Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie — 11 août) : Pata­ra et Xan­thos, les grandes cités lyciennes

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie — 11 août) : Pata­ra et Xan­thos, les grandes cités lyciennes

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 10 août) : Les göz­leme d’Esra, Fethiye, le tom­beau d’Amyntas

Bul­le­tin météo de la jour­née (same­di) :

  • 10h00 : 37.8°C / humi­di­té : 29% / vent 7 km/h
  • 14h00 : 43.1°C / humi­di­té : 55% / vent 17 km/h
  • 22h00 : 42.2°C / humi­di­té : 81% / vent 6 km/h

Encore une jour­née qui s’an­nonce calme sous un soleil écra­sant. Les tem­pé­ra­tures sont sim­ple­ment affo­lantes et dépassent lar­ge­ment les 40°C. La rai­son vou­drait que je reste enfer­mé dans ma chambre semi-cli­ma­ti­sée ou à l’ombre d’un para­sol au bord de la pis­cine, mais rien n’y fait, je n’ar­rive pas à res­ter en place, même si je lézarde un peu en som­no­lant après un petit déjeu­ner copieux, à base de fro­mage blanc et de tisane de sauge.
Je reste en admi­ra­tion devant ce petit appen­dice qui dépasse de la cuvette des toi­lettes, où que je sois pas­sé depuis mon arri­vée ici, sur la par­tie anté­rieure et qui pro­pulse un jet d’eau puis­sant des­ti­né à se net­toyer. Évi­dem­ment, le sujet est un peu déli­cat à trai­ter, mais je suis admi­ra­tif de ce pro­cé­dé utile et effi­cace qui ne me laisse plus aucun doute sur l’hy­giène de ce peuple qui a l’ha­bi­tude des bains publics et des ablu­tions liées à la prière. Je rêve qu’un jour en France, dans ce pays qu’on dit asep­ti­sé et hygié­niste, on puisse prendre autant soin de son hygiène cor­po­relle, ce qui est loin d’être le cas.

Patara ÖrenyeriLe midi, je retourne déjeu­ner chez Ezra avant de refaire un tour par l’hô­tel pour lire un peu Amin Maa­louf au bord de la pis­cine et piquer une tête dès que la tem­pé­ra­ture devient intolérable.
Cet après-midi, j’ai déci­dé de me rendre à Pata­ra. Après tout, c’est le site le plus proche d’i­ci et je ne suis même pas allé le voir. En fait, quand on suit la direc­tion du site (les sites archéo­lo­giques sont signa­lés par des pan­neaux écrits en blanc sur fond mar­ron qui font pen­ser à ceux qu’on trouve au bord des auto­routes fran­çaises) qui se trouve au bout de la route qui tra­verse le vil­lage, on arrive à ce qui res­semble à un poste fron­tière. Je crois que c’est la pre­mière fois que je vois un site aus­si bien gar­dé. Il se trouve que c’est éga­le­ment l’en­trée d’un site très connu car il passe pour être la plus belle plage de la côte turque. J’a­voue sans honte que je n’y suis pas allé de tout mon séjour, trou­vant cer­tai­ne­ment qu’il y avait bien d’autres choses à faire que d’al­ler se bai­gner dans la Médi­ter­ra­née. Cela dit, avec du recul, je regrette un peu, mais je m’en remet­trai. Après la bar­rière, on arrive donc sur le site qui s’é­tend tout au long de la route. Dès lors que je com­mence à vou­loir prendre des pho­tos, je me rends compte que quelque chose ne va pas, mon appa­reil reste obs­ti­né­ment éteint. Je com­mence à angois­ser en me disant que si mon appa­reil me lâche main­te­nant, je ne vais plus pou­voir gar­der d’i­mages de tout cela ; c’est sim­ple­ment incon­ce­vable pour moi. En ten­tant d’é­ta­blir un diag­nos­tic, je me rends compte que la bat­te­rie est absente de son com­par­ti­ment et en une frac­tion de seconde, je la revois dans son char­geur, bien au frais sur la table de la chambre d’hô­tel. Je n’ai plus qu’à prendre des pho­tos avec mon téléphone.

Turquie - jour 16 - Cités lyciennes - 006 - Patara et Xanthos

Turquie - jour 16 - Cités lyciennes - 012 - Patara et Xanthos

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Tuğ­ra, le mono­gramme du Sultan

