On ne le voit même plus, mais il est par­tout autour de nous. Enfin presque par­tout. Sur­tout dans les églises et au-dehors aus­si, mais notre moder­ni­té nous en a fait perdre le sens. Le Tétra­morphe est une étrange figure mys­tique qu’on trouve dans la Bible, dans l’An­cien Tes­ta­ment (encore lui), asso­ciée au livre d’Ézé­chiel et de sa vision :

Dès les pre­mières lignes de sa pro­phé­tie, Ézé­chiel (Ez 1, 1–14) décrit une vision : « le ciel s’ou­vrit et je fus témoin de visions divines » (Ez 1, 1). « Au centre, je dis­cer­nais quelque chose qui res­sem­blait à quatre êtres vivants » (Ez 1, 5).
« Ils avaient cha­cun quatre faces et cha­cun quatre ailes (…) leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf » (Ez 1, 6–7). « Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d’homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de tau­reau à gauche, et tous les quatre avaient une face d’aigle. » (Ez 1, 10).
Il s’a­git de quatre ani­maux iden­tiques dotés cha­cun de quatre pattes de tau­reau, de quatre ailes d’aigle, de quatre mains humaines et de quatre faces dif­fé­rentes d’homme, de lion, de tau­reau et d’aigle. Ces quatre ani­maux ont leur place au pied du trône de la gloire de Dieu. (Wiki­pe­dia)

Cha­cun des Quatre Vivants est figu­ré dans le Nou­veau Tes­ta­ment sous la forme des évan­gé­listes (toutes les expli­ca­tions sont issues de Wikipedia) :

  • Mat­thieu : On lui attri­bue comme sym­bole l’homme ailé (par­fois qua­li­fié à tort d’ange) parce que son évan­gile com­mence par la généa­lo­gie de Jésus, ou, plus exac­te­ment, celle de Joseph, père légal de Jésus. Selon qu’il appa­raît comme col­lec­teur d’impôts, apôtre ou évan­gé­liste, Mat­thieu est repré­sen­té avec des balances de peseur d’or, l’épée du mar­tyre ou le livre de l’Évangile qui, fina­le­ment, est son attri­but le plus ordinaire.
  • Marc : Saint Marc est sym­bo­li­sé par un lion d’a­près l’un des pre­miers ver­sets de son évan­gile qui évoque le désert d’où reten­tit les rugis­se­ments du lion, l’un des quatre ani­maux sym­bo­liques de la vision d’Ézéchiel : « un cri sur­git dans le désert » (Ez 1, 1–14). Le lion sym­bo­li­sant saint Marc est géné­ra­le­ment ailé et par­fois sur­mon­té d’une auréole, ce qui le dis­tingue du lion de saint Jérôme, les ailes sym­bo­li­sant l’é­lé­va­tion spi­ri­tuelle et le halo sym­bo­li­sant la sainteté.
  • Luc : Luc est sym­bo­li­sé par le tau­reau, ani­mal de sacri­fice, parce que son évan­gile com­mence par l’é­vo­ca­tion d’un prêtre sacri­fi­ca­teur des­ser­vant le Temple de Jéru­sa­lem : Zacha­rie, le père de Jean-Baptiste.
  • Jean : Son sym­bole en tant qu’é­van­gé­liste dans la tra­di­tion du Tétra­morphe est l’aigle, d’où le sur­nom « l’aigle de Pat­mos ». Il est repré­sen­té avec une coupe sur­mon­tée d’un ser­pent ou avec une chau­dière rem­plie d’huile bouillante.
Tétramorphe de la Tour Saint-Jacques - Paris

Tétra­morphe de la Tour Saint-Jacques — Paris —  Tour Saint-Jacques 070508 02 » par Vas­silTra­vail per­son­nel. Sous licence Public domain via Wiki­me­dia Com­mons.

Cette figure qui n’est que les quatre faces d’un seul élé­ment trouve son ori­gine dans des repré­sen­ta­tions antiques, notam­ment égyp­tiennes, sous la forme de divi­ni­tés infé­rieures ou d’élé­ments natu­rels. Comme sou­vent dans l’An­cien Tes­ta­ment, les trans­crip­tions des visions pro­viennent de légendes anciennes, transformées.

En ce qui concerne la sym­bo­lique du chiffre 4 expri­mée au tra­vers des Quatre Vivants, on la retrouve dans bon nombre de figures. Tout d’a­bord, le sym­bole d’A­tha­nase. Ce sym­bole connu aus­si sous le nom de Qui­cumque, est un conden­sé de la pen­sée litur­gique ortho­doxe qui reprend les 3 figures de la Tri­ni­té, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ain­si que celle de Dieu, cen­trale. Les liens qui sont faits entre les sphères se com­posent de cette manière, qui pour cha­cune des occur­rences se lit dans les deux sens :

  • Le Saint-Esprit n’est pas le Père
  • Le Père n’est pas le Fils
  • Le Fils n’est pas le Saint-Esprit
  • Le Saint-Esprit est Dieu
  • Le Père est Dieu
  • Le Fils est Dieu

Le sens de lec­ture des Quatre Vivants s’ins­pire aus­si de quatre moments de la vie du Christ ; l’in­car­na­tion de Dieu dans l’homme (Mat­thieu, l’homme ailé), la ten­ta­tion dans le désert (Marc, le lion), l’im­mo­la­tion (Luc, le tau­reau, sym­bole de sacri­fice) et la mon­tée au ciel (Jean, l’aigle). On retrouve aus­si chez Luc (10, 27) les com­po­santes de l’es­sence humaine : l’homme est le sym­bole de l’es­prit, le lion est le sym­bole des pas­sions, le tau­reau est le sym­bole du corps, l’aigle est le sym­bole de l’esprit.

La figure du tétra­morphe est donc un moment pri­vi­lé­gié de sym­bo­lisme litur­gique que l’on trouve sur­tout dans les repré­sen­ta­tions byzan­tines et romanes de l’art chré­tien. En regar­dant par­fois sur cer­tains monu­ments plus proches de nous, sur les bâti­ments gothiques, on arrive par­fois à le retrou­ver, comme plus haut, sur le som­met de la Tour Saint-Jacques à Paris, mais ce sont des sta­tues qui pour le coup datent du XIXè siècle.

Pho­to d’en-tête © José Luis Fil­po Cabana
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Eglise de San­to Domin­go, Soria, Pre­mière vision d’Ézéchiel.

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