Jun 21, 2010 | Photo, Sur les portulans |
En étudiant les visages de Paris à travers l’histoire, depuis les prémisses de son existence, avant même que Paris ne soit Lutèce(1), lorsque le Parisis, bassin limoneux fertile de la vallée séquanienne était exploité par les Parisii(2) pour sa pierre, son calcaire blanc que l’on trouve jusque dans les murs du château de Versailles, et cela jusqu’à nos jours, on voit tout à coup se dessiner l’organisation d’une ville autour de son centre, établi autour des anciens thermes de Cluny et de l’île de la Cité. Il en aura fallu de l’audace pour s’installer sur cette grande île au milieu du fleuve, à une époque où le génie civil n’était pas vraiment au faîte de sa gloire et où le fleuve était régulièrement pris dans les glaces qui en fondant détruisaient avec une impressionnante constance les ponts de bois, et cela jusqu’au XVIè siècle. Mais le lieu revêtait un caractère stratégique particulier et bien vite l’endroit fut construit, fortifié et placé au centre de la vie de cette nouvelle ville. Son emplacement sur le fleuve en fit vite un lieu de passage privilégié tout d’abord pour le commerce fluvial. De riches marchands trouvent leur compte dans cette activité et les industriels tirent parti du flux de la Bièvre pour établir mégisseries, tanneries et autres activités textiles. Les ponts sont mis à profit pour la construction de moulins qui fourniront la farine nécessaire à la cuisson du pain au four banal (le four est à l’époque centralisé pour des questions d’imposition, et le plus connu se trouvait alors… rue du Four). Également, la présence des ponts permet de renforcer les échanges entre le nord et le sud et hostelleries et auberges font leur beurre avec les commerçants et les voyageurs de passage. La vie prend forme et très vite Paris devient la plus grande ville du monde occidental.
Île de la Cité — Frères Limbourg — Mois de Juin — Les Très Riches Heures du Duc de Berry
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Jun 16, 2010 | Arts, Livres et carnets |
Au creux des reins de cette période sensuelle qu’est le Moyen-Âge se nichent des hommes qui avaient le don des belles choses et qui ont passé leur vie à employer leur don exceptionnel pour le dessin et la peinture afin d’illustrer la vie de leur époque, les événements qui ont marqué l’histoire et les récits et les hauts-faits des Grands Hommes. Concrétion des arts graphiques de cette période qu’on appelle la Première Renaissance, l’Enluminure recèle toutes les splendeurs et les plus belles techniques d’une période plus romantique qu’il n’y paraît. Les instruments et les couleurs eux-mêmes sont porteurs de noms fantasmatiques ; calame, vélin, lettrine, sépia, azurite et orpiment…
Voici un tour d’horizon des plus belles œuvres et des plus grands faiseurs de lumière de cette forme d’art graphiquement et naturellement haute en couleurs.
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Jun 13, 2010 | Sur les portulans |
J’ai découvert dans l’Atlas de Paris au Moyen-Âge une petite gravure représentant l’hôtel de Vauvert au cœur de Paris, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le Jardin du Luxembourg. Vauvert est une autre forme de « Val Vert », indiquant clairement un endroit boisé et plutôt agréable. L’expression « aller au Diable Vauvert » remet cette image idyllique en cause. En cherchant l’origine de cette expression, j’ai trouvé autant d’explications que de sources, toutes différentes quand à sa signification et son origine, un grand n’importe quoi auquel je ne veux pas donner caution. Toutefois, si la linguistique nous emmène sur des chemins hasardeux, l’histoire, elle, semble être d’accord avec les faits et nous raconte une histoire qui si elle ne nous laisse aucune certitude, nous donne une idée de l’origine des mots.
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Jun 11, 2010 | Histoires de gens, Sur les portulans |
Paris n’a pas toujours été un lieu prestigieux dont l’image rayonne aux quatre coins du monde, qui décentralise ses musées en province et dans les émirats arabes, qui fait de l’Avenue des Champs-Élysée la plus belle avenue du monde (en réalité la plus vulgaire, et de loin) ou qui devient capitale de la mode. Au Moyen-Âge, lorsque la ville devient la plus grande ville du monde occidental, c’est un véritable coupe-gorge et un lieu de perdition, mais remis dans son contexte de l’époque, Paris est loin d’être une ville riche. Les nobles s’entassent dans les palais, jamais bien loin du roi, tandis que les notables et les bourgeois développent les villages de Paris (Saint-Laurent, Saint-Germain des Prés, Saint-Marcel, etc.) avec l’argent florissant du commerce et de l’industrie — finalement, rien de nouveau. Au milieu de tout ce beau monde, une belle proportion de la population vit dans la misère la plus crasse, et comme dans toute situation de crise, les réseaux mafieux s’installent, la prostitution s’institutionnalise, le crime se propage…
Loin de Pigalle, des abords du bois de Boulogne (de cette banlieue dont le nom vient du ban, la loi seigneuriale, et la lieue, l’unité de mesure qui définit l’espace à partir du centre de la ville sur lequel s’étend l’autorité du seigneur) et de la rue Saint-Denis, en remontant dans le passé, on trouve des hauts-lieux de la prostitution aux noms évocateurs. Parmi les plus connus, on citera la rue de Glatigny sur l’île de Cité, le fameux Val d’Amour, qui fut à l’origine de l’expression “fille de Glatigny”, mais on trouve également trace dans une ordonnance du prévôt de Paris, datée de 1367, d’un état de la situation qui force les autorités à prendre des mesures et tentent de circonscrire les filles de joie dans leurs périmètres, sans grand effet :
Que toutes les femmes prostituées, tenant bordel en la ville de Paris, allassent demeurer et tenir leurs bordels en places et lieux publics à ce ordonnés et accoutumés, selon l’ordonnance de Saint Louis. C’est à savoir : à L’Abreuvoir de Mascon (à l’angle du pont Saint-Michel et de la rue de la Huchette), en La Boucherie (voisine de la rue de la Huchette), rue Froidmentel, près du clos Brunel (à l’est du Collège de France aboutissant au carrefour du Puits-Certain), en Glatigny (rue nommée Val d’Amour dans la Cité), en la Court-Robert de Pris (rue du Renard-Saint-Merri), en Baille-Hoë (près de l’église Saint-Merri et communiquant avec la rue Taille-Pain et à la rue Brise-Miche), en Tyron (rue entre la rue Saint-Antoine et du roi de Sicile), en la rue Chapon (aboutissant rue du Temple) et en Champ-Flory (rue Champ-Fleury, près du Louvre). Si les femmes publiques, d’écris ensuite cette ordonnance, se permettent d’habiter des rues ou quartiers autres que ceux ci-dessus désignés, elles seront emprisonnées au Châtelet puis bannies de Paris. Et les sergents, pour salaire, prendront sur leurs biens huit sous parisis…
Source Insecula.
