Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 28 juillet) : La Süley­ma­niye et Üsküdar

Bul­le­tin météo de la jour­née (dimanche) :

  • 10h00 : 36.5°C / humi­di­té : 46% / vent 22 km/h
  • 14h00 : 37.8°C / humi­di­té : 48% / vent 22 km/h
  • 22h00 : 34.8°C / humi­di­té : 78% / vent 15 km/h

Le réveil est dif­fi­cile, je fais tout pour ne pas me ren­dor­mir de peur de dépas­ser l’heure du petit déjeu­ner. Je me suis cou­ché trop tard la veille et ce matin j’ai l’im­pres­sion de ne pas être suf­fi­sam­ment repo­sé. Mes pieds et mes mol­lets me font souf­frir à cause de ces mau­dites rues en pente, mais il faut repartir.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 06 - Karababa Türbesi Sokak

Je prends sur inter­net les ren­sei­gne­ments néces­saires pour prendre le bus jus­qu’à l’é­glise de Saint-Sau­veur-in-Cho­ra qui se trouve dans un quar­tier recu­lé, mais je me rends compte qu’il n’existe aucun moyen de lire un plan de bus fiable dans cette ville. Le site inter­net (IETT) pro­pose de noter votre des­ti­na­tion dans les choix de recherche et il vous balance toute une liste de numé­ros de bus à prendre pour rega­gner votre des­ti­na­tion, mais ne vous dit rien de plus, à part des horaires. Ça, c’est pour la théo­rie. En pra­tique, c’est pire, mais c’est sans comp­ter sur l’ex­trême ser­via­bi­li­té des Turcs. Je cherche le che­min qui me semble le plus simple, qui serait de pas­ser par Eyüp que je rejoin­drais par le vapur, puis il me semble qu’un bus per­met de rejoindre la Kariye Kili­se­si, par la ligne 39b depuis Tele­fe­rik jus­qu’à Edir­ne­kapı. 13 minutes, 10 arrêts, en prin­cipe. Je suis obli­gé de comp­ter le nombre d’ar­rêts indi­qués par le site, mais je dois avouer que cette logique me dépasse com­plè­te­ment et je déses­père de pou­voir rejoindre la Kariye par un moyen simple.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 13 - Nuruosmaniye Camii

En sor­tant de l’hô­tel, je file direc­te­ment par les rues désertes qui partent depuis Kadır­ga Parkı, vers Neviye Sokak et Kara­ba­ba Tür­be­si Sokak en repen­sant aux cris des enfants qui hier soir, jusque tard, s’é­brouaient dans les aires de jeu du jar­din public tan­dis que leurs parents pro­fi­taient de l’air plus léger du soir pour dis­cu­ter sur un bout de banc public. La der­nière fois que je suis pas­sé dans ces rues, c’é­tait éga­le­ment un dimanche et c’est le jour où toutes les bou­tiques sont fer­mées, closes par une armée ali­gnée de rideaux de fer. Je remonte jus­qu’à la Nuruos­ma­niye Camii que je n’ai pas encore pu visi­ter. Au mois d’a­vril elle était fer­mée pour cause de tra­vaux et je n’a­vais pu voir d’elle que le che­min qui relie la rue por­tant son nom jus­qu’à une des portes du Grand Bazar. Les écha­fau­dages sont encore là, mais je constate avec sur­prise que les portes sont ouvertes. Cette mos­quée fait par­tie des mos­quées à l’ar­chi­tec­ture baroque otto­mane, remon­tant à une époque où l’on construi­sit les der­nières grandes mos­quées de ce type au XVIIIème siècle (voir le pano­ra­mique de l’in­té­rieur de la mos­quée). La moindre porte, la moindre fenêtre, mal­gré un aspect assez mas­sif des­sine de jolies cir­con­vo­lu­tions avec un marbre blanc de pla­cage, ce beau marbre blanc et gris que l’on voit par­tout dans la ville.
Je m’al­longe sur le douillette moquette bleue, comme les deux hommes qui dis­cutent un peu plus loin et finissent par s’al­lon­ger dans le même sens pour se repo­ser. J’aime cette ville dans laquelle on trouve des lieux où l’on vient pour se repo­ser sans craindre de pro­fa­ner un lieu de culte. Mon regard se perd dans les pein­tures à fresque des pla­fonds et sur la cor­niche ornée de lettres arabes dorées sur un fond noir. Il fait si calme que je pour­rais presque m’en­dor­mir avec cette cha­leur étouf­fante que la ville vidée rend presque oppres­sante, et je constate toute de même que je suis pla­cé en plein cou­rant d’air, ce qui a le don de sécher mes vête­ments déjà trem­pés. Il ne se passe rien et je n’en­tends au loin que le crin­crin des dis­queuses qui tra­vaillent en ce jour chô­mé. Je ne sais pas pour­quoi mais l’es­pace d’un ins­tant, je repense à ce couple qui hier se quit­tait sur le quai d’E­minönü en s’embrassant pudi­que­ment sur la joue. Ils se font deux bises cha­cun, très près de la bouche, comme si on ne les voyait pas.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 24 - Sur le Bosphore jusqu'à Üsküdar

