Der­nier jour en Indo­né­sie. Comme sou­vent, je suis content que ça s’ar­rête ; il y a un temps pour tout. Le voyage doit se ter­mi­ner pour pou­voir faire à nou­veau des pro­jets et repar­tir, sans quoi ce ne serait plus du voyage mais de l’expatriation.
Je fais ma valise avant d’al­ler déjeu­ner et je pro­fite un peu de la pis­cine avant de par­tir de l’hô­tel. Je sais que je n’au­rais pas for­cé­ment le temps plus tard, alors c’est main­te­nant que je barbote.

Dodo, chauffeur de taxi - Jalan Menukan - Yogyakarta - Indonésie - mars 2014

Dodo, chauf­feur de taxi — Jalan Menu­kan — Yogya­kar­ta — Indo­né­sie — mars 2014

Je prends un taxi avec un type très sym­pa qui s’ap­pelle Dodo et qui parle très bien anglais. Il a envie de m’ap­prendre quelques mots en baha­sa, alors je me plie à l’exer­cice avec lui. Nous nous mar­rons bien tous les deux. Je lui demande si je peux le prendre en pho­to et comme j’ai pris ma petite impri­mante Pola­roid, je lui pro­pose un deal. Je prends la pho­to avec mon télé­phone et je la garde, je lui donne l’im­pres­sion. Il est très heu­reux de cet échange et il me dit qu’il ne faut pas que j’hé­site à lui faire de la publi­ci­té une fois arri­vé en France.

Je lui demande de me dépo­ser à Berin­ghar­jo que j’ai envie de voir. Le mar­ché est une grande gale­rie sur plu­sieurs étages, dont le pre­mier est uni­que­ment enva­hi de ven­deurs de vête­ments, de cou­pons et de tis­sus au mètre. Je trouve un stand tenu par quatre dames, dont une est âgée. Les trois autres sont voi­lées, mais pas elle. Elle a un beau regard tendre et se cache pour ne pas que je la voie. Je négo­cie quelques bouts de tis­sus sur l’é­tal et je leur pro­pose ensuite un cadeau (hadiah). La plus proche de moi est éton­née mais elle joue le jeu, alors je sors mon télé­phone, la prends en pho­to et je sens qu’elle a l’im­pres­sion que je me suis fou­tu d’elle, mais aus­si­tôt, je sors mon impri­mante et j’im­prime la pho­to ; les femmes ont com­pris, alors elles com­mencent à rire et je mets lit­té­ra­le­ment le feu à l’al­lée où les com­mer­çantes m’en­tourent pour regar­der ce que je fais. Lorsque la pho­to appa­raît, c’est l’ex­plo­sion de joie ! La petite dame en rouge à côté de moi demande à ce que je prenne ses deux sœurs, ce que je fais avec plai­sir, puis la grand-mère et là l’im­pri­mante se bloque. Je mets dix bonnes minutes à décoin­cer le papier et elles me disent toutes que ce n’est pas grave. Pour moi, ça l’est, ce n’est pas juste. Je ne peux pas repar­tir comme ça sans avoir don­né la pho­to à cette gen­tille dame. La dame en rouge m’é­vente parce qu’elle voit que je com­mence à trans­pi­rer et fina­le­ment la pho­to sort. La petite dame me remer­cie cha­leu­reu­se­ment. De mon côté, je suis heu­reux d’a­voir pu par­ta­ger ce bon moment avec elles, ne pas avoir été sim­ple­ment dans une rela­tion mar­chande. Iro­nie de l’his­toire, la seule pho­to qui me reste est à la pho­to de cette petite dame, les deux autres ont dis­pa­ru… Ce n’est pas grave, ce n’é­tait pas pour moi, mais bien pour elles.

J’ai regar­dé cette ville comme un ani­mal effrayant et aujourd’­hui je n’ai plus envie d’en par­tir. Tout ici me semble fami­lier, tout me semble digne d’être regar­dé, appré­cié, pal­pé… Je suis heu­reux d’être venu ici.

Il y a beau­coup de monde sur Malio­bo­ro et le taxi met pas mal de temps à me rame­ner à l’hô­tel. Je regarde les pas­sants, il y a des visages superbes dans cette ville. Je récu­père ma valise à l’hô­tel et le taxi n’ar­rive pas, je com­mence à stres­ser. Garu­da Indo­ne­sia ferme les enre­gis­tre­ments de bagages une heure avant le départ, ce qui fait peu pour un vol inté­rieur, mais le chauf­feur écrase le cham­pi­gnon, aler­té par le type de la récep­tion, alors je lui laisse un gros pourboire.

Arri­vée à l’aé­ro­port Adi­su­cip­to de Yogya­kar­ta (JOG). Enre­gis­tre­ment, attente dans le hall d’embarquement, dans la moi­teur d’un pays que je m’ap­prête à quit­ter, j’ai tout de même un pin­ce­ment au cœur. Les quatre portes donnent direc­te­ment sur le tar­mac et on marche sur la piste pour aller rejoindre l’a­vion, un Boeing 737 aux cou­leurs de la com­pa­gnie locale.

Arri­vée à l’aé­ro­port de Soe­kar­no-Hat­ta de Jakar­ta (CGK) où règne une ani­ma­tion beau­coup plus intense que celle vécue à l’ar­ri­vée, lors­qu’il a fal­lu zoner devant les portes. Dehors, il fait lourd, moite. En pas­sant près des zones fumeurs, on recon­nait clai­re­ment l’o­deur du kre­tek, ces ciga­rettes locales, par­fu­mées au clou de girofle et dont le filtre est sucré, une odeur très agréable et pas du tout âcre comme celle des ciga­rettes tra­di­tion­nelles. J’ai quatre heures d’at­tente, qui passent fina­le­ment assez vite.
Des voiles blancs par­tout, des valises iden­tiques à l’en­re­gis­tre­ment, c’est un monde à la fois de simi­li­tudes et de dis­sem­blances que je quitte, un monde dans lequel j’ai mis le pied et dans lequel à pré­sent, j’ai envie de retourner.

Le voyage se ter­mine lorsque l’Air­bus A380 d’E­mi­rates Air­lines pose les roues sur le tar­mac de Rois­sy Charles de Gaulle et que je sors de l’aé­ro­port en ber­mu­da et chaus­sures légères pour rejoindre le taxi, tan­dis que dehors, il ne fait que 7°C.

Sela­mat ting­gal Indonesia !!!