On reconnait aisément des rues au nom évocateur : rue Taille-Pain et rue Brise-Miche, qui n’ont rien à voir avec le métier de boulanger. Aujourd’hui encore certaines rues portent des noms qui ne sont que la déformation respectable de noms fleuris : La rue des Poitevins, hormis quelques noms sans intérêt (Gui le queux, Gérard aux Poitevins, etc.) a porté successivement et cela jusqu’au XVè siècle les noms de rue du Pet, rue du Petit-Pet et rue du Gros-Pet. Tout un poème. La rue du Pélican s’est appelée rue Purgée, mais surtout Rue du Poil-au-con. L’actuelle rue Marie Stuart s’appelait autrefois rue du Tire-Boudin (pas besoin de dire que le boudin en question n’est nullement bourré de viande de porc) et rue du Tire-Vit, elle aurait apprécié, j’en suis certain.
Une partie de l’actuelle rue de Beaubourg (ce nom même, ironique, indiquait que cette partie de la ville a longtemps eu mauvaise réputation) a porté le nom de rue Trace-Putain, et la rue du Petit-Musc (nom évocateur qui pourrait faire penser au parfum) s’appelait en réalité rue Pute-y-musse (pute s’y cache).
1ère partie
3ème partie
4ème partie
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Jun 7, 2010 | Architectures, Arts, Livres et carnets, Sur les portulans |
Je n’aime pas spécialement Paris, du moins, je pensais ne pas vraiment l’aimer. Je n’aime pas beaucoup les gens qui y vivent car par esprit de clanisme, ils s’enferment dans un vision ténue des choses, qui généralement ne va pas au-delà du boulevard périphérique, quand ce n’est pas aux grands boulevards. Je déteste cette mentalité qui fait sentir au banlieusard qu’ici on ne compte pas les distances en mètres mais en stations de métro. C’est ma petite guerre personnelle.
Mais Paris, c’est aussi un passé d’une incroyable richesse ; née sur les restes d’une ancienne cité romaine dont les axes principaux existent encore ; le cardo, nord-sud, correspond à la rue Saint-Jacques et au boulevard Saint-Michel et le decumanus, est-ouest, à la rue Soufflot. Les plus anciens bâtiments issus de cette vie antique remontant au Ier siècle s’y cachent encore, comme les arènes ou les thermes de Cluny. On imagine mal à quel point ce Paris d’aujourd’hui porte en lui encore les stigmates de sa vie passée, notamment du Moyen-Âge qui a été la période pendant laquelle son expansion a été la plus forte, et donc son urbanisme. Les mouvements qui ont le plus changé son visage ont été l’assèchement des régions marécageuses de la rive droite dont on dit à tort qu’elle correspond à l’actuel Marais. En réalité, le Marais d’aujourd’hui correspond à la couture du Temple, et qui est en fait la dernière partie non défrichée de ce quartier, assaini depuis longtemps déjà. On peut aussi parler de l’enfouissement de la Bièvre, rivière secondaire qui balafrait le quart sud-est de la ville et qui a été pendant de longues années un déversoir pollué pour les industries de la tanneries et servant de dépotoir aux boucheries établies sur les quais, mais également de l’établissement de Paris comme ville phare, véritable pôle d’attrait avec la construction des fortifications de Philippe Auguste puis plus tard de l’enceinte de Charles V.
Matthaüs Merian, un graveur suisse, dessinera dans son atelier bâlois en 1615 un plan de Paris d’une incroyable précision tant topographique qu’historique et sur lequel dans le coin inférieur gauche, il gravera ces vers qui résonnent comme la promesse d’un monde à découvrir coûte que coûte.
Cette ville est un autre monde
Dedans, un monde florissant,
En peuples et en biens puissants
Qui de toutes choses abonde.
Matheus Merian Basiliensis, 1615
Liens:
2ème partie
3ème partie
4ème partie
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