La hau­teur des mon­tagnes, la lon­gueur des rivières…

La hau­teur des mon­tagnes, la lon­gueur des rivières…

Tout com­mence par des cita­tions qui résonnent étran­ge­ment en nous, des bouts de phrases tirés de livres qui racontent votre his­toire à vous. Lorsque Kes­sel ou Bou­vier parlent, c’est de vous dont ils parlent, c’est de votre enfance dont il est ques­tion. La preuve…

New and Impro­ved View of the Com­pa­ra­tive Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers In The World. 1823

J’é­coute d’a­bord Joseph Kes­sel, pour qui Les grands voyages ont ceci de mer­veilleux que leur enchan­te­ment com­mence avant le départ même. On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magni­fiques des villes incon­nues… Puis un peu plus près de chez moi, de ma tem­po­ra­li­té, Nico­las Bou­vier, dans L’u­sage du monde. C’est la contem­pla­tion silen­cieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ain­si l’en­vie de tout plan­ter là. Son­gez régions comme le Banat, la Cas­pienne, le Cache­mire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux pre­mières atteintes du bon sens, on lui cherche des rai­sons. Et on en trouve qui ne valent rien. La véri­té, c’est qu’on ne sais com­ment nom­mer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous gran­dit et détache les amarres, jus­qu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.

Et puis un jour, vous par­tez trop loin, ce qui vous parle, ce ne sont plus que les cartes elles-mêmes, elles vous ont enva­hi. Cer­taines sont affi­chées au-des­sus de votre bureau, voire dans la salle de bain, au-des­sus des toi­lettes, peut-être même dans votre chambre. Au-des­sus de mon bureau se trouve un ancienne carte de Constan­ti­nople, entiè­re­ment écrite en fran­çais, où même les noms turcs sont trans­crits dans un fran­çais de car­na­val. Mais la carte est belle car c’est une vue pano­ra­mique du Bos­phore. J’ai d’autres cartes qui appa­raissent sur des minia­tures per­sanes, des repro­duc­tions un peu gros­sières, ache­tées dans une toute petite bou­tique d’Is­tan­bul, recou­verte de feuilles de Corans enlu­mi­nées, peintes et repeintes. Il me semble même que de là où je me trouve je peux entendre le muez­zin enton­ner la prière du soir non loin de Sul­ta­nah­met. Ce sont les cartes qui vous ont hap­pé, elles sont venues vous cher­cher et puis vous ne savez pas quoi faire de celle-ci. J’ai éga­le­ment un vieil atlas datant des années 50, aux feuilles jau­nies, et dont cer­tains noms de pays n’existent plus…

Entre le début et la fin du XIXème siècle, dans les atlas et sur les murs des écoles sont appa­rues de nou­velles cartes, des cartes d’un nou­veau genre, des cartes qu’on appelle com­pa­ra­tives. Alors on y com­pare quoi sur ces cartes com­pa­ra­tives ? La lon­gueur des fleuves et la hau­teur des mon­tagnes. Au pre­mier abord, on com­prend tout de suite que ces cartes com­pa­ra­tives mettent au même niveau deux des élé­ments géo­gra­phiques dont les mesures sont les plus proches, mais ensuite, on se demande quelle rai­son étrange a pu pous­ser cer­tains car­to­graphes à consti­tuer ce genre de cartes, car effec­ti­ve­ment, ces choses-là n’ont rien à voir entre elles. Aus­si bien je pour­rais com­prendre la mise en rela­tion des mon­tagnes avec la pro­fon­deur des fosses marines, mais com­pa­rer la hau­teur des mon­tagnes et la lon­gueur des fleuves n’a à mon sens pas vrai­ment d’autre inté­rêt que de pro­duire de belles cartes qui ont le mérite d’être cap­ti­vantes, même si elles sont par­fois dif­fi­ciles à déchif­frer. C’est là toute la poé­sie de la chose, assem­bler des formes, des cou­leurs, des mesures, des légendes, pour en faire des objets d’une belle pré­ci­sion, même si tou­te­fois, les cartes sont sou­vent fausses. Mais qui se sou­cie de leur véra­ci­té ? Tenons-nous en à la poésie.

