Par­tir pour Krung Thep, ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude… Bangkok

Par­tir pour Krung Thep, ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude… Bangkok

Voi­là. Ko Phan­gan, c’est ter­mi­né. Quelques jours dans un enfer vert qui res­semble au para­dis. Il fait 32°C sur les rives du Golfe de Thaï­lande tan­dis qu’à Paris, la tem­pé­ra­ture de la jour­née ne dépasse pas les 7°C. C’est aujourd’­hui le 10 mars, jour de l’an­ni­ver­saire de ma grand-mère et à qui je pense énor­mé­ment, parce qu’elle est seule en ce jour par­ti­cu­lier. Je lui envoie un e‑mail qu’elle lira, je l’es­père, dans la jour­née, avec quelques heures de décalage.

Ce soir, je serai pro­je­té dans la grande métro­pole, à Bang­kok, « Ville des anges, grande ville, rési­dence du Boud­dha d’é­me­raude, ville impre­nable du dieu Indra, grande capi­tale du monde cise­lée de neuf pierres pré­cieuses, ville heu­reuse, géné­reuse dans l’é­norme Palais Royal pareil à la demeure céleste, règne du dieu réin­car­né, ville dédiée à Indra et construite par Vish­nu­karn » Sacré pro­gramme, mais je n’en suis pas encore là. Pour l’heure, je suis englué dans une tor­peur moite. Hier soir, avec le peu de connexion inter­net que j’ai réus­si à sta­bi­li­ser, j’ai réus­si à trou­ver un billet pour le len­de­main soir pour l’aé­ro­port Suvar­nabhu­mi, départ à 21h30, ce qui me laisse fina­le­ment encore un peu de temps pour pro­fi­ter de cette plage qui court au pied de l’hô­tel. Pré­cau­tion­neux, j’ai envoyé dans la fou­lée un mail à l’hô­tel où je suis cen­sé arri­ver que je serai là cer­tai­ne­ment après 23h00 en deman­dant si ça ne posait pas de sou­ci, mais aucune réponse, silence radio… Le check-in sur inter­net ne fonc­tionne pas ce matin. Aurais-je des rai­sons de m’in­quié­ter ? Trop d’in­cer­ti­tudes d’un seul coup ; le voyage reste trop incer­tain pour mon esprit qui a besoin d’être rassuré.

6 - Carnet de Thaïlande - 02 - Port de Thong Sala

Petit déjeu­ner, chambre libé­rée, les valises en consigne à la récep­tion. La fille me donne une ser­viette pour aller à la plage où je reste deux bonnes heures à me dis­soudre comme un sucre can­di dans une tasse de thé. Sur la plage, un chien a fait son trou dans le sable et se mor­fond à l’ombre. Der­nier déjeu­ner devant le spec­tacle de l’eau qui cla­pote et le soleil qui écrase les pentes arbo­rées plon­geant dans la mer tur­quoise. Ma valise part en scoo­ter pour rejoindre le taxi tout en haut du che­min escar­pé ; on a tout pré­vu à ma place. Le taxi, les billets du bateau pour rejoindre Samui, le trans­fert à l’aé­ro­port… C’est impres­sion­nant de voir à quel point tout ceci est coor­don­né par des per­sonnes qui n’ont qu’un seul inté­rêt : se mon­trer hos­pi­ta­liers pour que vous ayiez le moins de choses pos­sibles à pen­ser, et c’est exac­te­ment ce qui se passe. Je salue les deux ser­veurs du res­tau­rant, Mr Sim et Mr Sia, que je remer­cie d’un wai res­pec­tueux qu’ils me rendent au cen­tuple. Ce sera mon der­nier signe ici, comme le moment d’une rup­ture qui, à ce moment-là sans le savoir, n’en était pas vrai­ment une.

6 - Carnet de Thaïlande - 03 - Port de Thong Sala

Le taxi conduit comme une brute et passe par une route qui n’est pas la route côtière que j’ai vue tout au long de cette semaine. Il me fait presque regret­ter de ne pas avoir loué de scoo­ter pour visi­ter l’in­té­rieur de l’île, en pas­sant devant des temples que j’au­rais aimé visi­ter. Il me dépose sur le port en me lan­çant une for­mule qui me fait encore rire aujourd’­hui ; Thank you Khrap… J’en ris parce que j’ai bien sai­si que les for­mules de poli­tesse sont ponc­tuées de ces petites par­ti­cules finales, khrap si c’est un homme qui parle, peu importe le sexe de la per­sonne à qui il s’a­dresse, ka (son long) si c’est une femme qui parle. Le mer­ci pro­non­cé par un homme donne quelque chose comme khop kun khrap (le r après le kh est une sorte de son aspi­ré qui fait qu’on ne le pro­nonce pas). Ce qui signi­fie que le taxi, avec ses che­veux longs et son éter­nelle cas­quette de base-ball défraî­chie mélange allé­gre­ment le mer­ci anglais avec la for­mule de poli­tesse thaïe.

