Au gré de mes recherches dans Paris, de ce temps que je mets à contri­bu­tion pour m’en­ri­chir et res­sor­tir de ces pro­me­nades aus­si émer­veillé qu’un gamin un len­de­main de Noël, je découvre ou plu­tôt redé­couvre ces lieux de mémoires oubliés. Par je ne sais quelle cir­con­vo­lu­tion ou cir­cu­mam­bu­la­tion, j’ar­pente des lieux au hasard de mes ren­contres. Tout d’a­bord, coin­cé entre les gyros et les petits res­tau­rants étri­qués de la rue Saint-Séve­rin, par­mi les odeurs d’é­pices et de pois­son qui, dès le matin, cha­touillent les sens, j’emprunte la rue Galande et me retrouve nez à nez avec le che­vet de l’é­glise Saint-Julien-le-Pauvre. Mal­heu­reu­se­ment, elle n’é­tait pas encore ouverte lorsque je suis pas­sé. Ce n’est pas un hasard si les Grecs et les moyen-orien­taux de Paris se retrouvent ici, car son culte est gre­co-mel­kite, un culte ortho­doxe dont la plu­part des fidèles sont ori­gi­naires de Syrie, de Jor­da­nie, du Liban et de Pales­tine. C’est éga­le­ment une des plus vieilles églises de Paris, car son aspect actuel date du XIIIè siècle ; on peut y voir sur le flanc sud ce qui reste de l’os­suaire, consti­tué d’une dizaine d’arches dans les­quelles on enter­rait les corps des défunts jus­qu’à il n’y a pas si long­temps que ça.

Saint Julien le pauvre

Ossuaire de Saint Julien le pauvre

En repre­nant ensuite le bou­le­vard Saint-Ger­main, je suis arri­vé au che­vet de l’é­glise Saint-Nico­las du Char­don­net qui m’a sou­vent intri­gué par son aspect très baroque. Elle n’a à mon sens que peu d’in­té­rêt à l’in­té­rieur, si ce n’est le superbe céno­taphe que Charles le Brun a conçu pour sa mère et la cha­pelle de la Vierge, construite dans un étrange style byzan­tin déton­nant un peu avec le reste du bâti­ment. A la sor­tie de l’é­glise, une fille assez grande au visage fer­mé, les che­veux en bataille, atten­dait en fumant une ciga­rette, don­nant au lieu un petit air de lieu de ren­contre clan­des­tin, un je-ne-sais-quoi de secret et un rien tentateur…

Institut du monde arabe

J’ai filé ensuite vers l’Ins­ti­tut du monde arabe en bifur­quant par la rue de Pois­sy et en remon­tant les quais de Seine, face à la Tour d’Argent, encore fer­mée à cette heure là. Tou­jours éton­nant ces res­tau­rants où le menu n’est pas affi­ché sur la devan­ture… Le ciel était cou­vert, sombre, lais­sant à peine pas­ser quelques rayons de soleil, une soleil brut et métal­lique qui don­nait un aspect froid à la façade déco­rée d’i­ris géo­mé­triques. Quelques gouttes sur le coin du nez… Un temps gris de Paris… Après avoir visi­té les col­lec­tions Kha­li­li avec mon fils émer­veillé, je me suis ren­du à la Mos­quée. Sans y avoir pen­sé au préa­lable, je suis arri­vé en pleine heure de prière. La caisse était fer­mée et je me suis retrou­vé fort dému­ni face à une porte ouverte, une caisse muette, et des gens qui affluaient de toutes les direc­tions. Un mon­sieur d’une soixan­taine d’an­nées m’a deman­dé ce que je cher­chais et lorsque je lui ai dit que je pré­pa­rais une visite pour des jeunes gens en réin­ser­tion pro­fes­sion­nelle… il m’a pris le bras et m’a fait visi­ter, en me lar­guant au milieu de la cour prin­ci­pale, car il devait aller prier. Je lui ai deman­dé s’il tra­vaillait ici. Non, me répon­dit-il, il n’é­tait qu’un simple fidèle par­mi les fidèles.

Brûle-parfum ou diffuseur en forme de lynx

Entre deux lumières, entre deux ombres, j’ai repris la route du retour avec dans la poche le secret de ces jours pen­dant les­quels la réa­li­té s’es­tompe pour dévoi­ler un pas­sé qu’on a du mal à s’ap­pro­prier. J’es­saie éga­le­ment de me répé­ter ces mots de la cha­ha­da que j’es­saie d’ap­prendre, mais que par manque de foi peut-être, je n’ar­rive pas à rete­nir car ils sont trop éloi­gnés de ma réalité:

اشهد ان لآ اِلَـهَ اِلا الله و أشهد ان محمدا رسول الله
Ach­ha­dou an lâ ilâ­ha illa-llâh, washa­dou ana muham­mad rasûlu-llâhi

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