Hanoï, 1992

Hanoi - Raymond Depardon -1992 (1)

Mme D. tombe de haut.
Nous aussi.
Éber­lués, le mot est assez juste pour qua­li­fier nos pre­miers pas dans ce nou­vel Hanoï du prin­temps 1992. En moins d’un an, la capi­tale du Viet­nam a enta­mé, elle aus­si, une mue d’au­tant plus sur­pre­nante qu’elle rompt ici avec trente-huit années — et non dix-sept — de sta­li­nisme. Je songe à la réflexion d’un diplo­mate de Huê : « Les dif­fé­rences entre les deux Viet­nam s’es­tompent, vous ver­rez. Mais c’est le nord qui fait tout le che­min. » Aus­tère, cette ville ? Ah non ! C’est une grâce alan­guie qui nous accueille, une fraî­cheur intacte qui s’es­saie à la liber­té. Et peut-être au plai­sir. Faut-il, à nou­veau, comp­ter les Hon­da, les Sim­son ou les Babet­ta (motos est-alle­mandes) dans les rues ? Pho­to­gra­phier les élé­gantes trop maquillées dans les allées du parc Hoàn Kiêm ? Énu­mé­rer ce four­mille­ment de bou­tiques pri­vées, d’é­ta­lages de ter­rasses où l’on joue au mah jong et au tô tom ; four­mille­ment qui, chaque jour davan­tage, riva­lise avec celui de Sai­gon ? Par­ler des cou­leurs qui cha­toient désor­mais sur les ave­nues ? De l’ef­fron­te­rie des mar­chandes de lit­chis qui com­mentent à voix haute le look de l’é­tran­ger ? Racon­ter tout ce que l’on vous pro­pose — mais à voix basse cette fois — sur ces trot­toirs du centre qui prennent, vers le soir, des allures de frairies ?

Hanoi - Raymond Depardon - 1992 (2)

Ray­mond Depar­don et Jean-Claude Guille­baud, La col­line des anges
Retour au Viet­nam (1972–1992)
Edi­tions Points 1993

© Ray­mond Depardon/Magnum Photos

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Les hauts pla­teaux — Lieve Joris

Congo River

Rivière Congo
Pho­to © CIFOR (Cen­ter for Inter­na­tio­nal Fores­try Research)

Voi­ci un récit jour­na­lis­tique écrit par Lieve Joris, une écri­vaine belge de langue fla­mande dont le grand-oncle fut mis­sion­naire au Zaïre. Lieve Joris et le Congo, c’est une vieille affaire, elle en a déjà tiré un livre en 1987 depuis qu’elle est par­tie sur les traces de cet oncle. Dans ce petit livre à l’é­cri­ture ner­veuse, elle décrit son voyage sur les hauts pla­teaux du Congo, une par­tie du monde revêche et aban­don­née, dans laquelle une umu­zun­gu (une blanche) n’a rien pas grand-chose à faire, alors lorsque l’une d’elle tra­verse les vil­lages, c’est une véri­table attrac­tion, on se presse autour d’elle, on veut la tou­cher, on veut la voir… C’est la rai­son pour laquelle elle ne pour­ra faire son voyage à pied qu’ac­com­pa­gnée de per­sonnes proches des milices ou de l’ar­mée. Obli­gée de men­tir sur qui elle est, elle s’in­vente deux enfants et un mari, car une femme non mariée et sans enfants, ça n’existe tout sim­ple­ment pas. On se rend compte alors du gouffre qui sépare les deux mondes, gouffre cultu­rel, gouffre entre deux civi­li­sa­tions qui ne se connaissent ni ne peuvent s’in­ter­pé­né­trer tant les échanges dont elle parle ne se font que par inter­prète inter­po­sé. Les ren­contres avec les notables des vil­lages, les femmes, ses guides, tout ceci reste confron­té à la bar­rière de la langue et manque d’au­then­ti­ci­té, mais on ne pour­ra faire ce reproche à l’au­teur qui a ten­té de trans­per­cer cette région dif­fi­cile, dans laquelle elle se trou­ve­ra plu­sieurs fois pla­cée face à des écueils. Arri­vée près du lac Tan­ga­ny­ka, la situa­tion va même faillir tour­ner en eau de bou­din. On sent dans ce livre une ten­sion incroyable entre les habi­tants, les mili­taires et la per­sonne de Lieve Joris qui ne peut que livrer un témoi­gnage de son pas­sage, sans pou­voir outre mesure écrire sa propre page d’his­toire au Congo. Elle des­sine à sa manière une carte de cette région résis­tante à la manière des explo­ra­teurs du XIXème siècle.

Dehors, la lune pen­dait tel un bal­lon lumi­neux entre les cases. Dans quelques jours, elle serait pleine ; je pen­sai au curé Joro­jo­ro qui avait été ravi de savoir qu’elle nous accom­pa­gne­rait durant notre voyage. A Bijom­bo, j’a­vais reçu une lettre de lui. D’une belle écri­ture élé­gante, il me sou­hai­tait bon cou­rage et disait qu’à Minembwe tout le monde était en pen­sée avec moi.
Comme par­tout en Afrique, les enfants de Kago­go jouaient dehors les nuits de clair de lune. Ils se pres­saient en riant devant les grandes ouver­tures des fenêtres de la case et reni­flaient bruyam­ment à cause de la fumée s’é­le­vant du feu de bois. Ils por­taient des tee-shirts déchi­rés et des blou­sons trop grands. Leurs yeux vifs, futés brillaient à la lueur du feu.

Lieve Joris, Les hauts plateaux
Actes Sud, 2009
tra­duit du fla­mand par Marie Hooghe

Ce livre a reçu le prix Nico­las Bou­vier 2009

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 2 août) : Kaş intime

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 2 août) : Kaş intime

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 1er août) : Istan­bul – Anta­lya – Kum­lu­ca – Demre – Kaş

Bul­le­tin météo de la jour­née (jeu­di) :

  • 10h00 : 38.9°C / humi­di­té : 53% / vent 4 km/h
  • 14h00 : 42.3°C / humi­di­té : 64% / vent 22 km/h
  • 22h00 : 37.6°C / humi­di­té : 77% / vent 4 km/h

Ce jour-là, c’est jour de repos. Finie la course, je suis là pour pro­fi­ter de l’air du temps et poser mes valises pen­dant une courte semaine avant de par­tir un peu plus loin, pas très loin, à une tren­taine de kilo­mètres de là.

Turquie - jour 5 - Kaş - 02 - Kastelórizo (Meis)

Il me faut un peu de temps pour reprendre pied, ne rien faire l’es­pace d’une jour­née, alors je pro­fite de la pis­cine et je bou­quine un peu sur le bord, même si res­ter sous le para­sol avec cette tem­pé­ra­ture devient vite insup­por­table, même à l’ombre. Le petit déjeu­ner est  loin d’être à la hau­teur de ceux que je pou­vais prendre à Istan­bul et puis de toute façon, avec cette cha­leur, je me sens peu en appé­tit, un peu las. Je m’en­ferme dans ma chambre avec la clim qui a du mal à démar­rer et je dors tout mon saoul avant de sor­tir dans le milieu de l’a­près-midi pour aller man­ger un bout en ville. (more…)

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