Dire que j’é­cris peu est un euphé­misme. Je n’é­cris pas du tout. L’autre jour, et l’autre encore, à deux reprises, mon jour­nal a resur­gi de mon havre­sac pour m’é­cou­ter parler.
Le pre­mier jour, je n’ai fait que bavas­ser et répé­ter encore et tou­jours les mêmes lita­nies. Le second jour, j’ai véri­ta­ble­ment écrit. J’ai écrit à pro­pos d’une femme qui se trou­vait dans le train, face à moi tan­dis que j’al­lais au tra­vail. Elle était blonde, avait de beaux yeux bleus, la peau hâlée et elle por­tait une veste en toile blanche sur un cache-cœur tur­quoise et cho­co­lat. Elle devait avoir mon âge et avait dans le regard suf­fi­sam­ment d’in­ten­si­té pour atti­rer mon atten­tion, et un je-ne-sais-quoi de désa­bu­sé qui m’a fait me détour­ner de ma lec­ture. Une seule bague assez grosse mais sobre. Il s’est pas­sé quelque chose.
Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai com­pris qu’il fal­lait que je m’y remette. J’aime l’i­dée que cette phrase puisse être assez équi­voque pour faire sourire.
Alors, je suis par­ti du prin­cipe qu’il fal­lait que j’é­crive de manière sui­vie, rela­ti­ve­ment intense, qu’il fal­lait pour cela que je me plie à un exer­cice de dis­ci­pline, et cette his­toire pour­rait être le début d’une autre his­toire, à la manière des contes enchâs­sés des Mille et une nuits (écoute bien la sono­ri­té de ce titre en arabe: ألف ليلة وليلة, Elf laï­la wa laï­la). Alors je ne sais pas bien pour com­bien de temps ni pour­quoi, mais je sais qu’il faut que je recom­mence à écrire.
Le poi­son coule à nou­veau dans mes veines, et l’an­ti­dote est au bout de mes doigts.

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Je crois que je me cherche encore, comme si mon iden­ti­té était en constante mou­vance, dans un flou que je n’ar­rive pas à cer­ner moi-même. La ques­tion du bon­heur est au centre de tout ceci, et consti­tue une quête dans laquelle on a des rêves à tuer, d’autres à faire naître et d’autres encore à entre­te­nir. Mais après tout, c’est cer­tai­ne­ment mieux que de ne pas savoir ce qu’on veut ou de res­ter atten­tiste, non ? Ce qui est plai­sant, c’est que le monde est rem­pli d’his­toires et lorsque soi-même on ne sait plus se les racon­ter, il y a tou­jours plein d’his­toires à dis­po­si­tion pour s’en satis­faire. Les his­toires, les racon­ter ou les écou­ter, le seul moyen de ne pas s’en­dor­mir en silence. Ce n’est pas pour rien que les enfants les attendent tous les soirs.

Demain sera un jour nou­veau, un énième jour dont je ne sau­rais peut-être pas quoi faire. J’é­cri­rai cer­tai­ne­ment quelques petites his­toires dans mon jour­nal et je com­men­ce­rai L’art du haut Moyen-Age de Pio­tr Sku­bis­zews­ki que je traine comme une âme en peine depuis que j’ai com­pris qu’il était épui­sé et qu’il fau­drait pour l’ins­tant me conten­ter de cette édi­tion que j’ai emprun­té à la bibliothèque.

Quand j’é­tais étu­diant, j’é­cou­tais jusque tard dans la nuit des sta­tions de radio impro­bables, et notam­ment une sur laquelle quelque fois on arri­vait à entendre les per­cus­sions bali­naises, des rythmes com­plè­te­ment étran­gers, des sono­ri­tés criardes et répé­ti­tives. C’est ce que je vou­lais retrou­ver pour ce billet qui est tout de même le deux-cen­tième de ma collection.

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