Mar 23, 2016 | Livres et carnets |
Exhumé des terres anciennes de l’écriture, quelques mots surgis du passé :
J’ai trouvé ces mots, dans l’Histoire de la lecture d’Alberto Manguel.
Alors qu’il m’écoutait lire un poème de Kipling, “Bisesa” (dans L’homme qui voulut être roi), Borges m’interrompit après une scène où une veuve hindoue envoie à son amant un message composé de plusieurs objets emballés ensemble. Il en souligna la justesse poétique et se demanda à haute voix si Kipling avait inventé ce langage concret et cependant symbolique.
Un numéro renvoyait à une note en fin d’ouvrage :
A l’époque, ni Borges ni moi ne savions que le “paquet-message” de Kipling n’était pas une invention. D’après Ignace J. Gelb (The History of Writing, Chicago, 1952), au Turkestan oriental, une jeune femme envoya à son amant un message consistant en une poignée de thé, une feuille d’herbe, un fruit rouge, un abricot sec, un morceau de charbon, une fleur, un morceau de sucre, une aile de faucon et une noix. Le message signifiait : “Je ne peux plus boire de thé, je suis aussi pâle que l’herbe sans toi, je rougis quand je pense à toi, mon cœur brûle comme le charbon, ta beauté est celle d’une fleur, ta douceur celle du sucre, mais ton cœur est-il de pierre ? Je volerais vers toi si j’avais des ailes, je suis à toi telle une noix dans ta main.”
Un peu plus loin, une citation que je ne peux laisser passer, d’Ezechiel Martínez Estrada :
Lire est une des formes les plus délicates de l’adultère.
Photo d’en-tête © Pepe Pont
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Oct 6, 2010 | Passerelle |
La jalousie est un sentiment atroce. Atroce parce que dévastateur et surtout parce qu’il est incontrôlable et qu’il mène à la vacuité la plus profonde. Je parle de la vraie jalousie, pas ce truc maladif d’adolescent qu’éprouvent certaines personnes qui ne supportent pas qu’on s’approche de trop près de l’être aimé, mais cette vague de néant qui nous submerge quand l’être aimé en aime un autre. C’est une construction complexe qui impose de s’affranchir du réel pour se réfugier dans une parcelle inconnue de l’activité habituelle, dans laquelle plus rien n’a de justification et où l’on peut fomenter les plans les plus horribles. Là où la jalousie prend la forme la plus laide, c’est lorsqu’on s’accroche à une espérance qui disparaît de manière définitive, de telle sorte qu’on doive faire son deuil de l’être aimé.
C’est également une incroyable blessure à l’amour propre. C’est surtout l’égo qui en prend un coup. Un coup de poing dans le diaphragme qui coupe net la respiration. Rien de moins. Et ensuite il faut apprendre à arrêter les nausées, sentir ses doigts bouger, se faire une raison (se faire un shoot ?), retenir les larmes, recommencer depuis le début, se tordre les doigts, se dire que c’est fini, ne pas trop s’user, reprendre un peu de cette joyeuse souffrance qui gratte sous les os, se dire qu’il faut avancer, s’atteler à l’architecture du néant mais pour aller où, pour s’enfermer dans l’inconsistance, les nourritures terrestres n’y suffiront pas, toutes les lectures du monde ne vous ramèneront pas cette femme. Et pour reprendre une expression que je lis tous les jours, il faut in fine se résoudre à valider encore et encore cette forme de renoncement.
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Nov 5, 2009 | Histoires de gens |
Même quand on ne connait pas Alain Badiou ou qu’on a du mal à adhérer à ses idées, il a le mérite de faire en sorte qu’on ne peut faire autrement que de l’écouter quand il parle et d’énoncer des phrases qui font sens, qui marquent et qui parfois même font sourire par leur sagacité ; c’est là sa grande force.
Photo © HANNAH/Opale
L’amour, c’est le plus petit des communismes qui soit, le communisme à deux… minimum…
Alain Badiou, chez Frédéric Taddeï
Ce soir ou jamais
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