Il y avait bien long­temps qu’il n’a­vait pas fait chaud, aus­si long­temps. Ça res­semble à un été d’ailleurs, un été médi­ter­ra­néen, un été comme on n’en voit jamais ici. Un de ces jours, il fai­sait tel­le­ment chaud que je suis sor­ti un peu pour mar­cher, en tout début d’a­près-midi et j’ai arpen­té un peu la rue dans laquelle je tra­vaille, la rue Paul Vaillant Cou­tu­rier. Tout y était si déses­pé­ré­ment calme qu’on aurait crû une ville du Gard à l’heure de la sieste. Un peu plus et on enten­dait le chant des cigales.
La basi­lique était écra­sée de soleil, dans la blan­cheur de sa pierre réflé­chis­sant la lumière vive et le par­vis était aus­si désert qu’une place de Manosque après déjeu­ner. Les maga­sins fer­més, un mer­cre­di, comme si la cha­leur avait déter­mi­né le monde entier à se ter­rer dans les caves. Il fait donc si chaud que ça ? Seul un bar­bier est ouvert, mais il est affa­lé sur un de ses fau­teuils de clients, la tête bas­cu­lée en arrière comme s’il atten­dait lui-même qu’on le rase. Mais qui donc rase le bar­bier ? Lumières éteintes, une petite musique cra­cho­tée depuis un poste de radio minia­ture… Je sou­riais parce que j’a­vais vrai­ment l’im­pres­sion d’être dans un film. Ou dans un conden­sé de cli­chés acco­lés les uns aux autres.

Ce n’est pas le diable qui se cache dans les détails, mais la vie elle-même, à moins que celle-ci, défi­ni­ti­ve­ment, a quelque chose de dia­bo­lique… La moindre des petites his­toires ne sau­rait se pas­ser de détails.

Bouddha recouvert de feuilles d'or

Boud­dha recou­vert de feuilles d’or au Wat Arun, Bang­kok. Aqua­relle, encre et gomme à masquer.

Cette année sera une année banale. Déjà bien enta­mée, elle se révèle un peu terne parce que je sais qu’elle sera sans voyage. 2014 a été l’an­née de l’In­do­né­sie, et du Luxem­bourg en octobre. 2015 sera l’an­née des des­ti­na­tions habi­tuelles. La Bre­tagne ; l’im­pres­sion de tour­ner en rond, d’être comme l’en­fant que j’é­tais et qui s’en­nuyait pen­dant les longues jour­nées du mois d’août, qui allait visi­ter la cha­pelle des Sept-Saints au Vieux-Mar­ché (Ar C’houerc’­had), le pre­mier pèle­ri­nage isla­mo-chré­tien créé pour Louis Mas­si­gnon en 1954 et qui reprend un miracle de la Bible, com­mun à l’Is­lam (les sept saints dor­mants d’Éphèse) et au Chris­tia­nisme (les sept saints fon­da­teurs de la Bre­tagne), dont Ernest Renan et Fran­çois-Marie Luzel sont les rap­por­teurs. Rien que de pen­ser à cette somme d’en­nui, je com­mence déjà à m’en­dor­mir. Si ce ne sera pas l’é­té des grandes trans­hu­mances, il fau­dra que je puisse le trans­for­mer en été des grandes lignes d’écritures…

Les lieux dorment, ils se taisent lors­qu’on les approche, font mine de n’être rien pour ne pas éveiller l’at­ten­tion du passant.

Le dehors dort tran­quille­ment, sim­ple­ment brus­qué par­fois par le pas­sage d’une voi­ture, d’un scoo­ter, aga­çant et revêche. Bas­cu­ler sans arrêt de l’a­gi­ta­tion au calme est au final assez éprou­vant pour les nerfs. Mon cœur bat, mes doigts pal­pitent… Je suis ten­té de dire que tout va bien.

Pho­to d’en-tête © Mend­hak