Ver­tige de la liste minoen par Fer­nand Brau­del.

A la grande époque de l’art cré­tois — celle des seconds palais —, avant la période mycé­nienne qui fige­ra toute cette liber­té, le natu­ra­lisme est triom­phant : bêtes et plantes sont par­tout sur les murs ou au flanc des vases de céra­mique ; un brin d’herbe, une touffe de cro­cus ou d’i­ris, un jet de lys blancs sur l’ocre d’un vase ou sur le rouge pom­péien d’un stuc mural, des roseaux qui se marient et un motif conti­nu, presque abs­trait, un rameau d’o­li­vier fleu­ri, les bras tor­dus d’un poulpe, des dau­phins, une étoile de mer, un pois­son bleu ailé, une ronde d’é­normes libel­lules, autant de thèmes en soi, mais jamais trai­tés avec la minu­tie bota­nique des herbes ou des vio­lettes de Dürer. Ils sont le décor irréel d’un monde irréel ou un singe bleu cueille des cro­cus, un oiseau bleu se perche sur des rochers rouges, jaunes, bleus, jas­pés de blanc, où fleu­rissent des églan­tiers ; un chat sau­vage guette à tra­vers des branches de lierre aériennes un oiseau inno­cent qui lui tourne le dos, un che­val traîne le char de deux jeunes déesses sou­riantes… La céra­mique se prête comme la fresque à cette fan­tai­sie inven­tive. Il est curieux de voir le même thème végé­tal ou marin trai­té de mille façons dif­fé­rentes, sur tant de vases mul­ti­pliés par le tour du potier et expor­tés par cen­taines. Comme si le peintre, chaque fois, exi­geait le plai­sir de la création.

Fer­nand Brau­del : Les Mémoires de la Médi­ter­ra­née (pré­his­toire et antiquité)
Livre de poche, col­lec­tion Réfé­rences
Édi­tions de Fal­lois, 1998

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