Vénus et autres Vénus

Moins connues que leurs consœurs, elles sont néan­moins repré­sen­ta­tives de leur époque et d’un art hau­te­ment avan­cé, capable d’in­ven­tion et d’une sty­li­sa­tion très pous­sée. Revue de détail de ces femmes venues de la pré­his­toire, qu’on a sou­vent appe­lé “Vénus” pour rendre hom­mage à la beau­té intrin­sèque de la femme, mais qui sont plus géné­ra­le­ment des odes à la fer­ti­li­té. (suite de l’ar­ticle Sept femmes (Vénus du gra­vet­tien))

La Vénus impu­dique de Laugerie-Basse

Lau­ge­rie-Basse se trouve sur la route entre Rouf­fi­gnac et Les Eyzies, dans la val­lée de la Vézère où l’on peut pas­ser des jours à s’ex­ta­sier sur cer­tains des plus beaux sites pré­his­to­riques (Las­caux, La Made­leine, Com­ba­relles, Font-de-Gaume, etc.) lors­qu’ils sont encore ouverts au public. Cette vénus a été appe­lée impu­dique en rai­son de l’in­ci­sion pro­fonde mar­quant la forme de la vulve. Peu for­mée, élan­cée, (ce qui laisse pen­ser qu’on a plu­tôt affaire à une ado­les­cente qu’à une femme mûre) c’est la pre­mière “Vénus” a avoir été mise au jour, en 1864. Sculp­tée dans l’i­voire, elle mesure 8cm de haut.

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Sept femmes (Vénus du gravettien)

De mémoire d’hu­main, les pre­mières repré­sen­ta­tions humaines retrou­vées par­mi les fouilles archéo­lo­giques du paléo­li­thique supé­rieur ne sont pas des repré­sen­ta­tions mas­cu­lines, mais bel et bien fémi­nines. On pour­rait être ame­né à croire que l’être humain, dans le déve­lop­pe­ment de son intel­lect aurait repré­sen­té en pre­mier lieu ce qu’il avait sous les yeux, c’est-à-dire son alter ego, lui-même, mais il n’en a rien fait, il a com­men­cé par repré­sen­ter l’a­ni­mal comme vu pré­cé­dem­ment, c’est en tout cas une sup­po­si­tion facile puisque ce sont les seuls ves­tiges de cette époque par­ve­nus jus­qu’à nous. Concer­nant le parié­tal, mais pour d’autres rai­sons (voir cet article), les humains ne sont que très peu repré­sen­tés. Ici, la femme est donc en pre­mière posi­tion et la rai­son en est simple. Dans un contexte où les élé­ments natu­rels ont une ver­tu magique, la femme, géni­trice, sym­bole de fécon­di­té, mère pro­tec­trice et pré­cep­trice jus­qu’à l’âge adulte, est magni­fiée dans les formes qui la font recon­naître comme étant le médium de la conser­va­tion de l’es­pèce. Il est de noto­rié­té com­mune que l’é­tho­lo­gie sexuelle met en lumière la recherche des attri­buts sexuels pri­maires évi­dents comme des signes de recon­nais­sance des meilleures condi­tions pos­sibles de repro­duc­tion (seins volu­mi­neux aux aréoles pro­émi­nentes, hanches larges et clai­re­ment des­si­nées, cam­brure mar­quée, fesses rondes, cuisses robustes sont autant d’as­su­rances que la per­sonne sera à même de sup­por­ter une gros­sesse, de la mener à son terme et de nour­rir sa pro­gé­ni­ture dans les meilleures dis­po­si­tions). C’est donc tout natu­rel­le­ment que la femme est un sym­bole fort, pré­sent dans toutes les formes pri­mi­tives de l’art comme un canon. Pen­dant tout un pan de l’his­toire de l’hu­ma­ni­té — auri­gna­cien (37 000 à 28 000 BP1), gra­vet­tien (29 000 à 22 000 BP), solu­tréen (22 000 à 17 000 BP), mag­da­lé­nien (17 000 à 10 000 BP) — , ce qui nous est par­ve­nu consiste en de très belles pro­duc­tions sty­li­sées, dans le pro­lon­ge­ment de ce qui nous a été lais­sé en terme de pro­duc­tion artis­tique natu­ra­liste. Sept femmes, sept Vénus célèbres qui sont autant d’hymnes à la femme, à l’art et à la nature humaine, clas­sées par âge. (more…)

