J’ai vu, sur le papier gla­cé, le soleil tom­ber au soir d’une belle jour­née d’é­té sur les cou­poles légè­re­ment outre­pas­sées, les dômes majes­tueux d’Is­pa­han, ou alors était-ce Tabriz ou Chi­raz ? Le bleu somp­tueux d’un tur­quoise pro­fond, sca­ri­fié de flo­rai­sons orange comme l’or de la fin du jour, le fût tan­cé par une cou­fique pré­cise, poin­tilleuse, fière comme un sul­tan debout à l’heure de l’as­saut… autant d’i­mages qui me tra­versent et me laissent cha­vi­rer comme dans les volutes d’un petit cigare dont je me plais à me sou­ve­nir l’o­deur. Un fais­ceau de cou­leur, orange d’or, tabac brun, jaune d’œuf, feuille d’au­tomne, un soir d’é­té sur la ter­rasse face à la mer, et cette der­nière image men­tale se pro­file : la cou­leur un peu ter­nie et pour­tant cha­leu­reuse d’une vieille carte d’un pays vieux de mille ans. L’a­ma­teur de cartes y trou­ve­ra une cer­taine dou­ceur de vivre comme au soir d’un prin­temps… Lais­sons-le plon­ger dans ces océans aux cou­leurs de thé…

Lost islands

Hen­ry Stom­mel, por­té à ma connais­sance au tra­vers du livre d’E­rik Orsen­na, Por­trait du Gulf Stream, est océa­no­graphe et a écrit un livre por­tant ce sous-titre : The sto­ry of islands that have vani­shed from nau­ti­cal charts, autre­ment dit, His­toire des îles qui ont dis­pa­ru des cartes nau­tiques. Étrange titre, et non moins étrange livre fai­sant état d’îles qui n’existent plus ou plu­tôt, que l’on a été obli­gé, à un moment ou à un autre de faire “dis­pa­raître” des cartes, car sou­vent fan­tas­mées, par­fois mal pla­cées, quelques fois tout sim­ple­ment rêvées, elles n’ont pour la plu­part jamais exis­té ou tout bon­ne­ment dis­pa­ru. Le livre raconte l’his­toire de ces curio­si­tés pour les­quelles il aura fal­lu énor­mé­ment de vio­lence pour les sup­pri­mer. Un car­to­graphe éta­blit, il n’ef­face pas…

Le livre n’a jamais été tra­duit et ren­ferme dans son rabat inté­rieur une superbe carte du XIXème siècle impri­mée en rec­to-ver­so, d’un côté le Paci­fique, de l’autre l’In­dien… avec sur cette carte, la plu­part des îles dont il est ques­tion dans le livre. Et en France, le livre est épuisé.

Hen­ry M. Stom­mel. Lost Islands: The Sto­ry of Islands That Have Vani­shed from Nau­ti­cal Charts
Uni­ver­si­ty of Bri­tish Colum­bia Press. Van­cou­ver 1984

Jus­tus Dan­ckerts: Recen­tis­si­ma Novi Orbis Sive Ame­ri­cae Sep­ten­trio­na­lis et Meri­dio­na­lis Tabu­la… [Cali­for­nia as an Island] Amster­dam / 1690

Océans de papier

Oli­vier le Car­rer n’est pas qu’un simple écri­vain, un jour­na­liste, c’est avant tout un géo­graphe et navi­ga­teur, un vrai connais­seur de la mer de l’in­té­rieur, un génie des eaux qui n’hé­site pas à pas­ser son temps dans les biblio­thèques pour illus­trer ses livres des plus belles cartes au monde, issues des plus grandes biblio­thèques et conser­vées dans leur gangue d’in­con­nui­té pour les dévoi­ler au grand jour. Anda­louses, per­sanes, arabes, por­tu­gaises, ces cartes de papier belles et sen­suelles comme des femmes antiques montrent l’é­vo­lu­tion de la per­cep­tion de la Terre depuis l’An­ti­qui­té jus­qu’au GPS moderne.

Oli­vier Le Car­rer. Océans de papier : His­toire des cartes marines, des périples antiques au GPS
Glé­nat 2006

Hes­sel Ger­ritsz : Mar del Sur. Manus­crit enlu­mi­né sur par­che­min, 1622. BNF

Atlas des îles abandonnées

Judith Scha­lans­ky est une jeune illus­tra­trice née en RDA et dont l’i­ma­gi­naire de jeune fille l’a por­té à vivre ses pre­miers émois en par­cou­rant du bout des lèvres les pages des atlas et les cartes. Plus qu’un véri­table atlas, son livre est un beau livre fait de cartes redes­si­nées, plein d’a­nec­dotes étranges, par­fois un peu inquié­tantes. Je ne fais pas par­tie de ceux qui se plaignent du fait que ce livre n’est pas véri­ta­ble­ment un atlas, mais un “simple livre”… Malé­dic­tion… Le livre fait débat, on atten­dait a prio­ri plus de l’au­teur qu’un joli livre. Il ne déce­vra pas, en revanche, ceux qui ont gar­dé intact leur regard d’en­fant sur un monde qui reste encore à décou­vrir. On regrette sim­ple­ment que de l’al­le­mand au fran­çais, le titre change d’îles éloi­gnées (remote islands en anglais) à îles aban­don­nées