Allons faire un tour par­mi les plus belles d’entre elles. Toutes sont dis­po­nibles sur le site David Rum­sey Map Col­lec­tion, un des plus beaux sites de car­to­gra­phies du web mon­dial. Pre­nons-en de tout petits mor­ceaux pour les regar­der de près et voir ce qu’elles ont à nous dire.

Cette pre­mière carte en fran­çais (Gou­jon et Andri­veau) datant de 1836 montre les fleuves en par­tant du plus long, les som­mets en par­tant du plus court ; l’im­bri­ca­tion des deux donne la forme de la carte. C’est une très belle carte avec beau­coup d’in­di­ca­tions et de nom­breux chiffres repris dans les colonnes laté­rales. A cette époque, le som­met le plus haut du monde est le Dhau­la­gi­ri.

1836 Andri­veau Gou­jon Com­pa­ra­tive Moun­tains and rivers chart

Sur cette carte, on peut consta­ter que les deux com­pa­rai­sons sont empi­lées l’une sur l’autre, ce qui a pour effet de les pla­cer sur la même échelle. Un peu moins soi­gnée que la pré­cé­dente, elle est tout de même colo­rée et rela­ti­ve­ment précise.

A com­pa­ra­tive view of the heights of the prin­ci­pal moun­tains and lengths of the prin­ci­pal rivers of the World; Fen­ner, 1835.

Cette fois-ci, les mon­tagnes ne sont plus ali­gnées les unes à côté des autres mais empi­lées, pour ne for­mer qu’un seul et même som­met. Les fleuves sont mis à l’é­chelle mais pas for­cé­ment ordon­nés, et ornent chaque côté de l’im­mense mon­tagne représentée.

A Com­pa­ra­tive View of the Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers in the World, Dower, John Nica­ra­gua; Tees­dale, Hen­ry, Lon­don, 1844

Celle-ci a la par­ti­cu­la­ri­té de ne par­ler que de l’Écosse. Et comme l’Écosse, la cou­leur domi­nante en est le vert sombre… J’aime beau­coup cette carte car elle a un côté natu­ra­liste assez pra­tique. En effet, les rivières des­cendent des mon­tagnes et sont repré­sen­tées dans une mise en relief assez intéressante.

A com­pa­ra­tive view of the lengths of the prin­ci­pal rivers of Scot­land. Com­pa­ra­tive view of the height of the falls of Foyers and Cor­ba Linn, Thom­son, John, Lizars, William Home, Edin­burgh, 1822

Celle-ci et la pro­chaine, ne sont en réa­li­té qu’une seule et même carte. La pre­mière repré­sente la par­tie est de l’hé­mi­sphère, la seconde la par­tie ouest. Cette fois-ci, ce ne sont plus sim­ple­ment les mon­tagnes et les rivières, mais éga­le­ment, les chutes d’eau, les îles éga­le­ment les lacs qui y sont repré­sen­tés, le tout dans une mise en page élé­gante et assez effi­cace pour la com­pré­hen­sion des légendes et la lec­ture des informations.

A Com­pa­ra­tive View Of The Prin­ci­pal Water­falls, Islands, Lakes, Rivers and Moun­tains, In The Eas­tern Hemis­phere; Mar­tin, R.M.; Tal­lis, J. & F.; New York; 1851

A Com­pa­ra­tive View Of The Prin­ci­pal Water­falls, Islands, Lakes, Rivers and Moun­tains, In The Wes­tern Hemis­phere; Mar­tin, R.M.; Tal­lis, J. & F.; New York; 1851

Celle-ci et celle d’a­près sont les deux pages de deux gra­phiques dif­fé­rents. Mais ce ne sont plus vrai­ment des cartes, plu­tôt des graphiques.

Com­pa­ra­tive heights of moun­tains; Wor­ces­ter, Joseph E.; Bos­ton; 1826

Com­pa­ra­tive lengths of rivers; Wor­ces­ter, Joseph E.; Bos­ton; 1826

Cette carte a l’a­van­tage d’être dans un excellent état, en plus d’être pliable. On peut voir les marges des plis écar­tés lais­sant entr’apercevoir la toile de jute qui sert de sup­port aux jointures.

