Les formes suc­ces­sives d’une âme n’ont pas d’autre rap­port entre elles que celui qu’ont le nuage et les plantes que sa pluie fait croître. Vous savez que la créa­ture n’a aucun sou­ve­nir de ses états anté­rieurs. Il est dif­fi­cile de limi­ter cette idée avec des paroles d’Europe. Du moins puis-je dire que ce qui a été tra­duit par « Tu renaî­tras cha­cal » le serait moins mal par « de tes actes, à ta mort, un cha­cal naî­tra ». Car il s’agit là d’exprimer la pen­sée de races pour les­quelles le cha­cal ne sait pas qu’il fut homme, n’est sou­mis qu’à des lois ani­males ; pour les­quelles la des­ti­née n’est point mar­quée par la conscience que l’individu en prend, mais par l’infime chan­ge­ment qu’elle apporte au monde.

André Mal­raux

La ten­ta­tion de l’occident , Pléiade, 1926

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