6 - Carnet de Thaïlande - 04 - Port de Thong Sala

6 - Carnet de Thaïlande - 06 - Port de Thong Sala

Le hall de la gare mari­time est un vaste han­gar ouvert aux quatre vents autour duquel gra­vitent les stands des com­pa­gnies mari­times et dans lequel le vent s’en­gouffre de tous les côtés, fai­sant de cette étuve métal­lique un lieu fina­le­ment assez frais. Lais­sant ma valise dans l’en­clos pré­vu à cet effet, l’é­ti­quette de la com­pa­gnie Sea­tran Dis­co­ve­ry Link col­lée sur la poi­trine, je longe le quai jus­qu’aux échoppes ambu­lantes ins­tal­lées autour de motos tra­fi­quées ven­dant pad thaï et jus de fruits frais, canettes de soda et man­gous­tans blets sous un soleil impla­cable don­nant une teinte jaune cha­leu­reuse aux lieux. L’at­tente est longue. J’at­tends sous l’a­bri, mor­fon­du sur un banc en fer­raille, trans­pi­rant comme une vache, tan­dis qu’une petite musique hip­pie locale finit d’en­dor­mir tous ceux qui font la même chose que moi, c’est-à-dire rien, rien d’autre qu’at­tendre. Attendre ici est une dimen­sion dif­fé­rente de ce que peut signi­fier l’at­tente dans une gare ou à un arrêt de bus chez nous, moment qui me paraît tou­jours inter­mi­nable et fas­ti­dieux. Je ne sau­rais dire si c’est la cha­leur ou l’am­biance, ter­ri­ble­ment décon­trac­tée, qui fait que ces moments de pure oisi­ve­té deviennent à la fois pré­cieux et consis­tants. Une femme qui vend des billets pour une tra­ver­sée est vau­trée dans une chaise longue, n’at­ten­dant qu’une seule chose, qu’on la dérange. Une grosse peluche de télé­tub­by pen­douille sur une chaise en bois à ses côtés. De l’autre côté du quai, des car­tons de mar­chan­dises attendent sous un toit en tôle près d’un bateau en bois sur lequel sont peints en gros les mots Sura­t­tha­ni-Koh Phan­gan. Sur la cabine peinte en blanc et rose est écrite une ins­crip­tion ondu­lante : N. San­dee­ma­ne­thrup 5. Le nom du pro­prié­taire ? Sur son pont, des dizaines de sacs de pommes de terre et d’autres légumes indé­fi­nis­sables, expo­sés en plein soleil. C’est sur ce quai que je quitte l’île, où le temps s’est éti­ré comme un vieux che­wing-gum col­lé à mes semelles.