Si vous êtes déjà allés en Tur­quie, vous n’a­vez pas pu pas­ser à côté de ce signe qu’on pour­rait sim­ple­ment croire être une belle cal­li­gra­phie arabe, et qu’on voit sur tous les objets rap­pe­lant de près ou de loin que le pays, jus­qu’en 1922, était gou­ver­né par un Sul­tan. Sur les fron­tis­pices des mos­quées immenses qu’on peut devi­ner avoir été conçues par Mimar Sinan, sur les rosaces qu’on voit mar­te­lées sur les pla­teaux en cuivre, sur les boîtes à savon des ham­mams, on retrouve par­tout ce signe qui n’est autre que la signa­ture des sul­tans ; la Tuğ­ra. Conçue comme un mono­gramme, c’est l’en­tre­lacs de plu­sieurs mots dési­gnant à la fois le nom mais aus­si la lignée (en arabe : kunya) et le titre exact. Ain­si Soli­man le Magni­fique (Süley­man) porte-t-il le titre — non pas de magni­fique mais — de Légis­la­teur (en turc : Kanu­ni). L’al­pha­bet arabe est l’al­pha­bet en vigueur dans l’Em­pire Otto­man jus­qu’à la réforme lin­guis­tique opé­rée par Atatürk en 1928 et la Tuğ­ra rédi­gée dans cet alpha­bet nait à l’é­poque des pre­miers échanges avec l’Oc­ci­dent. Les Ita­liens notam­ment, Véni­tiens ou Génois, sont alors cou­tu­miers de cette griffe qui ter­mine les lettres et qui désigne éga­le­ment le rang. Les Otto­mans ne seront pas en reste et emploie­ront à outrance cette marque dis­tinc­tive des lettres et édits impé­riaux et native, semble-t-il des tra­di­tions Seld­jou­kides d’A­na­to­lie. On trouve par exemple un exemple de cette belle signa­ture sur une lettre adres­sée par Süley­man au Roi de France Fran­çois Ier en 1536.

tuğra

Tuğ­ra de Süley­man Ier Kanuni
Pho­to © Tez­hip Sanatı

La signi­fi­ca­tion exacte de la Tuğ­ra de Süley­man est : Suley­man shah bin Selim shah han el-muzaf­fer dai­ma, Süley­man, sul­tan, fils du sul­tan Selim, tou­jours vic­to­rieux. L’é­cri­ture située dans la bulle sur la droite est le pseu­do­nyme du Sul­tan, en l’oc­cur­rence Kanu­ni, le Législateur.
Pour en savoir plus, visi­tez le site Tugra.org pour décou­vrir les Tuğ­ras de tous les sul­tans et leur mode de fabrication.

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 10 août) : Les göz­leme d’Es­ra, Fethiye, le tom­beau d’Amyntas

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 10 août) : Les göz­leme d’Es­ra, Fethiye, le tom­beau d’Amyntas

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 9 août) : Dans les gorges de Saklıkent (Kanyo­nu)

Bul­le­tin météo de la jour­née (ven­dre­di) :

  • 10h00 : 38.7°C / humi­di­té : 27% / vent 15 km/h
  • 14h00 : 42.0°C / humi­di­té : 23% / vent 11 km/h
  • 22h00 : 40.0°C / humi­di­té : 67% / vent 4 km/h

Réveillé ce matin par le chant des cri­quets dans l’at­mo­sphère brû­lante qui frappe au car­reau. Mes nuits cli­ma­ti­sés res­semblent à des cau­che­mars où j’os­cille entre la nudi­té par­faite et l’en­gon­ce­ment dans les toiles blanc cas­sé, sau­cis­son­né comme une rosette de Lyon ou un foie gras cuit à cœur. Ils se sont répar­tis ente le jar­din de la pis­cine et celui sur lequel donne la cour­sive, ce qui a le don de pro­duire un son en sté­réo pas­sa­ble­ment enivrant. Je dis cri­quet, mais je suis vrai­ment inca­pable de dire quel genre de coléo­ptère est capable de faire ce genre de bruit et je ne suis pas cer­tain que si j’ar­rive à connaître le nom turc cela m’a­vance à grand chose.

Ce n’est pas parce que je suis en vacances que je ne lis pas. Je viens de finir le livre de Daniel Arasse, On n’y voit rien, que j’ai trou­vé beau­coup moins fas­ci­nant qu’His­toires de pein­tures, beau­coup moins éclai­rant, plus égo­cen­tré et sur ma lan­cée je com­mence la lec­ture, dès le petit matin, de Les Croi­sades vues par les Arabes d’Amin Maa­louf.

Je prends quelques notes sur la manière de tenir mes car­nets, com­ment les ordon­ner, de les numé­ro­ter et de les indexer, de mettre des onglets, d’in­sé­rer du maté­riau à l’in­té­rieur. Vœux pieux. Il me semble qu’en ce moment je mange beau­coup, peut-être l’ef­fet de la cha­leur, ou alors parce que les repas sont plus légers, ou alors parce que je ne res­sens plus beau­coup la sen­sa­tion de satiété.