Com­pa­ra­tive heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Lengths of the Prin­ci­pal Rivers Publi­sher William Darton

Encore une carte en deux hémi­sphères dis­tincts. Mise en page sobre, bico­lore, effi­cace, gracieuse…

Eas­tern Hemis­phere; Mit­chell, Samuel Augus­tus; Phi­la­del­phia; 1880.

Wes­tern Hemis­phere; Mit­chell, Samuel Augus­tus; Phi­la­del­phia; 1880.

Celle-ci est une de mes pré­fé­rées, de par ses cou­leurs et sa per­ti­nence. Sont lis­tées les indi­ca­tions sur la végé­ta­tion en fonc­tion des dif­fé­rents mas­sifs. La carte elle-même indique les types de végé­ta­tion en fonc­tion des lati­tudes. Elle contient un superbe petit synop­sis des régions phyto-géographiques.

Geo­gra­phi­cal dis­tri­bu­tion of indi­ge­nous vege­ta­tion. The dis­tri­bu­tion of plants in a per­pen­di­cu­lar direc­tion in the tor­rid, tem­pe­rate and fri­gid zones- Hen­frey, Arthur, 1819–1859

Celle-ci intègre les lon­gueurs des rivières et les hau­teurs de mon­tagne dans les espaces vides lais­sés par les arron­dis des hémisphères.

Gray’s new map of the World in hemis­pheres, with com­pa­ra­tive views of the heights of the prin­ci­pal moun­tains and lengths of the prin­ci­pal rivers on the globe, Gray, Frank Arnold, Houl­ton, Maine, 1885

Une autre ver­sion d’un type de carte déjà vu plus haut.

Heights Of The Prin­ci­pal Moun­tains In The World, Tan­ner, Hen­ry S., Phi­la­del­phia, 1836

Une autre ver­sion encore…

Heights Of The Prin­ci­pal Moun­tains In The World. Lengths Of The Prin­ci­pal Rivers In The World, S. Augus­tus Mit­chell, 1846

J’aime par­ti­cu­liè­re­ment celle-ci, pour son aspect mono­chrome, mais aus­si pour la dou­ceur des arron­dis des légendes attri­buées aux som­mets. Elle est vrai­ment com­plète, puisque par conti­nent, on peut retrou­ver faci­le­ment les mon­tagnes et les fleuves décrits avec précision.

John­son’s Chart of Com­pa­ra­tive Heights of Moun­tains, and Lengths of Rivers of Afri­ca … Asia … Europe …South Ame­ri­ca … North Ame­ri­ca; John­son, A.J.; 1874.

Ega­le­ment une autre ver­sion d’un type de carte connu, un peu piquée, un peu jaunie…

Moun­tains & Rivers; Col­ton, G.W; 1856

Com­pa­rai­son des deux hémi­sphères, de manière par­fai­te­ment symétrique.

Rand, McNal­ly & Com­pa­ny’s indexed atlas of the world Wes­tern Hemis­phere, Eas­tern Hemis­phere, Rand McNal­ly and Com­pa­ny, Chi­ca­go, 1897

Une autre ver­sion très colo­rée par conti­nent, mais désor­mais rien que de très commun…

Table of the Com­pa­ra­tive Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains &c. in the World; Fin­ley, Antho­ny, Phi­la­del­phia, 1831

Exac­te­ment la même, mais sous forme de graphiques…

Table of the Com­pa­ra­tive Lengths of the Prin­ci­pal Rivers throu­ghout the World; Fin­ley, Antho­ny, Phi­la­del­phia, 1831.

Cer­tai­ne­ment la plus belle de toute, une carte riche, avec le bas­sin de cer­tains fleuves signi­fi­ca­tifs, une carte qu’on aime­rait bien avoir au-des­sus de son bureau…

The World in Hemis­pheres with Com­pa­ra­tive Views of the Heights of the Prin­ci­pal Moun­tains and Basins of the prin­ci­pal Rivers on the Globe, Ful­lar­ton, A. & Co., Lon­don and Edin­burgh, 1872

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