Cer­taines maximes sonnent comme des coups de ton­nerre dans la nuit. Du fond de cette nuit, on entend les anciens racon­ter entre leurs dents déchaus­sées le vide entre deux rafales de vent. Sois patient, écoute encore jus­qu’à temps que le silence t’as­sour­disse, pose ta tête sur l’en­clume et attend que le son du mar­teau brise ton tym­pan. Sou­ve­nirs de nuits pas­sées ailleurs, encore des mots qui résonnent entre les oreilles. Là-bas, un cyprès fend l’ho­ri­zon, un chant monte, tendre et las­cif. La Chine enva­hit la saveur des autres mondes.
Oli­vier Ger­main-Tho­mas raconte cette petite his­toire qu’on lui a rap­por­té, et qu’il plaque ici dans les pages de son livre, La ten­ta­tion des Indes, à la fin d’un cha­pitre comme pour ne pas lais­ser l’es­pace d’un débat pos­sible, comme un pré­re­quis à tout départ. Sache mesu­rer chaque chose, la pon­dé­rer, avant de partir…

Le voya­geur doit avoir pré­sent à l’es­prit cette his­toire chi­noise racon­tée par Jean Gre­nier : « Un vieillard qui vivait avec son fils per­dit un jour son che­val ! Les voi­sins vinrent lui expri­mer leur sym­pa­thie pour ce mal­heur et le vieillard deman­da : “Com­ment savez-vous que c’est un mal­heur ?” Quelques jours plus tard, le che­val revint, sui­vi de plu­sieurs che­vaux sau­vages, et les voi­sins retour­nèrent féli­ci­ter de cette chance le vieillard, qui répli­qua : “Com­ment savez-vous que c’est une chance ?” Entou­ré de tant de che­vaux, le fils se mit à les mon­ter et, un jour, il se cas­sa la jambe. De nou­veau les voi­sins expri­mèrent leur sym­pa­thie et le vieillard répon­dit : “Com­ment savez-vous que c’est de la mal­chance ?” L’an­née sui­vante, il y eut une guerre et, parce que son fils était boi­teux, il n’al­la pas au front. » Lie-Tzeu.

Oli­vier Ger­main-Tho­mas, La ten­ta­tion des Indes
Folio Gal­li­mard, 2010

Tags de cet article: , ,