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Pré­mices du style (l’a­ni­mal aurignacien)

L’his­toire de l’art com­mence avec ce moment très par­ti­cu­lier où l’être humain ne fait plus sim­ple­ment des images de sa per­cep­tion une repré­sen­ta­tion, mais à par­tir du moment où il le repré­sente en en sim­pli­fiant les formes ou en les ren­dant plus belles dans un but déco­ra­tif ou esthé­tique. Il y a une idée de rendre la réa­li­té avec quelque chose “de plus”, de plus simple ou de plus com­pli­qué, de plus beau ou de plus laid, de plus neutre ou de plus dra­ma­tique, mais il y a l’i­dée de transcender.

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Chau­vet, la grotte des rêves perdus

Pho­to © Alain Cachat

Un dimanche soir calme, j’entre dans la salle de spec­tacle du Figuier Blanc où m’at­tend un grand écran de plus de qua­torze mètres de lon­gueur, il y fait frais comme à l’en­trée d’une grotte. Si je suis ici, c’est pour voir ce film de Wer­ner Her­zog (oui, le même Her­zog qui tour­na Aguirre, Fitz­car­ral­do et Nos­fe­ra­tu) dont j’ai enten­du par­ler par hasard. Il se trouve que le sujet en est la Grotte Chau­vet, décou­verte en 1994, dont le mobi­lier et les pein­tures parié­tales ont été esti­més entre 31000 et 38000 ans, de l’au­ri­gna­cien au gra­vet­tien — le sujet m’est cher. A titre de com­pa­rai­son, la grotte de Las­caux est, elle, esti­mée à 17000 ans. Chau­vet est deux fois plus ancienne !

Le tra­vail de Wer­ner Her­zog a été de res­ti­tuer l’am­biance magique, voire mys­tique de cette grotte qui s’é­tend sur 400 mètres de long à l’in­té­rieur d’une falaise, dont la par­tie paléo­li­thique orien­tée plein sud s’est effon­drée, en sur­plomb d’un ancien bras de l’Ar­dèche, à deux pas du Pont d’Arc au lieu-dit la Combe d’Arc. La grotte a ain­si été pro­té­gée de l’ex­té­rieur jus­qu’à sa décou­verte. Plus de quatre cents repré­sen­ta­tions d’a­ni­maux, de mains posi­tives, et une seule repré­sen­ta­tion mi-humaine mi-ani­male ornent les parois de cette cavi­té natu­relle, jus­qu’à la salle du fond où le taux de CO2 reje­té par les racines des arbres est trop impor­tant pour qu’on puisse y res­ter trop long­temps sans risques pour la san­té. Le sol n’a pas été com­plè­te­ment explo­ré encore et l’é­tat de conser­va­tion excep­tion­nel de la grotte sera main­te­nu tel quel puis­qu’elle ne sera jamais ouverte au public. C’est d’ailleurs la rai­son pour laquelle Her­zog a eu l’au­to­ri­sa­tion de fil­mer pour fixer tout cela sur la pel­li­cule et en faire un peu plus qu’un film. Cer­taines scènes sont fil­mées en 3D avec des gros plans impres­sion­nants sur le sol ou les pein­tures, ce qui accen­tue for­te­ment le volume de la pierre, et sa dimen­sion sacrée. Limi­tés à des plages d’une heure par jour et contraints d’y évo­luer en équipes res­treintes, l’é­quipe de tour­nage a lais­sé der­rière elle un témoi­gnage fort, une vision large d’un mor­ceau d’humanité.


