Je suis tom­bé com­plè­te­ment par hasard sur ce DVD consa­cré à Nico­las Bou­vier, un DVD dans lequel on parle de l’é­cri­vain et où l’on peut l’en­tendre et le voir par­ler. C’est ni plus ni moins que le docu­men­taire qui a été uti­li­sé pour le siècle d’é­cri­vains de Ber­nard Rapp. On com­mence le voyage dans sa mai­son de Colo­gny, une grande bâtisse modeste, sans fard. A la balus­trade du bal­con, on recon­naît Eliane Bou­vier, sa femme et à ses côtés un homme qui ne me dit rien. L’homme n’a plus un seul che­veu sur le caillou, le visage bouf­fi et l’œil chas­sieux, le corps gon­flé et dis­pro­por­tion­né. Dès que la camé­ra se rap­proche de lui, on recon­nait ce qui reste de pure­té du visage de l’homme qui a rou­lé avec sa Fiat Topo­li­no de Genève jus­qu’en Inde. Une bouche un peu rieuse et le regard heu­reux de celui qui a vu les hommes, le Dio­gène des temps modernes.

Nicolas Bouvier à sa table de travail

Le docu­men­taire a été tour­né quelques mois avant sa mort, mais avant de par­tir, il a vou­lu racon­ter quelques bribes de sa vie, ses influences lit­té­raires, Mon­taigne et les autres, les ren­contres qu’il fai­sait lorsque son père ame­nait chez lui des confé­ren­ciers qu’il jugeait inté­res­sant et c’est ain­si qu’il ren­con­tra Tho­mas Mann et Mar­gue­rite Your­ce­nar, par­ler encore et tou­jours du voyage, de la matu­ra­tion de l’œuvre, de ses quatre voyages en Chine dont pas un seul ne don­ne­ra lieu à la moindre ligne d’é­cri­ture, le lieu où l’é­cri­vain devient muet…
Le souffle court, la voix qui s’é­teint dans la fumée d’une énième ciga­rette, un verre d’al­cool, Bou­vier est à court, on pour­rait presque le sen­tir par­tir, il n’a plus d’éner­gie et la mala­die le ronge. Pour­tant, l’es­prit est là, il parle comme il écrit, même si sous ses cen­taines de pages qu’il nous a lais­sé, il n’y a fina­le­ment que quatre livres com­po­sés comme tels, nous jette des os à ron­ger, de ces os sur les­quels on pour­rait médi­ter à l’infini…

En reve­nant de voyage nous sommes comme des galions pleins de poivre et de mus­cade et d’autres épices pré­cieuses, mais une fois reve­nu au port, nous ne savons jamais que faire de notre cargaison.

Nico­las Bou­vier : le vent des mots
Cal­mettes Joël, Bauer Olivier
Edi­tions Chi­loé, 2008

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