avec cette personne en restant exactement ce que je suis. C’est une tendance du monde contemporain d’introduire une fausse variété à l’intérieur d’une grande permanence.
De la salle de danse sortait le martellement disharmonieux du piano que je sais être désaccordé où une femme jouait avec une énergie obscène la danse des chevaliers extraite de Romeo et Juliette, de Prokofiev. Sur les marches de la salle s’ébrouaient des adolescents que le jeu des amours naissantes fait se comporter comme de réels idiots qu’ils ont la chance d’être encore. L’une d’entre eux portait un short en jean provocant laissant voir la naissance de ses fesses. A l’étage, Joséphine, jeune adulte fringante et voluptueuse, à la peau brune et lisse, recoiffait ses cheveux raides maintenus en queue de cheval, quelques uns, indisciplinés, repassés derrière l’oreille, derrière la branche de ses lunettes de marque. Sa poitrine indécente ne cessait de respirer fort dans un mouvement qui attire mon regard sous les toits brûlants.
L’été est encore là, mais plus pour longtemps.
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Sep 21, 2010 | Photo |
C’est un appareil semi-automatique qui se trouvait sur l’étagère au-dessus de la penderie de mes grands-parents. Je chérissais cet endroit pour le fait qu’elle recèle mille et un trésors que je ne me suis jamais aventuré à aller déterrer. J’y aimais particulièrement l’odeur de cuir qui y régnait, ces cuirs qui servaient de rangements. C’est dans cet endroit magique que, je le sais depuis toujours, se trouve l’appareil photo et ses trois objectifs, tous ses accessoires, déclencheur à distance, pare-soleil, pied à visser sur une table, filtres, chiffons, mais on y trouve également une caméra super‑8, un projecteur de films, et des dizaines de bobines développées. Dans le placard à balais se trouve l’écran pliable avec sa surface blanche immaculée et granuleuse comme de la toile émeri. Depuis l’avènement du numérique, mon grand-père avait opté pour un bridge Olympus, fidèle à la marque, car son ancien appareil est un Olympus OM-1n MD datant de 1979, avec une coque en métal taillée à la serpe, un appareil solide, à toute épreuve, équipé d’une cellule LED et d’une monture très robuste en nickel-cadmium. Son seul défaut est en fait dû à l’usure ; le rideau a tendance à se bloquer et à empêcher son utilisation tant qu’on n’a pas un peu tapé dessus pour le brusquer. Il a permis à mon grand-père de prendre des centaines de photos, notamment en Égypte, où il a perdu son filtre polarisant sur les rebords d’une balustrade sur les hauteurs de la mosquée Al-Azhar au Caire. L’homme vaillant et intrépide qu’était mon pépé a commencé à enjamber ladite balustrade pour aller le récupérer, mais il a été rattrapé par le guide qui lui a interdit de se pencher dans le vide pour aller chercher son matériel. J’imagine qu’il doit toujours y être.
C’est donc avec cet appareil engoncé dans une housse en cuir que je suis parti en vacances, ne sachant pas réellement m’en servir puisque la dernière fois que j’ai utilisé un appareil « argentique », c’était au lendemain de mon bac, en 1993, avec mon Minolta à cellule électronique. Là, je me suis retrouvé en grande difficulté avec mes pellicules 400ISO (parfois, j’ose encore dire ASA) par temps ensoleillé, puisque plusieurs fois, je me suis rendu compte que je risquais la surexposition. Dès que l’occasion s’est présentée, je me suis procuré trois pellicules ILFORD noir et blanc, FP4 plus 125ISO 36 poses que j’ai commencé à utiliser en Bretagne. La première pellicule ne s’est jamais enclenchée et je me suis retrouvé sans aucun résultat pour ma première salve. La seconde sera la bonne.
Photographier en semi-manuel est un véritable plaisir qui me fait découvrir les joies de la technique. Je prends enfin conscience que photographier est une histoire de temps à prendre, de lenteur et de douceur. Avant d’appuyer sur le déclencheur, il faut prendre le temps de cadrer, de régler vitesse et obturation avant d’explorer enfin tout le cadre avec la cellule pour jauger l’exposition. Parfois même il faut attendre que le nuage s’en aille afin de retrouver cette si belle lumière qui nous a attiré l’œil et qu’on veut absolument retrouver. C’est pour cette raison que le cliché devient chose rare, car il est plus exigeant qu’avec la photo numérique qu’on a tendance à faire se contenter de peu, par facilité plus que par ignorance réelle.
Le terme « argentique » existe seulement depuis le début des années 2000, quand le numérique a débarqué et qu’il a fallu trouver une dénomination qui puisse faire la distinction. Autrefois, ce n’était que de la photo. Aujourd’hui, il faut faire la distinction, même si le terme nous paraît avoir toujours existé.
Il aura fallu que je passe par le numérique pour apprendre à photographier avec un appareil 24x36. Je me suis amusé avec les deux objectifs à focale fixe dont je dispose. Un Olympus f50mm 1 :1,8 qui m’a permis de me faire la main et un Tokura f28mm 1 ;2,8 d’une qualité exceptionnelle. Je crois que l’optique produit un léger vignettage et les lentilles sont particulièrement bien finies.
Travailler avec une focale fixe par rapport au téléobjectif permet de se déplacer plutôt que de faire fonctionner le zoom. Le photographe doit se déplacer si le cadrage ne lui convient pas. C’est plus exigeant.
Le paysage, lui, s’il n’est pas animé, engage un dialogue avec celui qui le photographie, dans une relation ambigüe qui relève pour sa part de la posture. Il se révèle et se dévoile en même temps qu’il se voile, il énonce des postulats que seul l’œil du photographe est capable de recevoir dans le cadre de son objectif, et seul le photographe est capable de le faire évoluer.
Toutes les photos ont été prises à la pointe de Poul Stripo à Plougrescant… avec mon téléphone.
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