Avec mon fils, nous ado­rons regar­der le tout-venant du repor­tage sur les chan­ge­ments cli­ma­tiques, les phé­no­mènes astro­no­miques, les catas­trophes natu­relles et ce same­di après-midi enso­leillé et calme — tou­jours pas d’a­vions dans le ciel —, juste avant de som­brer dans un som­meil traître sur le cana­pé, nous avons regar­dé l’un contre l’autre un superbe docu­men­taire sur les Pachy­ce­pha­lo­sau­ri­dae. Ouais.

Ces sau­riens (ne pas confondre avec les vau­riens) venus du pas­sé ont la par­ti­cu­la­ri­té, comme le dit l’é­ty­mo­lo­gie, d’a­voir un calotte crâ­nienne épaisse d’une ving­taine de cen­ti­mètres. On a long­temps cru que cette épais­seur d’os avait une fonc­tion bel­li­queuse, au même titre que pour les boucs ou les bœufs mus­qués dont les joutes crâne contre crâne décident de la place du meilleur repro­duc­teur (comme chez beau­coup d’a­ni­maux, c’est le plus fort qui est le mieux pla­cé pour assu­rer la conser­va­tion de l’es­pèce). Tou­te­fois, en étu­diant la struc­ture molé­cu­laire de ces crânes, le cher­cheur s’est aper­çu que l’os était par­ti­cu­liè­re­ment spon­gieux et que dans le cas d’un affron­te­ment fron­tal, les deux ani­maux se seraient tués.

Dans le cas du Para­sau­ro­lo­phus, un rare repré­sen­tant de la famille des Hadro­sau­ri­dae (« dino­saures à becs de canards »), on a long­temps pen­sé que la longue excrois­sance crâ­nienne était une arme de des­truc­tion avant de pen­ser qu’elle avait une fonc­tion res­pi­ra­toire, que l’a­ni­mal devait se ser­vir de son crâne comme d’un tuba, mais il a été éga­le­ment évo­qué la pos­si­bi­li­té d’une fonc­tion de thermorégulation.

Tout ceci c’é­tait sans comp­ter le dimor­phisme sexuel de l’es­pèce. En l’oc­cur­rence, comme pour d’autres espèces, c’est le mâle qui revêt les carac­tères sexuels les plus accen­tués avec une crête plus pro­non­cée que celle de la femelle, ain­si qu’une mem­brane plus vaste et colo­rée. L’exis­tence d’un dimor­phisme devait dis­cré­di­ter une fonc­tion vitale. Fina­le­ment, il a été mis en évi­dence que cette crête a la même fonc­tion qu’un cro­morne, et n’est en réa­li­té qu’une longue caisse de réso­nance des­ti­née à ampli­fier le chant amoureux.
Comme dans le cas du Pachy­ce­pha­lo­sau­rus, on a prê­té une fonc­tion à des attri­buts qui n’a­vaient rien à voir avec la réa­li­té, comme on a sou­vent cru éga­le­ment que ces bêtes que nous connais­sons mal étaient des ani­maux bel­li­queux et agres­sifs. Pen­ser que « la fonc­tion créé l’or­gane » et que les Para­sau­ro­lo­phus devaient s’a­don­ner à de belles séré­nades dans les plaines ombra­geuses du Méso­zoïque pour plaire à leurs femelles sans la moindre once d’a­gres­si­vi­té a quelque chose de ras­su­rant et tend une fois de plus à démon­trer que nous avons trop sou­vent ten­dance à prê­ter aux ani­maux nos travers.

Tags de cet article: ,