Mer­cre­di soir s’est ache­vée mon année de cours d’his­toire de l’art à l’E­cole du Louvre. J’ai failli me réins­crire dès lors que les ins­crip­tions ont été rou­vertes, mais ça n’au­rait pas été rai­son­nable, la plu­part des cours de l’an­née pro­chaine étant assu­rés par les mêmes inter­ve­nants. Beau­coup de redites en vue, beau­coup de temps à mettre à dis­po­si­tion pour autre chose. C’est un peu dou­lou­reux, une époque qui se ter­mine. Mais j’y revien­drai cer­tai­ne­ment, dans quelques années. Et même si aller à Paris tous les mer­cre­di soirs en scoo­ter était par­fois un peu dan­ge­reux, même si j’ai eu par­fois très froid, à ten­ter de mettre mes vête­ments contre le vent alors même que le vent me cas­sait les doigts, je me suis incroya­ble­ment amu­sé à voir la Concorde de nuit, la rue du Fau­bourg Saint-Hono­ré et son spec­tacle per­ma­nent, la rue de Rivo­li qui est déci­dé­ment, selon moi, la plus belle rue du monde avec la régu­la­ri­té sans faille de ses arcades, ses lam­pa­daires, ses trot­toirs hauts et son incroyable rec­ti­tude, pour ne pas dire rigi­di­té. Pen­dant toute année, j’ai vu ce quar­tier de Paris que j’a­dore, non parce qu’on y trouve — tout n’y est qu’ar­ti­fices — mais pour son har­mo­nie, l’im­pres­sion de calme qui s’en dégage mal­gré la cir­cu­la­tion très intense, il y est facile de s’en abs­traire, de nuit ou de jour, et je me suis impré­gné de ces lieux au point que désor­mais, je risque d’a­voir du mal à m’en défaire.
J’ai ado­ré la plu­part de ces cours, la qua­li­té de l’in­ter­ven­tion était presque à chaque fois excep­tion­nelle. Je me sou­viens avoir par­ti­cu­liè­re­ment aimé celles de Marc Étienne sur l’Égypte, Béa­trice Quette sur la Chine, Thier­ry Zéphir sur l’Inde et le Cam­bodge et sur­tout ! sur­tout Arnauld Bré­jon de Laver­gnée sur la pein­ture en France et en Ita­lie. Le seul cours fait avec de vraies dia­po­si­tives, à l’an­cienne, parce que dit-il, rien ne vaut la défi­ni­tion d’une bonne vieille dia­po. Cet homme parle sans note, déroule son cours comme une belle his­toire, vous parle de Cara­vage, de Pous­sin ou de Vouet comme s’il les avait connus et ne s’embarrasse pas sur les formes en engueu­lant les retar­da­taires qui font du bruit…

J’ai pro­fi­té de ces soi­rées sur place pour sillon­ner les rayons de la librai­rie du Louvre. J’ai dépen­sé beau­coup d’argent et j’en ai rame­né quelques dizaines de bou­quins, et pas que des petits. Je me suis consti­tué un biblio­thèque impres­sion­nante de livres fas­ci­nants sur l’art et sur l’his­toire. Plus que jamais je me rends compte à quel point on ne peut étu­dier l’art sans l’his­toire pour com­prendre le contexte dans lequel les œuvres ont été pro­duites, de la même manière qu’on ne peut étu­dier l’art sans connaître ses opé­ra­teurs, les artistes, et ses com­man­di­taires. Dif­fi­ci­le­ment éga­le­ment de ten­ter de com­prendre l’art sans avoir quelques notions de mytho­lo­gie et de théo­lo­gie, vu que ce sont les prin­ci­paux thèmes de la pein­ture comme de la sculp­ture… Idem pour l’é­pi­gra­phie. Cette spé­cia­li­té de l’art est incroya­ble­ment utile pour la com­pré­hen­sion de l’his­toire de l’art. Tout ceci, je l’ai com­pris au fur et à mesure de mes achats, alors j’ai conti­nué d’a­che­ter, une bonne cen­taine de livres, de quoi tenir un siège.
Et je ne me suis pas conten­té de ça. J’ai éga­le­ment ache­té quelques livres sur le voyage et des guides. De quoi occu­per quelques cen­ti­mètres sur mon rayon­nages. C’est à peu près tout ce qui m’in­té­resse aujourd’­hui. L’art et le voyage. Rien d’autre. Si je n’é­tais pas autant rete­nu par les contin­gences et le sécu­lier, je me reti­re­rais au prieu­ré de Gana­go­bie pour me consa­crer aux choses de l’es­prit pen­dant quelques temps. Lire, dor­mir, réflé­chir, écrire, écou­ter l’o­rage gron­der dans la val­lée, scru­ter la pierre… pen­dant que les autres s’a­musent et vivent. Cette pers­pec­tive m’ex­cite presque. Je dois être un peu bar­ré, mais je crois que per­sonne n’en doute plus. Fina­le­ment, j’ai trou­vé la porte de sor­tie. J’ai du mal à tenir en place, j’ai du mal à res­ter là à ne rien faire si ce n’est pas pour me consa­crer inté­gra­le­ment à ce que j’aime, alors pour contour­ner le pro­blème, j’ai déci­dé de m’envoler…

Istanbul - avril 2012 - jour 1 - 023- en vol

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