Grotte Chau­vet : sec­to­ri­sa­tion de la grotte.
Rele­vés topo­gra­phiques : Le Guillou et Mak­sud (2001)
© Paleo

L’in­té­rêt de cette grotte réside dans son incroyable état de conser­va­tion et dans la mul­ti­tude de ses repré­sen­ta­tions. Depuis Chau­vet, on sait par exemple que le lion des cavernes qui vivait à cette époque ne por­tait pas de cri­nière, car une des repré­sen­ta­tions figure un couple lion/lionne et le mâle est clai­re­ment iden­ti­fié par la pré­sence du scro­tum. On peut par ailleurs entendre dans ce film Jean Clottes (dont j’ai déjà lon­gue­ment par­lé sur le Per­ro­quet Sué­dois) par­ler de ses deux concepts liés à la spi­ri­tua­li­té du paléo­li­thique, la flui­di­té et la per­méa­bi­li­té. Flui­di­té entre les espèces, dans la pen­sée du Sapiens paléo­li­thique, les genres se confondent aisé­ment, l’Homme vit au milieu de la nature et la dis­tinc­tion est faible entre les élé­ments qui la consti­tue, homme/femme/animal/arbre/pierre/ciel par exemple. Per­méa­bi­li­té entre les mondes, entre le monde des esprits caché der­rière la roche, les deux mondes s’in­ter­pé­nètrent. Ces deux concepts dif­fi­ciles pour nos pen­sées judéo-chré­tiennes per­mettent de mieux com­prendre la situa­tion et le pour­quoi de ces pein­tures rupestres.

Dif­fi­cile de ne pas admi­rer ce tra­vail plu­sieurs fois mil­lé­naire, qui tend à prou­ver que si l’homme qui vivait ici il y a 40000 ans était certes entou­ré d’un envi­ron­ne­ment mini­mal, très natu­rel, il n’en était pas moins capable du plus haut niveau d’abs­trac­tion qui soit dans l’é­chelle de l’é­vo­lu­tion, c’est-à-dire la pen­sée reli­gieuse, laquelle a per­du­ré dans sa forme cha­ma­nique pen­dant plus de trente mille ans et sur­vit encore aujourd’­hui dans cer­tains endroits du monde. De quoi rendre les grandes reli­gions modestes…

Liens :

  1. Inter­view de l’in­ven­teur de la grotte, Jean-Marie Chau­vet
  2. La faune de la grotte Chau­vet (Vallon-Pont‑d’Arc, Ardèche) : pré­sen­ta­tion pré­li­mi­naire paléon­to­lo­gique et taphonomique
  3. Immé­diat et suc­cessif : le temps de l’art des cavernes
  4. Loca­li­sa­tion de la Grotte Chau­vet sur Google Maps
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Le pre­mier géographe

Quand j’é­tais gamin, se trou­vait dans la biblio­thèque de ma mère un livre à la cou­ver­ture noire, un épais livre à l’as­pect mys­té­rieux, qui por­tait ce nom étrange : le pro­cès des étoiles. J’ai com­men­cé à le lire et à décou­vrir ce qu’é­tait un essai. Le livre raconte l’ex­pé­di­tion de quatre scien­ti­fiques en Amé­rique cen­trale pour mesu­rer la terre, un arc de méri­dien plus pré­ci­sé­ment. Ils s’ap­pe­laient Jus­sieu, Bour­ger, Godin et La Conda­mine. Ce livre de Flo­rence Trys­tram est un best-sel­ler par­mi les livres didac­tiques. Il y a trois semaines de cela, je suis tom­bé sur un autre livre d’elle : Terre ! Terre ! De l’O­lympe à la NASA, une his­toire des géo­graphes et de la géo­gra­phie. Un titre qui dit bien son pro­gramme et invite au voyage, en com­men­çant par les pre­miers hommes qui ont par­cou­ru la terre, en forme d’al­lé­go­rie. (more…)

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