Voi­ci de nou­velles cartes trou­vées sur un site ras­sem­blant un pro­jet com­mun aux trois ins­ti­tu­tions sui­vantes : Le His­to­ric Cities Cen­ter of the Depart­ment of Geo­gra­phy, la Hebrew Uni­ver­si­ty of Jeru­sa­lem et la Jewish Natio­nal and Uni­ver­si­ty Libra­ry. J’y ai donc trou­vé ces petits tré­sors (sauf la der­nière qui est beau­coup plus récentes mais que je trouve très inté­res­santes à plu­sieurs titres).

  1. La pre­mière date de 1493 et est due au méde­cin alle­mand Hart­mann Sche­del qui dans ses chro­niques de Nurem­berg fait la des­crip­tion de la ville. Il n’en est tou­te­fois pas le créa­teur, mais est à l’o­ri­gine de la somme qui porte le nom de Liber chro­ni­ca­rum. Sche­del mérite à lui seul un vrai article. On y voit Constan­ti­nople telle qu’elle était encore lorsque les Turcs prirent la cité, avec la muraille de Théo­dose cei­gnant encore tota­le­ment la ville, Sainte-Sophie, quelques églises qui comptent par­mi les plus impor­tantes, le quar­tier des Blan­chernes en haut à droite, des bâti­ments dont la forme géné­rale fait pen­ser aux anciennes basi­liques chré­tiennes, des mou­lins (?) et aucune mai­son. Sty­li­sée à l’ex­trême, on y per­çoit tou­te­fois une cer­taine pers­pec­tive qui montre la ville sur­éle­vée. On trouve éga­le­ment l’en­ceinte de la ville de Péra ain­si que les deux chaînes qui ferment l’en­trée de la Corne d’or.
  2. Le seconde est due à Sebas­tian Müns­ter, car­to­graphe alle­mand auteur d’une Cos­mo­gra­phia Uni­ver­sa­lis datant de 1550. La ville y est beau­coup plus détaillée sur une carte en cou­leur. On y voit déjà le palais de Top­ka­pi gros­siè­re­ment repré­sen­té et dési­gné par le terme géné­rique de Gynœ­sium (γυναικεῖον, gynae­ceum qui donne le mot gyné­cée) conden­sant l’i­mage du harem avec celle du palais entier. On y voit bien l’hip­po­drome déjà démem­bré et les restes du sphen­do­nè (cour­bure du cirque). On trouve éga­le­ment l’an­cien port (Bou­co­léon), la for­te­resse des Sept-Tours (Yedi kule) en haut à gauche, le palais de Constan­tin des Bla­chernes en haut à droite ain­si que ce qui est peut-être la mos­quée de Meh­met le Conqué­rant (Sul­tan Fatih Meh­met Kül­liye­si) puis­qu’à l’é­poque de la concep­tion de la carte, celle de Süley­man com­men­çait sa construc­tion. On trouve des lettres pour légen­der les quar­tiers, mais la légende ne s’y trouve mal­heu­reu­se­ment pas. A cette époque, on peut encore voir les restes du Palais de Constan­tin près de Sainte-Sophie.
  3. La troi­sième est due aux célèbres Georg Braun et Frans Hogen­berg, auteurs d’un atlas des villes du monde, Civi­tates Orbis Ter­ra­rum. Beau­coup plus docu­men­tée que les pré­cé­dentes, elle com­porte tou­te­fois des impré­ci­sions assez nom­breuses concer­nant les noms. On voit pour la pre­mière fois appa­raître la patriar­cat grec qui existe toujours.
  4. La qua­trième, due à Gio­van­ni Fran­ces­co Camo­cio date de 1572 et est aus­si impré­cise que fausse : le car­to­graphe a situé la Corne d’Or et donc Péra au sud de la ville alors que c’est au nord. Cela en fait une carte abso­lu­ment unique. En regar­dant bien, on voit que la carte a été des­si­née comme en miroir. Par contre, on y trouve, ain­si que sur la carte pré­cé­dente l’ins­crip­tion Alma­ra­tro au des­sus de la mos­quée de Meh­met mais qui ne cor­res­pond à rien de ce que je connais (alma­rai en arabe signi­fie prai­rie). Il est pro­bable que cela soit une forme lati­ni­sée de İmar­et Mahal­le­si (quar­tier d’İmar­et).
  5. La cin­quième date de 1573 et a été des­si­née par Simon Pinar­gen­ti, un car­to­graphe véni­tien. Si la carte n’est pas très pré­cise en terme de repré­sen­ta­tion, elle a l’a­van­tage d’être légen­dée au-des­sous. On peut voir ici tous les noms des douze portes de la ville.
