Édouard Ier, roi d’Angleterre, ayant expérimenté dans les longues guerres entre lui-même et Robert, roi d’Écosse, combien sa présence donnait d’avantage à ses affaires, attribuant toujours la victoire au fait qu’il menait l’entreprise en personne, [parvenu à] l’heure de sa mort, fit prendre à son fils, par serment solennel, l’engagement de faire bouillir son corps, quand il serait trépassé, pour séparer la chair des os et de la faire enterrer ; quand aux os, il devait les conserver pour les emporter avec lui, dans son armée, toutes les fois qu’il lui arriverait d’avoir une guerre contre les Écossais, comme si la destinée avait fatalement attaché la victoire à ses membres.
Jean Ziska, qui troubla la Bohème pour défendre les erreurs de Wycliffle, voulut qu’on l’écorchât après sa mort et que de sa peau on fît un tambourin pour porter à la guerre contre ses ennemis : il estimait que cela contribuerait à continuer les avantages qu’il avait eus dans les guerres qu’il avait conduites contre eux.
Michel de Montaigne, Les Essais
Livre I, Chapitre III, Collection Quarto Gallimard