6 - Carnet de Thaïlande - 08 - Port de Thong Sala

6 - Carnet de Thaïlande - 11 - Au large de Ko Phangan

6 - Carnet de Thaïlande - 12 - Au large de Ko Phangan

Je monte sur le bateau qui crache une épaisse fumée noire et m’ins­talle sur le pont arrière, com­plè­te­ment décou­vert, le soleil en pleine face. Un dra­peau thaï flotte dans le vent tan­dis que le port de Thong Sala dis­pa­raît dans la lumière de cette fin de jour­née un peu magique. Quelques pages lues, assis par terre, arrivent à trom­per le doux ennui dans lequel je me drape, entre deux bou­chées d’un sand­wich au thon presque sans saveur. Samui arrive en ligne de mire et le débar­que­ment se fait dans un joyeux bor­del et tout le monde monte dans les vans cli­ma­ti­sés qui font le tran­sit jus­qu’à l’aé­ro­port à moins de dix minutes de route. L’aé­ro­port est un lieu coquet, affu­blé d’une allée imi­tant le luxe sur­fait d’une ave­nue digne de Sin­ga­pour ou de Kua­la Lum­pur où se suc­cèdent bou­tiques de luxe et res­tau­rants. La salle d’at­tente est vaste et confor­table ; le mur des toi­lettes est un immense aqua­rium où végètent d’é­normes pois­sons rouges aux yeux glo­bu­leux. Je m’ins­talle dans la salle d’at­tente pour un bon moment, j’ai trois heures d’at­tente pour mon vol, qui n’est même pas encore affi­ché. Je dévore les pages de mon livre d’un air dis­trait tan­dis que les ATR-72 décollent et atter­rissent sans dis­con­ti­nuer, dans un vacarme de tur­bo-pro­pul­seurs que per­sonne ne semble plus remar­quer. Je me rends compte à quel point le temps n’a plus la même valeur, et pen­dant ces quelques jours ici, j’ai l’im­pres­sion de m’être lais­sé désar­mer par une ambiance où le temps s’est affais­sé. C’est cer­tai­ne­ment ça le sens du mot “se repo­ser”. Je me sens incroya­ble­ment bien ici, sans pré­su­mer de ce que je vais trou­ver à Bang­kok et qu’à ce moment-là je m’i­ma­gine comme étant une capi­tale de pro­vince, douce et calme. Je suis un gros naïf.

6 - Carnet de Thaïlande - 18 - Aéroport de Ko Samui

6 - Carnet de Thaïlande - 19 - Dans l'avion pour Bangkok

Dans l’a­vion, les gens sont bruyants. Der­rière moi, deux Ita­liennes doivent se croire dans leur salon. Les deux hôtesses sont magni­fiques, un phy­sique d’une finesse toute thaï, une d’elle a les yeux très bri­dés et fins, l’autre porte un ber­mu­da court, les che­veux cou­pés au car­ré et un sou­rire cra­quant. Il y a cinq jours, un avion du même type s’est écra­sé dans l’in­té­rieur de la Thaï­lande, sur la même com­pa­gnie (Bang­kok Air­ways), mais le mien se pose sans encombre sur le tar­mac de Suvar­nabhu­mi. Je récu­père ma valise sur laquelle un ban­deau jaune a été col­lé ; Secu­ri­ty che­cked. Je ne sais pas trop si elle a été ouverte ou non. J’at­trape un taxi qui roule comme un dingue jusque dans le centre de Bang­kok. Il faut payer un péage en plus de la course, déjà chère. Le chauf­feur, un type d’une qua­ran­taine d’an­nées veut abso­lu­ment m’emmener le len­de­main voir des tigres dro­gués à 250km de là et un mar­ché flot­tant “typi­cal”. Je suis obli­gé de lui dire que je repars demain pour qu’il arrête d’es­sayer de me vendre sa soupe tiède. La ville que je tra­verse me donne l’im­pres­sion d’être dans le quar­tier de La Défense, juste à côté de Paris, à cette dif­fé­rence près que ça semble s’é­tendre sur des dizaines de kilo­mètres. Juste avant d’ar­ri­ver à l’hô­tel Gol­den Tulip (qui n’existe plus aujourd’­hui sous ce nom), c’est un quar­tier de petites rues sans per­sonne. Wisut­ka­sat Rd est une artère pas­sante où la route passe sur deux étages. Il est temps pour moi de poser ma valise. Un 7/11 encore ouvert alors qu’il est minuit et demi me per­met de me res­tau­rer d’un fan­ta, un paquet de chips et d’un bol de nouilles déshy­dra­tées que je me pré­pare avant de ten­ter de m’en­dor­mir ; la chambre donne sur la pis­cine dans laquelle bar­botent en braillant de jeunes Russes pleins de bière que per­sonne ne rabroue.

Bang­kok est là, sous mes pieds, mais je sens d’ores et déjà que ce ne sera pas la même his­toire que Phangan…

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⚓ Mu Ko Ang Thong : un enfer vert et bleu ⚓

⚓ Mu Ko Ang Thong : un enfer vert et bleu ⚓

Mu Ko Ang Thong (อ่างทอง, bol d’or) est un parc natio­nal marin, accro­ché à un cha­pe­let d’îles pour la plu­part inha­bi­tées. Situées à mi-che­min entre Ko Phan­gan et le conti­nent, c’est un petit para­dis dans lequel on ne peut se rendre que sur des bateaux de for­tune dont le tirant d’eau ne per­met même pas de s’ap­pro­cher suf­fi­sam­ment pour accos­ter. 42 îles sur une super­fi­cie de 102 km2, dont seule­ment 18 sont des terres. Le reste ce ne sont que rochers affleu­rant. Seule­ment 20 habi­tants. C’est tout ce qu’on peut dire de cet émiettement.