Judith Scha­lans­ky. Atlas des îles abandonnées
Pré­face d’O­li­vier de Ker­sau­son, tra­duit de l’al­le­mand par Eli­sa­beth Landes, Arthaud

The Island of St. Chris­to­phers / Ante­go Island / Part of y Islands of Ame­ri­ca &c.
Lon­don 1744

Explo­ra­tion des Routes de la Soie et au-delà

Ceux qui tra­ver­sèrent d’in­con­nues contrées pour com­mer­cer avec les peuples loin­tains, ceux qui pen­saient que le coton pous­sait sur les agneaux, ceux qui voyaient dans les étoiles leur che­min à dos de cha­meau et ceux qui pri­saient le tabac assis sous une toile ten­due dans le désert ouï­ghour du Tak­la­ma­kan, tous ont dési­ré car­to­gra­phier le par­cours qui reliait l’Oc­ci­dent à la Chine par ces villes mythiques qui portent le nom d’Is­pa­han, Samar­kand, Nisha­pur, Tashkent, Merv, Bou­kha­ra ou Kach­gar… qui excitent l’i­ma­gi­naire, font pen­ser aux odeurs d’é­pices, aux cou­leurs cha­toyantes des tapis, des soie­ries et des bro­carts, des mon­naies d’or frap­pées à l’ef­fi­gie de califes dis­pa­rus et de mina­rets sur­plom­bant les immenses iwâns déco­rées de céra­miques bleues… Ce livre est un joyau de cartes turques, ouz­beks, per­sanes, arabes, chi­noises, rares, pré­cieuses, colo­rées, et mêmes par­fois sur­pre­nantes, comme ces cartes éta­blies d’a­près Claude Pto­lé­mée où le rebord du monde connu est illus­tré sous  forme… d’angle…

Ken­neth Neben­zah. Explo­ra­tion des Routes de la Soie et au-delà , 2000 ans de cartographie
Phai­don, 2005

Carte du monde de Pto­lé­mée, recons­ti­tuée au XVe siècle à par­tir de sa Géographie

Des cartes sur tous les plans…

Big­map­blog :le blog d’un ama­teur de cartes anciennes qu’il s’a­muse à pio­cher un peu par­tout, scan­nées en haute défi­ni­tion et zoo­mables. L’au­teur du blog est éga­le­ment à l’o­ri­gine d’un film, The Pruitt-Igoe Myth.

Per­ry-Cas­tañe­da Libra­ry Map Col­lec­tion : une impres­sion­nante col­lec­tion de cartes récentes mais éga­le­ment de cartes anciennes clas­sées par région.

Paris­bal: Plans anciens de Paris entre 1550 et 1790.

Bar­ry Law­rence Rude­man antique maps Inc. : Un ven­deur de cartes anciennes qui a l’in­tel­li­gence de lais­ser à dis­po­si­tion des images grand for­mat des cartes qu’il vend.

The beau­ty of maps : Une série docu­men­taire de la BBC en 4 par­ties sur les cartes : Atlas, médié­vales, cartes modernes de pro­pa­gande ou cartes de villes, voi­ci de quoi ali­men­ter un sujet superbe avec la pré­ci­sion et l’ac­cent des docu­men­ta­ristes de la véné­rable ins­ti­tu­tion qu’est la BBC.

A la décou­verte d’E­duard Imhof : géo­graphe et pro­fes­seur de car­to­gra­phie suisse, il a don­né ses lettres de noblesse à la car­to­gra­phie en 3D et est aujourd’­hui consi­dé­rée comme le père de la géo­gra­phie moderne ins­ti­tu­tion­nelle. A visi­ter, ses archives :

David Rum­sey Map Col­lec­tion Data­base and Blog : Voi­ci une Rolls de la car­to­gra­phie. Riche de plus de 26000 cartes, voi­ci une col­lec­tion de cartes, prin­ci­pa­le­ment du XVIIIè et du XIXè siècle et d’A­mé­rique du Nord, elle contient éga­le­ment de nom­breuses cartes euro­péennes, des cartes his­to­riques, anciennes ou modernes, cha­cun y trou­ve­ra son compte. On appré­cie­ra éga­le­ment, entre autres choses, la pos­si­bi­li­té de vision­ner ces cartes anciennes avec Google Maps, par super­po­si­tion. Une idée de génie. La col­lec­tion scan­née est d’une grande qua­li­té visuelle.

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