Turquie - jour 15 - Fethiye - 006 - Patara gözleme evi

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 9 août) : Dans les gorges de Saklıkent (Kanyo­nu)

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 9 août) : Dans les gorges de Saklıkent (Kanyo­nu)

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 8 août) : Arri­vée à Pata­ra, Gele­miş, Kum­luo­va, le Lêtốon

Bul­le­tin météo de la jour­née (jeu­di) :

  • 10h00 : 36.8°C / humi­di­té : 26% / vent 20 km/h
  • 14h00 : 40.5°C / humi­di­té : 19% / vent 7 km/h
  • 22h00 : 36.3°C / humi­di­té : 44% / vent 6 km/h

Il reste encore dix jours de Tur­quie, j’en suis au jour 14. J’ai l’im­pres­sion d’être ici depuis une éter­ni­té et l’an­goisse qui m’é­trei­gnant avant d’ar­ri­ver de me retrou­ver dans des lieux qui ne me convien­draient pas est loin der­rière moi. Je suis ici dans mon élé­ment, mal­gré cette cha­leur, mal­gré cette impres­sion de ne pas pou­voir res­pi­rer… Mais tout va bien.
Je prends mon petit déjeu­ner sur une ter­rasse recou­verte d’une ton­nelle très années 70, qui donne sur un pay­sage de col­lines et la mer au loin ; le vent rafraî­chis­sant du matin souffle tan­dis que je me repais de fro­mage blanc et d’une infu­sion de sauge très déli­cate avant de plon­ger dans la pis­cine. Pen­dant tout ce séjour, je fais exprès de me gaver au petit déjeu­ner pour n’a­voir pas à poser les pieds sous la table le midi et ain­si perdre le moins de temps pos­sible. Fina­le­ment, je me demande si l’ob­jec­tif ini­tial des vacances qui est de se repo­ser n’a pas été oublié en cours de route. Mais est-ce si grave que ça ?

Turquie - jour 14 - Saklikent Kanyonu - 004

Aujourd’­hui, direc­tion Saklıkent pour aller se fondre dans les gorges (kanyo­nu). Il paraî­trait que le site est très fré­quen­té en cette sai­son et les guides conseillent de par­tir tôt. De plus, ce que j’en ai vu à mon retour de Pamuk­kale, de nuit, ne m’a pas beau­coup plu. Une enfi­lade de bou­tiques attrape-couillon-de-tou­riste s’é­tire sur près de 500 mètres avant d’ar­ri­ver au par­king. Mais il en faut plus pour me désar­mer et sans le savoir, je prends une route le long d’une rivière large et caillou­teuse qui me fait arri­ver de l’autre côté de ce lieu de per­di­tion. J’ar­rive sur un par­king où je me gare tran­quille­ment et je me fais alpa­guer par un rabat­teur qui me demande de venir man­ger dans son res­tau­rant ; il est à peine 11h00… Je lui dis peut-être après la visite, mais je me rends compte une fois que je me suis éloi­gné que je suis en fait garé sur le par­king de son res­tau­rant… (more…)

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La plante-tur­ban

La plante-tur­ban

Dau­zat : « Tulipe; emprun­té au turc tül­bend, pro­pre­ment “(plante)-turban”. » […]
En 1562, Soli­man fait les hon­neurs de son jar­din à Ogier Ghis­lain de Bus­beck, ambas­sa­deur du Saint Empire ger­ma­nique, qui s’ex­ta­sie devant une fleur incon­nue, la tulipe et rentre chez lui avec quelques bulbes. L’an­née d’a­près, le baron de Bus­beck fait admi­rer les pre­mières tulipes de son jar­din à ses visi­teurs. Dans les années qui sui­virent, la répu­ta­tion de la tulipe gagne l’Eu­rope, les bulbes voyagent dans les malles de diplo­mates et des mar­chands, la fleur s’é­pa­nouit en Hol­lande, la demande aug­mente, le com­merce s’or­ga­nise, les prix montent (en 1637, mille pièce d’or pour un seul oignon), les spé­cu­la­teurs s’en mêlent, la pro­duc­tion se diver­si­fie, des gros­sistes engagent des for­tunes pour atta­quer le mar­ché anglais, qui boude les bulbes. Le flegme bri­tan­nique pro­voque un repli panique à la bourse de Haar­lem, c’est le krach.
En dehors de la bulle finan­cière, la folie-tulipe conti­nue ; sur les bords du Bos­phore, toute la popu­la­tion est tou­chée. Au début du XVIIIè siècle, un « registre des jar­dins de tulipes d’İst­anb­ul » réper­to­rie onze cent huit varié­tés. Quand com­mence une grande époque de fête et d’in­sou­ciance, qui coïn­cide avec la fin du règne d’Ah­med III, on l’ap­pelle l’ère des tulipes. Un vent de plai­sir souffle sur la ville, le sul­tan nomme un ministre des jar­dins et la tuli­po­ma­nie connaît son apo­théose. En 1720, des réjouis­sances sans pré­cé­dent sont orga­ni­sées dans toute la ville en l’hon­neur de la cir­con­ci­sion de quatre fils du sul­tan qui reçoit dans son palais de Beşik­taş, sur les bords du Bos­phore, avec des tor­tues-lam­pions dans les jar­dins de tulipes.

Daniel Ron­deau, İst­anb­ul
Folio Gal­li­mard pour NiL Edi­tions, 2002

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