5 - Carnet de Thaïlande - 03 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 04 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 05 - Mu Ko Ang Thong National Park

Le taxi qui m’emmène à Thong Sala n’est en réa­li­té qu’un pick-up sans bâche où l’on doit se tenir à des barres de métal pour évi­ter de se retrou­ver pro­je­té sur la route. Avant d’ar­ri­ver au port, il ramasse une amé­ri­caine d’une cin­quan­taine d’an­nées, sim­ple­ment vêtue d’un short de boxe thaï et d’un tee-shirt fluo sur lequel éclatent les mots full moon par­ty. Ça donne tout de suite le ton. Elle a la peau des joues grê­lée, une voix nasillarde avec une hor­rible accent amé­ri­cain et le teint frais de la fêtarde qui ne sait pas s’ar­rê­ter. En arri­vant au port, le taxi avance jus­qu’au bout de la jetée. Il a à peine la place de pas­ser, mais il insiste et repart en marche arrière comme si de rien n’é­tait. Le bateau qui attend là est une coquille de noix constel­lée d’é­toiles blanches peintes à la main, baché de sacs à patates en guise de pare-soleil. On nous sert  un café déshy­dra­té trop fort avec des tranches d’a­na­nas et de pas­tèque et des donuts bai­gnant dans leur huile de fri­ture, de quoi se vider avant le départ en mer. Ne sachant pas réel­le­ment ce qui m’at­ten­dait ce jour-là, j’es­pé­rais sim­ple­ment que le che­min ne serait pas trop long, car mon­ter sur ce genre de rafiot tient plus du sui­cide que de la belle excur­sion en mer.

5 - Carnet de Thaïlande - 11 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 14 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 16 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 24 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 28 - Mu Ko Ang Thong National Park

Il met les gaz et me voi­là par­ti pour une heure et demie de navi­ga­tion sur une mer un peu agi­tée, sous un soleil de plomb se réver­bé­rant sur une eau d’un beau bleu uni, me mor­dant la peau dès les pre­miers rayons. Le bateau fait un arrêt devant les rochers d’une des îles les plus au nord, Ko Wao Yai, un bout de rocher sans rien autour. Il paraît qu’i­ci c’est un des plus beaux spots de plon­gée du coin. J’en­tends la chaîne cou­ler sur la fonte de l’é­cu­bier et se ficher dans la roche marine, à une quin­zaine de mètres si je cal­cule bien. A peine le bateau arrê­té, tout le monde plonge du pon­ton, masque et tuba fiché sur la tête. En ce qui me concerne, je reste un peu cir­cons­pect. Le bateau bouge pas mal et les cou­rants semblent fort, mais tous n’hé­sitent pas à un seul ins­tant à plon­ger dans l’eau tur­quoise. Appré­ciant la nage en mer autant que si j’al­lais me faire cir­con­cire, je des­cends dou­ce­ment dans l’eau qui tient ses pro­messes, les cou­rants sont forts et m’an­goissent déjà. En plon­geant sous l’eau, je me rends compte que j’a­vais rai­son ; il y a effec­ti­ve­ment une quin­zaine de mètres d’eau sous mes pieds. C’en est trop pour moi, je remonte à la sur­face et m’ac­croche au bateau, pris d’une panique incon­trô­lable. En bon des­cen­dant de Bre­tons, je pré­fère ample­ment me trou­ver sur l’eau que dedans, a for­tio­ri si les fonds ne sont pas à por­tée de mes pieds. Je n’ai jamais aimé ça, je me l’é­tais confir­mé en nageant dans les eaux trans­pa­rentes de la baie de Keko­va, dans le sud de la Tur­quie. Ces conne­ries ne sont pas pour moi… Je pré­fère regar­der l’ho­ri­zon qui s’ouvre devant moi. Quelques bateaux de pêcheurs de cala­mars sont amar­rés sur les bas-fonds.