  6. La sixième est due à Hen­ry de Beau­vau, homme poli­tique du XVIIè siècle et date de 1615. Pour la pre­mière fois on voit Sainte-Sophie ornée de mina­rets ; les temps changent. La carte est légen­dée mais pas dessus.
  7. La sixième date de 1638, c’est une gra­vure exé­cu­tée par le poète et gra­veur bohé­mien Daniel Meis­ner, auteur d’un superbe Thé­sau­rus phi­lo­po­li­ti­cus, un recueil de gra­vures sur la vie poli­tique et urba­nis­tique de l’é­poque. La vue est rasante, joli­ment ombrée et donne une idée de ce que pou­vait être la ville au mille mos­quée à l’é­poque, avec sa forêt de minarets.
  8. La hui­tième date de 1654 et a été exé­cu­tée par Jas­par Isac, plus gra­veur que car­to­graphe. La carte pré­sente une vue par le nord, avec Péra au pre­mier plan et pour la pre­mière fois la tour génoise de Gala­ta. Le Palais de Top­ka­pi est repré­sen­té avec plus de réa­lisme que pré­cé­dem­ment. On peut voir les restes de l’a­que­duc der­rière la mos­quée de Beya­zit et la mos­quée de Süley­man est pré­sen­tée comme étant la Roffe Mof­quée de la femme de Soly­man. Pour la pre­mière fois, on peut recon­naître à peu près toutes les mos­quées les plus impor­tantes. L’en­ceinte de Péra est confon­due avec la for­te­resse des Sept-Tours.
  9. La neu­vième date de 1686 et a été exé­cu­tée par Johann David Zun­ner. Ici Constan­ti­nople se résout à quatre monu­ments, dont tou­te­fois le vieux sérail qui se trouve être le Cara­van­sé­rail de la Sul­tane Valide (Valide Han).
  10. La dixième date de 1696 et est due à Nico­las de Fer, gra­veur et géo­graphe du Roi qui pour la pre­mière fois donne à voir une carte en sur­élé­va­tion, très belle avec éga­le­ment des nou­veaux quar­tiers, le port de Cal­cé­doine (Chal­cé­doine, aujourd’­hui Kadıköy) et le sérail de Scu­ta­ri (ancien­ne­ment Chry­so­po­lis, actuel­le­ment Üsküdar).
  11. La onzième date de 1698 et est due à Cor­ne­lis de Bruyn, des­si­na­teur, peintre, voya­geur et écri­vain néer­lan­dais qui pour la pre­mière fois des­sine le sérail de Top­ka­pi de manière très réa­liste, cer­tai­ne­ment depuis la rive de Gala­ta, peut-être même depuis la tour.
  12. La dou­zième date de 1730, exé­cu­tée par le peintre baroque alle­mand Chris­toph Tho­mas Schef­fler. La vue est très idéa­li­sée, loin­taine et prend Gala­ta au pre­mier plan, recon­nais­sable à sa tour. Remar­quez les mina­rets qui ont l’air tout droit sor­tis de châ­teaux bavarois…
  13. La trei­zième a été réa­li­sée par les ate­liers Arta­ria et com­pa­gnie situés à Vienne et a été exé­cu­tée entre 1793 et 1802. Les rele­vés sont très pré­cis notam­ment en ce qui concerne le sérail mais aus­si toutes les rives du Bosphore.
  14. La qua­tor­zième date de 1807 et a été réa­li­sée par F. Kauf­fer et I.B. Leche­va­lier et repré­sente par­fai­te­ment le détail des quar­tiers par des­sus les tra­cés du reliefs des col­lines de la ville, une carte d’une grande précision.
  15. La quin­zième date de 1922 et a été tra­cée par la Socié­té Ano­nyme Otto­mane d’E­tudes et d’En­tre­prises Urbaines qui la pré­sente comme Plan d’En­semble des quar­tiers, bâti­ments et che­mins prin­ci­paux de com­mu­ni­ca­tions de la ville de Constan­ti­nople avec les men­tions Liste des bâti­ments [sic] et monu­ments prin­ci­paux (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Liste des Quar­tiers (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Lignes de Tram­way — Legende. Cette carte fait état à l’é­poque de l’im­pré­gna­tion de la ville de la culture française.

D’autres cartes sont dis­po­nibles sur le site Geo­web (The car­to­gra­phi­cal and gra­hi­cal web­site of the natio­nal Libra­ry Mar­cia­na of Venice).

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