Je redes­cends vers Eminönü où je compte prendre le bateau pour Eyüp, alors je me colle à la vitre de la gui­toune du Eminönü Haliç Iske­le­si où je trouve le même type bedon­nant et peu aimable qu’en avril. Toutes fenêtres fer­mées et sans cli­ma­ti­sa­tion, il doit cuire dans son cha­let en plein soleil et engon­cé dans son cos­tume trop grand et me répond mal aima­ble­ment qu’il n’y a pas de bateau pour Eyüp, de la même manière qu’au­tre­fois il me disait « no boat for Balat » et un peu plus tard d’un air exas­pé­ré « no boat for Fener ». En fait, si on ne peut aller ni à Eyüp, ni à Fener, ni à Balat, je ne vois pas tel­le­ment l’in­té­rêt de prendre le bateau pour se pro­me­ner sur la Corne d’Or. Un trio de Fran­çais s’a­dresse au bon­homme alors j’at­tends de voir ce qui se dit, car une des filles parle turc. Elle tra­duit à ses amis que le pont bleu est ouvert à la cir­cu­la­tion rou­tière, donc fer­mé à la cir­cu­la­tion mari­time pen­dant toute la période du rama­dan. Donc pas de bateau pour Eyüp.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 28 - Sur le Bosphore jusqu'à Üsküdar

A l’aide de mon dépliant, je sais que l’e­zan va bien­tôt com­men­cer et comme je suis au pied de la petite mos­quée Ahi Ahmet Çele­bi Camii, j’at­tends que le muez­zin déploie son chant har­mo­nieux. On trouve ici des toi­lettes abso­lu­ment propres à la sor­tie des­quels vous attend un petit fla­con d’eau de Cologne au citron pour vous rafraî­chir les mains. On dit des toi­lettes à la turque que c’est tou­jours sale, oui, chez nous, mais je parie ma che­mise que les plus sales des toi­lettes publiques turques que j’ai fré­quen­tées sont plus propres que les plus propres des toi­lettes publiques en France. A Paris en tout cas, l’hy­giène des lieux publics est une véri­table honte nationale.

Un peu dépi­té de ne pou­voir aller à Eyüp en bateau et n’ayant pas envie de me prendre la tête avec les bus, je finis par prendre le bateau pour Üskü­dar pour aller déjeu­ner de l’autre côté du Bos­phore. Dans les petites rues ombra­gées, je trouve un petit res­tau­rant où je mange une assiette de maque­reaux grillés et une autre d’oi­gnons crus avec une bou­teille d’ayran tan­dis qu’il fait une cha­leur ahu­ris­sante, sans le moindre cou­rant d’air. Avant de reve­nir sur le quai, je passe par la Yeni Valide Camii, dans l’en­ceinte de laquelle se reposent une foule de chats pares­seux et des hommes qui papotent. En fai­sant le tour de la mos­quée, je trouve en hau­teur une sorte de repro­duc­tion de mos­quée qui pour­rait res­sem­bler à un ex voto, mais qui se trouve en fait être un pigeonnier…