5 - Carnet de Thaïlande - 31 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 32 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 34 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 36 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 41 - Mu Ko Ang Thong National Park

La pro­chaine étape est une île sur laquelle le bateau fait escale, Ko Mae Ko. On trouve ici une curio­si­té géo­gra­phique puis­qu’a­près avoir gra­vi quelques che­mins bien raides pen­dant une bonne demi-heure, entou­rés de roches vol­ca­niques cou­pantes comme des rasoirs, on arrive face à un lac d’eau de mer, d’une cou­leur d’é­me­raude étin­ce­lante, le Thale Nai. Per­ché bien au-des­sus du niveau de la mer, c’est à n’y rien com­prendre. Com­ment cette eau salée a pu se retrou­ver encer­clée ain­si et sur­tout à une telle hau­teur ? Entou­rée d’es­car­pe­ments de cal­caire, on ne peut pas y des­cendre, on ne peut que s’ap­pro­cher de la sur­face écla­tante de l’eau dans laquelle on peut voir des petits pois­sons sans cou­leur s’é­battre. Là encore, le mys­tère en entier. Com­ment sont-ils arri­vés jus­qu’i­ci ?… De l’autre côté, on a une vue impres­sion­nante sur l’ar­chi­pel qui s’é­tend aux pieds de l’île. En redes­cen­dant du lac, je prends le temps de me bai­gner dans une petite crique à l’eau calme, où je peux voir mes pieds tou­cher le sol, ce qui est à peu près la seule chose ras­su­rante pour moi… Je me vautre dans cette eau d’une cha­leur incroyable où de tout petits pois­sons viennent s’en­qué­rir de ma présence.

Le bateau repart tran­quille­ment sur une mer d’huile, pro­té­gée par la proxi­mi­té des autres îles. Il s’ar­rête à bonne dis­tance de la côte et les gar­çons de bord nous donnent des sacs étanches pour mettre nos affaires… je ne com­prends pas trop ce qui se passe et je com­mence à avoir peur qu’on nous invite à rejoindre l’île à la nage… En réa­li­té, des bateaux à moteur, les fameux long-tail boats (เรือหางยาว, Ruea Hang Yao), viennent nous cher­cher pour accos­ter. Le tirant d’eau n’est pas suf­fi­sant pour que le gros bateau puisse s’ap­pro­cher. Le pro­blème, c’est que les long-tail boats n’ar­rivent pas non plus à s’ap­pro­cher de la plage, et c’est là que je com­prends l’in­té­rêt des sacs étanches. Il faut plon­ger dans l’eau jus­qu’à la tête pour arri­ver sur l’île… Un peu spor­tif et sur­pre­nant, mais ça ne manque pas de charme. Me voi­ci enfin sur la der­nière île, la plus grande, Ko Wua Ta Lap.

5 - Carnet de Thaïlande - 42 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 43 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 45 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 46 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 47 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 49 - Mu Ko Ang Thong National Park

Mon genou me fait souf­frir et l’in­vi­ta­tion à mon­ter au som­met de l’île pour aller admi­rer l’ar­chi­pel n’est plus de mise, mais ce que je vais décou­vrir ici aura lar­ge­ment com­pen­sé le spec­tacle pro­mis. En effet, au pied de la mon­tagne, à quelques mètres au-des­sus de moi, vivent des petits singes arbo­ri­coles abso­lu­ment pas farouches. Ce sont des « Dus­ky leaf mon­key » ou Lan­gur (Tra­chy­pi­the­cus obs­cu­rus, Sem­no­pi­thèque obs­cur) qui se déplacent en famille. Je reste à les admi­rer pen­dant de longues minutes, m’a­mu­sant de leurs cabrioles et facé­ties, pen­dus par les pieds, ou mor­dillant leur queue…

5 - Carnet de Thaïlande - 52 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 54 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 56 - Mu Ko Ang Thong National Park

La jour­née touche à sa fin. Pen­dant que le reste de la troupe est par­tie trek­ker dans les hau­teurs, je m’al­longe à l’ombre des pal­miers, dans un calme ori­gi­nel et je pro­fite pen­dant de longues minutes d’une plage déserte cachée du soleil, le temps de repo­ser ma peau de la mor­sure du soleil et de pro­fi­ter d’une eau plus chaude que tout ce que j’ai connu jus­qu’i­ci. Le res­sac des vagues me donne l’im­pres­sion d’une Bre­tagne trans­plan­tée sous les coco­tiers, sous des franges d’é­pi­phytes sau­vages et de fou­gères ruis­se­lantes d’eau. Ce sont des moments rares, où le temps n’a plus d’im­por­tance, où l’on se retrouve seul avec l’im­pres­sion que le monde est à nos pieds. Ma peau me brûle ter­ri­ble­ment mais mon esprit est empli d’une séré­ni­té que seul l’é­loi­gne­ment de tout  per­met. Il est des bouts du monde qui ne se laissent appri­voi­ser à moins d’a­voir lais­sé tom­ber quelque chose en chemin.

