Tombe lycienne d’A­myn­tas à Fethiye

Déjà presque un mois que je suis reve­nu, et tou­jours pas une seule pho­to de ces trois semaines de Tur­quie. Étrange. Plu­sieurs choses, en fait, m’empêchent de m’y mettre. Tout d’a­bord, je n’ai pas encore ter­mi­né de publier toutes les pho­tos d’Is­tan­bul du mois d’a­vril, il me reste encore trois séries que je n’ai pas eu le temps de détailler. Ensuite, il y a Flo­rence, et après encore Buda­pest, pour ensuite ter­mi­ner avec les 3000 pho­tos prises en Tur­quie, plus les vidéos… Rien que d’y pen­ser, ça me donne le tournis.

Pour­tant, quelque chose me dit qu’il faut que je prenne mon temps, comme si j’a­vais besoin de faire mûrir en moi toutes ces choses. Il faut être hon­nête, pen­dant ces trois semaines, je n’ai pas pris le temps de me repo­ser. Même si je n’é­tais pas à 200 à l’heure, je ne me sou­viens pas d’a­voir eu de gros temps morts, à part peut-être une jour­née où j’ai déci­dé de lever le camp sur les coups de 16h00…

Fond de la val­lée à Güllü Dere (Val­lée aux roses), à Çavuşin

Il y a quelque chose qui fait aus­si que je vais avoir besoin de me poser et de prendre les choses à bras le corps. Trois petites salo­pe­ries se sont insi­nuées dans les pro­fon­deurs de mon appa­reil pho­to pour en tacher le cap­teur. Toutes mes pho­tos sont donc à cor­ri­ger, les unes après les autres. Un tra­vail colossal.

Eglise tro­glo­dyte, non loin de Pan­carlık Kilisesi

La fin de mon voyage, après la Cap­pa­doce, a trou­vé son point d’orgue à Istan­bul, à deux pas de Sul­ta­nah­met, dans un petit hôtel à cin­quante mètres de la Mos­quée Bleue, d’où je pou­vais entendre le muez­zin s’é­pou­mo­ner dès 4h30 le matin. Der­nier jour de rama­dan (rama­zan en turc) où tout est ran­gé, les der­niers atours de fêtes pliés et j’ai comme la nau­sée, un trop plein d’é­mo­tions où je me retrouve sub­mer­gé par autant d’i­mages en moi, j’en ai les yeux pleins de larmes et j’ai comme une boule dans le ventre ; j’ai sou­dain envie de ren­trer, peut-être pour déver­ser. Il est temps de faire une cou­pure, ça tombe plu­tôt bien, le voyage est ter­mi­né. Cela n’a rien à voir avec le blues de la fin du voyage, il faut sim­ple­ment que je sorte la Tur­quie de moi pour ne pas en souffrir…

Üçhi­sar, la cita­delle, ver­sant ouest

Je ne m’ex­plique pas ce qui s’est pas­sé, mais l’in­ten­si­té de toutes ces jour­nées pas­sées sous un soleil qui tanne le cuir, la peau recuite et moite d’une sueur pous­sié­reuse, m’a comme vidé de toute éner­gie, jus­qu’à la lie. Il va fal­loir recons­truire à présent.

Pour ter­mi­ner, je me suis per­mis de dépor­ter mes billets sur Istan­bul vers un autre site que je compte dédier à mes voyages. Les portes n’en sont pas encore ouvertes car il me faut d’a­bord ter­mi­ner cette série, puis j’y met­trai mes col­lec­tions au fur et à mesure de mes voyages. Ce qui est cer­tain, c’est que c’est un bel écrin. J’y par­le­rai de la cha­leur écra­sante de la côte lycienne, des sites grecs par­fois per­dus dans la boue des maré­cages, de la lumière si par­ti­cu­lière de la Cap­pa­doce et des gens que j’y ai ren­con­trés, de Meh­met d’A­va­nos et d’Ab­dul­lah d’Ü­ç­hi­sar, de Sadık de Gazian­tep et de Firat le Kurde de Doğu­beyazıt, des soi­rées sur le bord du Bos­phore ou face à la baie de Kaş, de l’é­clat brû­lant des tra­ver­tins de Pamuk­kale. Et sur­tout de ce moment presque mys­tique où j’ai gra­vi le che­min de croix sur les marches colos­sales jus­qu’au mar­ty­rium de Phi­lippe l’a­pôtre, seul sur la mon­tagne de Hiérapolis.

Ce qu’on garde pour soi, l’ex­pé­rience nous dit qu’on n’en fait rien.

Nico­las Bouvier

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