Turquie - jour 3 - Istanbul - 39 - Üsküdar - Yeni Valide Camii

Je repars en bateau, mais cette fois-ci, j’ai pris un autre vapur qui m’emmène à Kaba­taş, à deux pas du palais de Dol­ma­bah­çe (Dol­ma­bah­çe Sarayı), au ter­mi­nus du tram­way. Il y a là une petite mos­quée sans charme (Fındıklı Mol­la Çele­bi Camii), une autre beau­coup plus grande, fière et baroque, et sur­tout fer­mée (Bezm-î-Âlem Valide Sul­tan Camii) et un long quai sur lequel on trouve un endroit agréable, juste sur le quai du Bos­phore ; c’est une sorte de café, ou une mai­son de thé si l’on en croit le nom, Kap­tan­lar Çay Bah­çe­si, ce qui veut dire à peu de choses près le jar­din de thé des capi­taines. Je m’ins­talle à la ter­rasse en n’ayant d’autre ambi­tion que de me repo­ser. Je sais que j’ai plein de choses à voir, à faire, mais je suis avant tout en vacances, et il y a trois jours j’é­tais en train de tirer la langue au bou­lot en me disant que les vacances vont arri­ver à point. Je me com­mande un thé à l’o­range, puis un Sir­ma cerise, puis un autre thé… En fait, je passe là un long moment à regar­der les pêcheurs et les gamins sau­ter dans l’eau tour­men­tée mais claire du Bos­phore, au beau milieu des hame­çons et des bou­chons qui flottent. Le muez­zin pousse un ezan enroué qu’il expé­die en moins de deux minutes.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 50 - Kabataş - Kaptanlar Çay Bahçesi

Je finis par m’en­dor­mir, ava­chi sur mon fau­teuil, le dos trem­pé de sueur, en écou­tant les gamins s’a­mu­ser. Je crois que c’est ça les vacances, goû­ter l’air qu’il fait ici en se gavant des bruits et des odeurs, et en pre­nant son temps au bord de l’eau, là où les gens vivent.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 51 - Kabataş - Kaptanlar Çay Bahçesi

Turquie - jour 3 - Istanbul - 73 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş - Fatih Sultan Mehmet Köprüsü

Depuis Kaba­taş, je m’embarque encore sur un autre vapur qui part pour remon­ter une par­tie du Bos­phore jus­qu’au second pont entre l’Eu­rope et l’A­sie, le Fatih Sul­tan Meh­met Köprüsü à Sarıyer en lon­geant d’un côté la mos­quée d’Ortaköy, la célèbre icône baroque du Bos­phore otto­man (Büyük Meci­diye Camii), le petit port d’Arna­vutköy (vil­lage des Alba­nais), devant lequel nageaient de tout petits dau­phins qui sui­vaient le bateau sur son flanc, et ensuite tout le long du dis­trict qui s’ap­pelle Beşik­taş en pas­sant devant la colos­sale for­te­resse de Rume­li Hisarı, située à l’en­droit le moins large du Bos­phore. De l’autre côté, on passe devant Ana­do­lu Hisarı (le châ­teau d’A­na­to­lie), le petit palais char­mant, les pieds dans l’eau, Küçük­su Kasrı (palais au ras de l’eau), Kan­dilli, dans un coude où les cou­rants semblent féroces, puis Vaniköy avec ses toutes petites mos­quées et l’a­ca­dé­mie mili­taire de Kule­li, et enfin la mos­quée Ham­dul­lah Paşa Camii et le très joli palais baroque de Bey­ler­beyi (Bey­ler­beyi Sarayı).

Turquie - jour 3 - Istanbul - 84 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş - Anadolu Hisarı

Turquie - jour 3 - Istanbul - 87 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş - Küçüksu Kasrı

Turquie - jour 3 - Istanbul - 89 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş - Kandilli

Turquie - jour 3 - Istanbul - 106 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş - Beylerbeyi Sarayı

Le bateau me ramène sur le quai de Beşik­taş, où je mange dans un res­to bran­ché face à la mer ; un dîner de crêpe aux épi­nards indi­geste arro­sé d’une bière. Je me rends compte que je devrais me conten­ter des plats typi­que­ment otto­mans, plus simples et plus goû­teux que lorsque la cui­sine veut cal­quer la cui­sine inter­na­tio­nale. Je n’ai rien deman­dé qu’on m’ap­porte une deuxième bière que je ne paie pas.

Légè­re­ment ivre, j’at­trape le der­nier vapur de jus­tesse, pour Eminönü et je rentre à l’hô­tel encore com­plè­te­ment four­bu, la peau recuite et rou­gie par un soleil de plomb.

Turquie - jour 3 - Istanbul - 109 - Sur le Bosphore de Beşiktaş à Beşiktaş

Voir toutes les pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr (114 pho­tos).

Épi­sode sui­vant : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 30 juillet) : Ana­do­lu Kavağı et Rüs­tem Paşa Camii

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