5 - Carnet de Thaïlande - 62 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 63 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 65 - Mu Ko Ang Thong National Park

5 - Carnet de Thaïlande - 66 - Mu Ko Ang Thong National Park

Le bateau retourne à pleins gaz vers Ko Phan­gan, après m’être contor­sion­né pour remon­ter sur le long-tail boat, met­tant mon genou à rude épreuve. Au début de la course, je m’a­muse de voir les vagues tra­ver­ser le pont et les bor­dées frap­pées par les creux que nous pre­nons de côté. Mais le Golfe de Thaï­lande n’a d’i­dyl­lique que le nom. C’est en réa­li­té un enfer capri­cieux qu’il faut tra­ver­ser avec l’es­to­mac bien accro­ché. Dans une belle lumière de fin de jour­née, le bateau laisse entendre des cra­que­ments effrayants de bois pour­ri. En attar­dant un peu mon regard sur la struc­ture du bas­tin­gage, je m’a­per­çois qu’il y a des fis­sures par­tout et c’est fina­le­ment la cabine entière qui semble accro­chée à un fil au-des­sus de nos têtes. La tra­ver­sée n’en finit pas. Cer­tains sont malades et le par­quet de bois brut finit macu­lé de vomis­sures. A l’ar­rière, je me rends compte que deux des gar­çons de bord ont ouvert la cale où se trouve le moteur et écopent avec une belle ardeur l’eau qui s’in­filtre par­tout. Je manque de tour­ner de l’œil en me disant que si le moteur finit noyé, nous allons devoir res­ter là une bonne par­tie de la nuit avant qu’on vienne nous cher­cher. Mais dans l’é­qui­page, per­sonne ne semble inquiet.

Je suis fina­le­ment ren­tré entier à Ko Phan­gan, mais on ne m’y repren­dra pas. La mer n’est pas un jeu et embar­quer sur un bateau comme celui-ci est tout sim­ple­ment irrai­son­nable. J’en ris main­te­nant, mais je n’ai jamais été aus­si angois­sé sur la mer. A croire que c’est à prix-là qu’on accède au para­dis… ou à l’enfer…

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Des monstres et des démons à Bali : Barong au Pura Pena­ta­ran Kloncing

Des monstres et des démons à Bali : Barong au Pura Pena­ta­ran Kloncing

S’il est un per­son­nage emblé­ma­tique de Bali, c’est bien le barong. Repré­sen­té sous la forme d’un per­son­nage mons­trueux, por­tant un masque de lion et habi­té par deux per­sonnes, une por­tant le masque, l’autre por­tant le corps, il est le Banas­pa­ti rajah, le sei­gneur de la forêt et son ori­gine remonte avant l’ar­ri­vée de l’hin­douisme sur l’île de Bali, au temps où les cultes ani­mistes étaient bien ancrés. Le spec­tacle lui-même com­porte plu­sieurs tableaux, dont un legong, et une place impor­tante est lais­sée à la danse du keris, arme sacrée qu’on connaît plus volon­tiers sous le nom de kriss malais, et dont la lame est char­gée d’une puis­sance sacrée cen­sée pro­té­ger son déten­teur. La sym­bo­lique très forte du spec­tacle de barong est cen­trée sur la lutte entre le bien et le mal, méta­pho­ri­que­ment habi­tée par Barong d’un côté, et la sor­cière Rang­da de l’autre. Dans les spec­tacles non des­ti­nés aux tou­ristes, la danse occa­sionne la transe des protagonistes.

Barong au Pura Penataran Kloncing - Ubud - Bali - 4

Barong au Pura Penataran Kloncing - Ubud - Bali - 7

Barong au Pura Penataran Kloncing - Ubud - Bali - 11

Barong au Pura Penataran Kloncing - Ubud - Bali - 6

Le masque de Barong est lui-même char­gé d’une puis­sance spi­ri­tuelle très forte et on le trouve géné­ra­le­ment pro­té­gé à l’in­té­rieur de l’en­ceinte des temples, à un empla­ce­ment bien pré­cis, sous un toit de chaume pour le pro­té­ger de la pluie. Celui du Pura Taman Kemu­da Saras­wa­ti est visible lors­qu’on visite le temple.

J’ai assis­té à ce spec­tacle dans la cour d’un petit temple don­nant sur un car­re­four, un soir où je me suis fait accom­pa­gner par un des gar­çons de l’hô­tel sur son scoo­ter. Imman­qua­ble­ment, la vie au-dehors du temple conti­nue. Pen­dant près d’une heure et demie, les dan­seurs enchaînent les tableaux à l’en­trée du Pura Pena­ta­ran Klon­cing, dans une atmo­sphère char­gée de spiritualité.

J’ai été par­ti­cu­liè­re­ment impres­sion­né par la beau­té de ces femmes bali­naises dont l’ex­per­tise dans la danse est fla­grante ; il n’y a qu’à voir leur corps convul­sés, raides et gra­ciles, leurs mains prendre des pos­tures expres­sives ne serait-ce qu’en bou­geant un seul doigt, leur regard chan­ger d’ex­pres­sion d’une seconde sur l’autre, leurs pieds se tordre dans un bal­let mil­li­mé­tré. L’une d’elles occu­pant le rôle d’un prince était par­ti­cu­liè­re­ment belle et troublante.

Retour sur cette soi­rée magique, en images, sons et vidéo. La vidéo dure 14’55’‘, les enre­gis­tre­ments audio couvrent la tota­li­té du spec­tacle, soit exac­te­ment 81’39’’. Avec le spec­tacle de legong au Palais d’U­bud, ce sont les deux spec­tacles que j’ai inté­gra­le­ment enregistrés.

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Mario Kart à Ko Phangan

Mario Kart à Ko Phangan

Je l’ai déjà dit plu­sieurs fois, Ko Phan­gan est une petite île du Golfe de Thaï­lande, iso­lée du reste du monde bruyant. Petite île donc, mais peu pra­ti­cable à pied. Il vaut mieux ici se dépla­cer en taxi ou à scoo­ter. Tous les ans, des conduc­teurs impru­dents perdent la vie sur cette île, d’ailleurs répu­tée pour cela, parce que les routes y sont étroites, mal entre­te­nues, les conduc­teurs sou­vent alcoo­li­sés et la pré­sence poli­cière nulle, parce que beau­coup de per­sonnes ne font pas atten­tion, doublent n’im­porte com­ment. Je crois que le pire, c’est de se trou­ver nez-à-nez avec un occi­den­tal qui a, l’es­pace de quelques ins­tants, oublié qu’on roule à gauche en Thaï­lande. Mais ne par­lons pas de ce qui pour­rait arri­ver ou de ce qui n’est pas arri­vé, mais bien plu­tôt de l’ex­pé­rience inté­res­sante que pro­cure le scoo­ter sur cette petite île avec ses mon­tées et des­centes ver­ti­gi­neuses, ses routes par­fois sans aucun revê­te­ment, les branches de pal­miers qui tombent sur la route et les chiens qui vous regardent d’un air débon­naire tan­dis que vous les klaxon­nez pour qu’ils se poussent. C’est cer­tai­ne­ment le meilleur moyen de prendre le temps de voir l’île comme on le sou­haite, de s’ar­rê­ter là et quand on veut, sans être dépen­dant des caprices d’un taxi qui roule sou­vent trop vite.

Je me suis donc amu­sé à prendre cette petite vidéo, depuis le centre de l’île jus­qu’à l’hô­tel, avec une bande ori­gi­nale pour le moins locale puisque chan­tée par Luk Phrae Urai Phon (cli­quez pour voir la vidéo ori­gi­nale, à tous les sens du terme), une vraie star Thaï.
Met­tez votre casque, chaus­sez vos lunettes pour évi­ter les bes­tioles et c’est par­ti pour cinq minutes de course folle sur les route thaïlandaises !!

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Acco­ler / Detterrir

Acco­ler / Detterrir

Acco­ler / Det­ter­rir, une autre manière de dire atter­rir et décol­ler. Parce que peu importe le sens dans lequel on le dit. C’est vrai après tout, si on regarde d’un peu près l’é­ty­mo­lo­gie des deux mots, voi­là ce qu’on peut se dire ; le sens de décol­ler signi­fie à la fois, pour un avion, quit­ter le sol, mais aus­si sépa­rer deux choses qui sont col­lées, jointes, soli­daires. Ain­si, on peut très bien ima­gi­ner le rem­pla­cer par le mot det­ter­rir, qui, comme son cou­sin atter­rir signi­fie rejoindre la terre, pour­rait signi­fier quit­ter la terre…

Peu importent les mots. Lors de mon der­nier voyage en Tur­quie en mai 2013, un mois de mai d’une den­si­té incroyable, où j’ai ren­con­tré des per­sonnes avec qui je suis tou­jours en contact aujourd’­hui, je me suis amu­sé à fil­mer cha­cun des décol­lages et atter­ris­sages de ce voyage.
Je suis par­ti le 1er mai de Paris pour rejoindre Istan­bul. Atter­rir à Istan­bul Atatürk a quelque chose de magique. La piste est rela­ti­ve­ment courte et com­mence presque au bord de la mer. Pas­ser au-des­sus de la Mer de Mar­ma­ra avec une beau soleil qui se réflé­chit sur cette mer aux accents antiques est comme un rêve éveillé. On atter­rit tou­jours à Istan­bul en étant un peu cha­hu­té, il faut s’y attendre. C’est comme ça. Peu importe les cir­cons­tances, j’ai une petite chan­son dans la tête lorsque j’ar­rive, quelque chose comme le chant d’une femme, une lamen­ta­tion douce et triste.
Le même jour, à quelques heures d’in­ter­valle, j’ai repris un vol interne pour rejoindre Kay­se­ri. Lors­qu’on décolle d’Is­tan­bul et qu’on se dirige vers l’est, l’a­vion fait une grande boucle autour de la la pointe du sérail et nous donne une vue impres­sion­nante sur la ville antique. Kay­se­ri est un peu la capi­tale de la Cap­pa­doce, beau­coup plus grande que Nevşe­hir. L’at­ter­ris­sage se fait dans une ambiance humide, de gros nuages épais et lourds tour­nant autour de l’Erciyes dağı (Mont Argée). Des avions mili­taires, des C‑160 Trans­all visi­ble­ment, les 20 qui sont encore en ser­vice dans le monde, sont par­qués sur le côté droit de la piste.
Le 6 mai, je repars du même aéro­port, Kay­se­ri Erki­let Hava­li­manı. Le temps est beau­coup plus clé­ment, le soleil se blot­tit sur les contre­forts de la mon­tagne culmi­nant à presque 4000 mètres. En ce mois de mai, alors que la tem­pé­ra­ture frise les 25°C, le som­met est encore cou­ron­né de neige imma­cu­lée. Une nou­velle fois, j’at­ter­ris à Istan­bul et encore une fois, je suis du côté droit de l’a­vion ; de là où je suis, je ne vois pas la pointe du sérail, mais la par­tie ouest de la grande agglomération.
Le 11 mai, l’a­vion décolle d’A­tatürk, dans une lumière de fin de jour­née. Le vol dure presque quatre heures et donne l’im­pres­sion de cou­rir après le soleil qui se couche. Lorsque j’at­ter­ris à Charles de Gaulle, la nuit vient à peine de tom­ber sous un ciel de plomb aux cou­leurs vio­la­cées. Les lumières des villes alen­tours et de cette immense ville qu’est l’aé­ro­port de Rois­sy, les cou­leurs criardes des champs de col­za, tout ceci annonce le retour à la réalité.

Les vols en avion m’an­goissent tou­jours, je me sens tou­jours un peu fébrile lorsque le com­man­dant de bord annonce au micro que les hôtesses doivent se pré­pa­rer au décol­lage, que les réac­teurs vrom­bissent sur le tar­mac. Les rails de glis­se­ments des volets s’al­longent pour lais­ser tom­ber les volets qui vont per­mettre à l’a­vion de décol­ler du sol et finissent par retour­ner à leur empla­ce­ment lorsque nous serons à une alti­tude suf­fi­sante. A l’at­ter­ris­sage, les mêmes volets res­sortent pour offrir une plus grande por­tance et agran­dir la sur­face de la voi­lure. Une fois à terre, les spoi­lers se dressent pour pla­quer l’a­vion au sol et lui per­mettre de frei­ner lorsque les inver­seurs de pous­sée prennent le relais pour sou­la­ger le sys­tème de frei­nage. J’aime pour­tant regar­der les ailes bou­ger au gré des bour­rasques, se plier et trem­bler sous les dif­fé­rences de pres­sion. En quelques mots, j’aime me faire un peu peur, jamais vrai­ment ras­su­ré de m’en­vo­ler, et pour­tant tou­jours content de prendre l’air, parce qu’au bout du vol, c’est une autre réa­li­té qui s’ouvre.

Voi­ci un petit mon­tage vidéo de ces atter­ris­sages et décol­lages pen­dant le mois de mai 2013, accom­pa­gné de la musique envoû­tante de Mer­can Dede avec un titre superbe, Nar‑i Can, sur l’al­bum Nar (Dou­ble­moon, 2002).

 

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